Des cadres du parti du chef de la diplomatie israélienne sont soupçonnés de corruption, de fraude et de blanchiment. Israël notre maison perdrait au moins la moitié des 13 sièges qu’il détient à la Knesset lors du scrutin anticipé du 17 mars. Pourquoi Michaël Fikov a-t-il disparu ? Ancien conseiller du ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, ce touche-à-tout avait également été agent du Shabak (la Sûreté générale israélienne) avant de créer le site d’information IzRus s’adressant à la communauté russophone d’Israël...
Ambitieux et efficace, Michaël Fikov semblait promis à un bel avenir. Après avoir servi Avigdor Lieberman, il s’est rapproché du Likoud, le parti de Benyamin Netanyahou, pour lequel il travaillait également jusqu’à sa disparition soudaine il y a six mois.
Perquisitions
Selon les services de sécurité ukrainiens, son cadavre atrocement torturé et à moitié calciné vient en tout cas d’être retrouvé. Avec son passeport dans la poche.
A Jérusalem, des sources judiciaires affirment qu’il aurait mis de la distance entre lui et l’Etat hébreu en apprenant que l’Unité 433 de la police israélienne – l’équivalent local du FBI – le soupçonnait d’avoir blanchi par le biais d’IzRus une partie des caisses noires du parti d’Avigdor Lieberman. Et qu’il risquait l’arrestation.
Sale affaire pour le chef de la diplomatie. D’autant que le 24 décembre 2014, des dizaines d’enquêteurs de l’Unité 433 agissant dans le cadre de cette même enquête connue sous le nom de code de «dossier 242» ont perquisitionné les bureaux de cadres, de dirigeants et de sympathisants d’Israël notre maison. Depuis lors, plus d’une centaine d’autres suspects ont également été entendus: des députés, des élus des colonies de Cisjordanie et du plateau du Golan, de hauts fonctionnaires, des lobbyistes, etc. Ils sont soupçonnés de corruption, de fraude et de blanchiment.
En substance, ils seraient intervenus pendant des années afin de décrocher des subsides publics destinés à des organismes qui n’y avaient pas droit. Bien sûr, ils prélevaient leur dîme au passage et celle-ci alimentait autant la caisse noire d’Israël notre maison que leur caissette personnelle. En outre, ils obligeaient les organismes indûment subventionnés à recruter leurs proches à des emplois fictifs mais grassement rémunérés.
Parmi les suspects les plus en vue figurent l’ex-ministre du Tourisme, Stas Misekhnikov, et la vice-ministre de l’Intérieur, Faïna Kirchenbaum, qui passe pour la femme de confiance d’Avigdor Lieberman. Le premier a d’ailleurs été placé en détention préventive mais pas la seconde qui bénéficie d’une immunité parlementaire. En revanche, le procureur général lui a interdit de remettre les pieds dans son bureau durant trente jours.
Quant au ministre des Affaires étrangères, il crie au «complot policier» visant à le déstabiliser avant les législatives anticipées du 17 mars prochain. «Si les enquêteurs le pouvaient, ils me mettraient la disparition de l’avion de la Malaysia Airlines sur le dos, lâche-t-il. Depuis sa création en 1999, mon parti a déjà été ciblé par six enquêtes judiciaires qui n’ont jamais abouti et ce sera la même chose cette fois.»
En 2012, le ministre avait d’ailleurs été inculpé dans une affaire de blanchiment, ce qui l’avait obligé à démissionner. Mais il est revenu au gouvernement après qu’un non-lieu «pour manque de preuves» eut été prononcé.
Contrairement à ce que prétend le leader d’Israël notre maison, le «dossier 242» a été ouvert il y a plus d’un an sur la base d’une dénonciation. Donc, longtemps avant la chute du gouvernement Netanyahou suivie par l’ouverture de la campagne en vue des élections du 17 mars. Cette enquête n’était d’ailleurs plus secrète puisque le Yediot Aharonot, le plus grand quotidien de l’Etat hébreu, avait déjà publié le 11 novembre 2013 un dossier la concernant ironiquement intitulé «Israël notre pognon».
Ambition ruinée
Dans le cadre des leurs perquisitions lancées le 24 décembre, les policiers épaulés par des agents de l’inspection fiscale ont en tout cas trouvé sur les comptes de plusieurs suspects, dont celui de Faïna Kirchenbaum, 500 000 euros de versements injustifiés.
Selon les sondages, si les révélations relatives à son entourage se poursuivent au même rythme qu’aujourd’hui, Avigdor Lieberman verrait son parti perdre au moins la moitié des 13 sièges à la Knesset lors du scrutin anticipé. Une descente aux enfers qui ravalerait le ministre des Affaires étrangères au rang d’homme politique sans influence et ruinerait son ambition de devenir un jour le premier chef de gouvernement russophone de l’histoire de l’Etat hébreu.
Source Le Temps