D’ici moins de 48 heures, la première phase de la campagne électorale 2015 sera terminée, mettant un terme au long et épuisant processus de sélection des candidats des partis israéliens...ou en est-on ?...
Les partis démocratiques, soit le Likoud, les Travaillistes, HaBayit HaYehoudi ("fooyer juif") et Meretz, ont finalement terminé le dépouillement des scrutins de leurs primaires et les partis monarchiques dont le chef exerce un contrôle exclusif sur la liste, comme Avigdor Lieberman pour Israel Beitenou, Yaïr Lapid pour Yesh Atid et Moshe Kachlon pour Koulanu, ont tous présenté leurs listes. La liste commune des partis arabes a suivi le camp sioniste avec sa fusion historique, et seuls les rabbins qui dirigent les partis religieux n’ont pas encore fait leurs choix.
À la date limite jeudi, les partis remettront leurs listes définitives de candidats, aucune fusion ou divorce surprise ne pourront se produire et chaque parti recevra une lettre ou un groupe de lettres qui le représentera aux bureaux de vote. Cependant, rien n'est joué tant que ce n’est pas fini; alors que le compte à rebours jusqu’à jeudi poursuit inéluctablement son cours, des changements de dernière minute pourraient encore avoir lieu.
1. Chaque campagne électorale offre l’occasion aux dirigeants de parti d'injecter du sang neuf et des candidats vedettes dans leur rang pour séduire les électeurs et accroître l'attractivité et la popularité de leurs listes.
Jusqu'à présent, la cuvée 2015 compte déjà deux généraux de Tsahal fort acclamés, un ex-ambassadeur, un professeur d’économie de renommée nationale, des journalistes, des personnalités locales et municipales et des militants sociaux.
Mais une sélection de dernière minute l’a emporté sur toutes les autres. Dans l'une des décisions politiques les plus surprenantes jamais enregistrées en Israël, Naftali Bennett, chef du parti nationaliste religieux HaBayit Hayehoudi, a dévoilé un nouveau candidat bien placé sur sa liste: l’ancienne star de football Eli Ohana. La Knesset a déjà accueilli un champion de judo, des coureurs de marathon, certains joueurs de tennis, mais une star de football est une première.
Ohana, ancien joueur du club Betar de Jérusalem et actuel entraîneur de l'équipe junior israélienne, est l'un des athlètes les plus populaires de la modeste histoire du football israélien. Bennett, dans l'espoir de rendre sa liste très religieuse et conservatrice un peu plus attrayante pour le grand public, a exploité ses pouvoirs en tant que chef du parti pour apporter des modifications finales.
Et comme d'habitude, il s’est avéré être le roi du buzz sur les réseaux sociaux. Quelques minutes après l'annonce, des photos circulaient, des blagues étaient tweetées: l’onde de choc a été ressentie dans tout le pays.
La dernière recrue de Bennett est une claire claque au visage pour le parti au pouvoir.
Ohana est une icône de la culture du football du Betar Jerusalem, un symbole des stades YMCA et Teddy - des bastions traditionnels du Likoud - et un partisan du Likoud depuis des années.
Il n’a pas fallu beaucoup de temps à chercher dans les archives "Google" pour trouver des manchettes antérieures dans lesquelles il vantait les louanges de Benyamin Netanyahou ou encore soutenait le retrait unilatéral de la bande de Gaza en 2005.
Lorsqu’il a rejoint Bennett, Ohana a souligné qu'il a été un Likoudnik toute sa vie, mais qu’il “ne croit plus aux retraits". Cela pourrait cependant ne pas être suffisant pour empêcher les conséquences négatives dans la propre arrière-cour de Bennett.
Des militants et des parlementaires de sont parti ont réagi avec fureur à la nomination du nouveau candidat, qui n’est pas vraiment de droite ni très religieux. Des dizaines de personnes ont innondé la page Facebook de Bennett pour lui faire part de leurs objections à sa décision.
Le scandale s’est poursuivi quand sa collègue du parti, Ayelet Shaked, a tenté de convaincre les militants de donner une chance à Ohana, expliquant que Bennett "voulait apporter une personne séfarade traditionnelle qui a eu une enfance difficile et a réussi”. Elle a été immédiatement critiquée comme étant raciste par le parti séfarade religieux Shas.
Jusqu'à présent, les décisions populistes de Bennett ont toutes été acceptées avec respect, voire admiration. Mais cette fois, cependant, il a peut-être été un peu trop loin.
Le temps dira si les fans du Betar déserteront leur foyer politique traditionnel et suivront Ohana, mais la cour que Bennett fait aux électeurs du Likoud est un premier geste clair dans sa lutte acharnée contre Benyamin Netanyahou, mettant fin aux discussions sur un rapprochement entre eux. De façon encore plus significative, cela signale la fin de l'accord mutuel de cessez-le-feu. Jusqu'à présent, les partis de droite se sont abstenus de "tirer à l'intérieur du camp” et ont concentré leurs attaques contre le camp sioniste de centre-gauche composé des partis travailliste et Hatnua.
Avec ce geste de Bennett, cependant, les gants blancs ont été retirés. A sept semaines de l’élection, un nouveau champ de bataille vient d'être inauguré.
2. " N'importe qui sauf Bibi...et Sara ? "
On aurait aimé être une mouche posée sur un mur de la résidence officielle du Premier ministre rue Balfour lorsque la nouvelle à propos d’Ohana a éclaté. Le Premier ministre israélien, qui cherche aussi des stars pour les places réservées sur sa liste (il envisagerait une ancienne Miss Israël), passait déjà une soirée difficile après qu’un sondage de la deuxième chaîne a annoncé que le camp sioniste venait de creuser son avance sur le Likoud par 3 sièges.
C’était ainsi le dernier coup dur d’une semaine difficile, lors de laquelle des nouvelles preuves ont fait surface contre Netanyahou, peignant un tableau troublant de l'atmosphère à l'intérieur de la résidence du Premier ministre.
Les affidavits des employés font partie d'un procès en cours devant le tribunal régional du travail lancé par un ancien gardien de la résidence. Le témoignage de la femme de Netanyahou dans le procès a été reporté à après les élections, mais les affidavits ne l’ont pas été.
On y retrouve de dures accusations contre Sara Netanyahou, qui détaillent son comportement prétendument abusif, ses accès de colère, sa consommation d'alcool et l'humiliation qu’elle fait vivre aux employés. Netanyahou a rejeté sur Facebook les allégations en les qualifiant de “mensonges et distorsions", blâmant les médias de l'attaquer par tous les moyens à leur disposition. La campagne «N’importe qui sauf Bibi» est devenue «N’importe qui sauf Sara», a-t-il écrit.
Il était prévisible que les attaques contre la Première dame allaient refaire surface à un moment ou à un autre de la campagne électorale, et ses partisans ont expliqué qu’elle est la femme ayant le plus d'influence sur Netanyahou.
Mais cela rend aussi mal à l’aise beaucoup de gens dans l’arène politique. "Ce n’est pas elle, c’est lui", a écrit le numéro trois du Parti travailliste, Shelly Yachimivich, sur Facebook.
La leader du Meretz Zehava Gal-on lui a fait écho en soulignant que lorsqu’on critique un Premier ministre, il faut se concentrer sur lui, non pas sur son conjoint. Même Yair Lapid a dit que cela est «laid», ce qui suggère à juste titre que ceux qui veulent attaquer les politiques de Netanyahou doivent le faire de manière appropriée, et sa famille laissée en paix.
3. "Le club des moins de 10 sièges"
À moins de 50 jours des élections, le trio en tête des sondages est clair et stable: le Likoud et le camp sioniste, qui devraient tous les deux avoir plus de 20 sièges et qui se mènent une bataille pour remporter la première position, sont suivis par haBayit Hayehoudi, qui devrait remporter entre 14 et 16 sièges. Mais après le top 3, un certain nombre de petits partis ont du mal à passer la barre des 10 sièges, chacun d'eux faisant appel à un vote de centre droit: Yesh Atid de Yaïr Lapid, Israel Beitenu d’Avigdor Lieberman et Kulanou de Moshe Kachlon.
Au cours des dernières semaines, divers contacts et manœuvres ont été joués pour essayer de réunir certains de ces partis dans une liste commune, mais tous se sont jusqu'ici soldés par un échec, principalement en raison des affrontements d'ego pour le leadership. Lieberman, aux prises avec le scandale de corruption dans son parti, a pris une pause de la campagne cette semaine et s’est envolé à Moscou et en Chine.
Kachlon a du composer avec le numéro trois de son parti qui a été disqualifié à la dernière minute. Lapid a pour sa part lancé le nouveau slogan "Une lutte pour notre pays" et a présenté sa liste n'affichant aucun changement significatif en dehors de quelques nouveaux visages, certains départs et des promotions. Lapid poursuit avec la même équipe composée de quatre ministres populaires et de beaucoup de législateurs de première année qui ont conclu leur premier mandat avec un palmarès impressionnant au parlement.
La grande énergie qui se dégage des événements publics de Lapid est devenue une rumeur bien connue. Depuis le début de la campagne, Lapid et ses camarades de parti ont été dans tout le pays, jour comme nuit, attirant des centaines de citoyens venus écouter ce que l'ancien ministre des Finances et ancien présentateur populaire de télévision a à dire.
Les militants de Yesh Atid affirment que les sondages sous-estiment la force réelle du parti, comme cela a été le cas lors des dernières élections.
À en juger par la vaste et impressionnante expertise de campagne dont Lapid fait preuve jusqu'ici en sept semaines, ils pourraient avoir raison.
Par Tal Shalev
Source I24News