Le premier exil vécu par nos ancêtres – en Egypte –
et la grande délivrance qui y a mis fin sont annonciateurs de notre future et
ultime rédemption qui clôturera notre exil actuel parmi les nations. Ils sont
également révélateurs de la manière dont nous devons nous comporter parmi les
non-Juifs et dont nous pouvons hâter cette libération que nous guettons si
ardemment...
Notre émergence nationale – notre naissance en tant que « peuple » – a eu lieu en Egypte, autrement dit, en terre étrangère où, selon nos Sages (Sifri), les valeurs prônées et les qualités en vogue étaient diamétralement opposées à celles du judaïsme. Or, cela est étonnant. Pour quelle raison notre peuple a-t-il vu le jour précisément au cœur de cette civilisation ?!
Pour le Maharal, les Egyptiens symbolisent la matérialité – le ‘homèr – alors que les enfants d’Israël ont dû forger leur identité de ‘am ha-tsoura : « le peuple de la forme ». Autrement dit, ils ont dû générer toutes les défenses et immunités nécessaires pour se préserver des valeurs vaines et futiles prônées par l’Egypte. C’est seulement ainsi qu’ils ont pu s’en affranchir, qu’ils ont libéré leur esprit pour lui rendre son authentique dimension et devenir enfin eux-mêmes.
Moché fut ainsi nommé par Bithya, fille de Pharaon, après qu’elle l’eut sauvé de la noyade réservée aux garçons nouveau-nés : « … car je l’ai tiré (mechithihou) des eaux » (Chemoth 2, 10). Moché représente « la forme par excellence » : En effet, l’eau, pourtant dénuée de forme, épouse parfaitement celle de son récipient.
C’est donc une fois qu’il a été extirpé de celle-ci que Moché est devenu apte à affranchir son peuple de l’esclavage de l’esprit, puis de celui du corps qui sévissaient tous deux en Mitsrayim (Egypte) – ce nom étant formé des mêmes lettres que meitsarim : « les étaux ».
Dans la section de Bechalla‘h, nous lisons le récit de l’ouverture de la mer de Joncs. Cet éloignement miraculeux de l’eau – « forme par excellence » – a finalisé la délivrance des enfants d’Israël, et c’est seulement à ce moment qu’ils ont pu entonner la chira, le cantique de reconnaissance à Hachem. En effet, il n’avait pas suffi de quitter cette plus grande prison du monde qu’était alors l’Egypte, car aussitôt ensuite, rapporte la Tora (Ibid. 14, 10) : « Voici l’Egyptien partant après eux ! »
« L’Egyptien », à savoir l’identité égyptienne et toutes les valeurs qu’elle véhiculait, ce sont elles qui poursuivaient encore les enfants d’Israël qui n’en étaient pas encore réellement libérés. C’est uniquement dans l’épreuve, quand ils se sont retrouvés ainsi talonnés face à la mer, qu’ils se sont tournés vers Hachem.
C’est à ce moment qu’ils ont fait preuve d’une totale abnégation et se sont sentis véritablement libres – en leurs corps et en leurs esprits. Ils ont alors ont été en mesure de chanter la chira, représentant le plus haut niveau d’expression par laquelle l’âme extériorise pleinement les sentiments qui l’habitent, et qu’ils ont pu témoigner leur gratitude à Hachem pour cette libération.
De la même manière, attendre notre future délivrance et nous y préparer efficacement, cela signifie forger et renforcer notre identité juive envers et contre tous les courants et les modes, nous protéger contre les agressions extérieures en « sortant de l’eau » afin d’acquérir notre Moché – « tiré des eaux » – et de mériter notre ultime Rédemption. Puissions-nous y assister très bientôt, Amen !
Par le Rav Dov Roth-Lumbroso
Source Chiourim