Le Japon a à nouveau demandé mardi 27 janvier l'assistance de la Jordanie pour sauver Kenji Goto, ressortissant japonais otage de Daech. De nouvelles menaces ont été diffusées sur internet plus tôt dans la journée, le groupe islamiste menaçant d'exécuter l'otage dans les 24 heures. Pourquoi le Japon demande de l'aide à la Jordanie ? ...
D'abords parce que le nouvel ultimatum mis en ligne sur les sites jihadistes montre une photo de Kenji Goto tenant le portrait de Maaz al-Kassasbeh, un pilote jordanien capturé par l’État Islamique en Syrie fin décembre. "Je n'ai plus que 24 heures à vivre, et le pilote encore moins", indique dans cette nouvelle vidéo la voix supposée de Kenji Goto, un journaliste indépendant qui fournissait des reportages aux chaînes de télévision nippones.
Dans première une vidéo publiée le 20 janvier, l'EI avait réclamé au gouvernement japonais une rançon de 200 millions de dollars pour relâcher Kenji Goto et Haruna Yukawa. Faute d'avoir obtenu satisfaction, le groupe avait annoncé avoir exécuté Yukawa.
Si le Japon demande l'aide de la Jordanie, c'est aussi et surtout que Daech exige en échange de la libération de l'otage japonais la libération de leur "sœur" Sajida al-Rishawi, une jihadiste irakienne emprisonnée en Jordanie.
Âgée d'une quarantaine d'années, Sajida al-Rishawi est détenue depuis sa condamnation à mort en septembre 2006, pour des faits de terrorisme remontant au 9 novembre 2005. Ce jour-là, trois attentats suicide, commis notamment par son mari, Ali Hussein al-Chammari, avaient dévasté trois hôtels d'Amman notamment fréquentés par des diplomates, des expatriés et des touristes, faisant une soixantaine de morts.
Quelques jours après les attentats, Sajida al-Rishawi était arrêtée et la télévision jordanienne diffusait des images la montrant une ceinture explosive autour de la taille. D'un ton calme, Sajida al-Rishawi expliquait ensuite la préparation de l'attentat.
Sajida al-Rishawi à la télévision jordanienne en 2005
"Je suis entrée en Jordanie avec mon mari (...) avec des passeports irakiens falsifiés (…). En Jordanie, nous avons loué un appartement et il (son mari) avait deux ceintures explosives. Il en a porté une, m’a fait porter l’autre et m’a appris comment l’utiliser (...) pour exécuter (l’opération) dans des hôtels en Jordanie (…). Nous avons pris un taxi et nous nous sommes dirigés vers l’hôtel (Radisson) où nous nous sommes mis chacun dans un coin. Il y avait un mariage, des femmes, des hommes et des enfants. Mon mari a réussi à se faire exploser, moi j’ai essayé mais je n’ai pas pu, ça n’a pas explosé. J’ai vu les gens courir et s’enfuir de l’hôtel. Je me suis enfuie comme eux".
Ces attentats sanglants avaient été revendiqués par la branche irakienne d'Al-Qaida, dirigée par le Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui. Le groupe terroriste avait alors averti que d'autres attaques seraient perpétrées contre la Jordanie, considérée comme un "mur de protection" pour Israël et les forces placées sous commandement américain en Irak, un pays alors en guerre après l'invasion américaine de 2003.
Sept mois après les attentats d'Amman, les autorités américaines et irakiennes avaient annoncé la mort de Zarqaoui dans un raid aérien dans la région de Baqouba, au nord de Bagdad. Sajida al-Rishawi, avait indiqué à la presse le vice-Premier ministre jordanien, était aussi "la sœur d’un important terroriste, Samer Moubarak al-Rishawi, un des bras droit de Zarqaoui" jusqu'à sa mort dans des combats en Irak.
" L'un des buts de l'organisation est aussi de diviser les nations "
Abou Bakr al-Baghdadi, actuel chef de l'État islamique, a aussi servi comme lieutenant de Zarqaoui, note par ailleurs NBC.
Ces liens familiaux et organisationnels peuvent en partie expliquer cet appel, indique à la chaîne américaine Karima Bennoune, professeure de droit international à l’université de Davis (Californie). Selon elle, il est toutefois probable que le groupe islamiste tente d'apparaître comme un défenseur des femmes musulmanes.
En suspendant la vie d'un second otage japonais à la libération de l'Irakienne, Daech place Amman au cœur de la négociation et la diplomatie japonaise dans une délicate position, estiment des experts.
" L'un des buts de l'organisation État islamique est aussi de diviser les nations " liguées contre lui, souligne aussi Shiro Kawamoto, spécialiste japonais du terrorisme au sein du Conseil de politique publique.
Jugée en 2006, Sajida al-Rishawi a vu son appel rejeté l'année suivante, rappelle The International Business Times. Elle attend depuis l'application de sa sentence.
La Jordanie n'a pas commenté les demandes de Daech, ni l'appel à l'aide lancé par le Japon.
Source HuffingtonPost