Au sud de Cracovie, mais au milieu de l’animation urbaine, les vestiges du camp de concentration de Plaszow voisinent les décors rouillés de « La Liste de Schindler », le film aux six Oscars de Steven Spielberg. Le musée de l’usine d’Oskar Schindler, dans le quartier de Pogordze au sud de la Vistule, retrace l’histoire du « Juste » qui sauva 1 200 juifs mais aussi la dure vie de Cracovie durant l’occupation allemande...
Au sud de l’ancienne cité des rois de Pologne et du pape Jean-Paul II, au-delà de l’épaisse et noire Vistule, voici un havre de verdure et de paix. Retrouvée, hormis quelques tags d’extrémistes imbéciles. Cernés par le flot des voitures, les centres commerciaux et les immeubles, un grand plateau, une carrière et un terril de calcaire sont à l’état sauvage, témoins horrifiés et figés de l’Histoire.
La végétation a repris par pudeur le dessus mais subsiste des vestiges du camp de concentration de Plaszow où près de 25 000 habitants du ghetto de Pogordze à Cracovie furent jetés les 13 et 14 février 1943 pour travailler et mourir. Un gamin de huit ans, nommé Roman Polanski, s’enfuit à temps avec sa famille. Les dernières centaines de survivants, eux, furent conduits à Auschwitz et à la mort, à 70 km de là.
Après un mémorial et un panneau pour indiquer au visiteur qu’il est bien là où il pense être, le sommet de la colline inhabitée surplombe une ancienne carrière de calcaire. Subsistent des poteaux, des morceaux de barbelés, des pans de bâtisses que des jeunes aux cheveux ras ont « tagué » sans vergogne en buvant des bières.
La vérité est pourtant là, du terril de calcaire, le Kopiec Krakusa, preuve du labeur des hommes, jusqu’au fond de la carrière Liban, parsemée des décors de cinéma rouillés de La Liste de Schindler, le film aux six Oscars de Steven Spielberg (1993).
Des pierres tombales comme pavés
On a beau savoir que le camp ne se situait pas exactement là, que l’objet du cinéma est de faire illusion, il se passe un phénomène indéfinissable en cet endroit isolé de Cracovie. Des fours, des chevalets, des rails, des poteaux électriques, des wagonnets… Tout est à l’abandon et pour ainsi dire caché derrière les grillages d’une association d’ergothérapie.
Au fond de cette carrière, on marche soudain avec émotion sur un chemin fait de pierres tombales juives plus vraies que nature. Des indices : le béton commence à apparaître sous les mots en hébreu et plusieurs plaques proviennent visiblement du même coffrage… Ce choc de cinéphile rejoint l’Histoire : les nazis firent construire le camp de Plaszow sur deux cimetières juifs et en utilisèrent les pierres funéraires pour paver l’entrée.
Voilà qui nous amène deux kilomètres plus loin à l’inévitable Oskar Schindler, à son usine d’émail de l’ancien ghetto. Un musée retrace aujourd’hui la dure vie de Cracovie durant la Seconde Guerre mondiale. Le « Juste » sauva près de 1 200 juifs en transférant son usine et ses ouvriers à Brüunlitz dans les Sudètes. La débâcle allemande et la résistance de l’AK (Armia Krajowa, l’armée nationale) firent le reste.
Comme dit Gregorz Jezowski, le directeur du musée de l’usine Schindler, « les habitants de Cracovie ont énormément souffert de l’occupation allemande mais allaient tout autant souffrir de celle de l’Union soviétique». C’est l’objet d’une exposition temporaire et d’une tout autre histoire…
Source La Voix du nord