mardi 8 mars 2016

Une des figures de l'escroquerie à la taxe carbone de retour en France


Arrestation ou retour arrangé ? Ce lundi matin, Europe 1 révélait que Grégory Zaoui, considéré comme le pionnier de l'escroquerie à la taxe carbone, avait été arrêté vendredi à sa descente d'avion à l'aéroport de Roissy. L'homme faisait l'objet d'un mandat d'arrêt international depuis sa fuite pour Israël en 2014...



"Le retour de Grégory Zaoui sur le sol français était prévu depuis de nombreux mois", explique à "l'Obs" son avocat Me Manuel Abitbol. Voilà près de six mois que l'intéressé négociait son retour auprès des deux juges d'instruction, Guillaume Daieff et Patricia Simon, selon son avocat. "Son billet d'avion était même sur leurs bureaux", confie Me Abitbol. Contacté par "l'Obs", le parquet financier n'a pas souhaité faire de commentaires sur ce point.

Le cerveau de l'escroquerie en France

Mis en examen et ayant déjà fait 20 mois de détention provisoire dans ce dossier, Grégory Zaoui, 42 ans, est soupçonné d'avoir détourné près de 156 millions d'euros par le biais de deux sociétés Crépuscule et Coer2 Commodities. Des détournements dont il nie être le bénéficiaire.
Moins médiatisé que Cyril Astruc, Grégory Zaoui semble pourtant avoir joué un rôle central dans l'escroquerie.
"Il est probablement le véritable cerveau ayant imaginé les circuits de fraude à la TVA sur les quotas de carbone en France", écrivait à son propos Marius-Christian Frunza dans un livre référence sur le sujet, "Fraud and carbon markets : the carbon connection".

5 milliards à l'échelle de l'Europe

Selon cet auteur, Grégory Zaoui aurait pu conseiller d'autres équipes de fraudeurs. D'après Europol, les sommes détournées par les escrocs à la taxe carbone tourneraient autour de 5 milliards d'euros pour l'Europe, dont 1,4 milliard pour la France.
Un pactole amassé en neuf mois, le temps que la Caisse des dépôts, gestionnaire de la bourse aux quotas de carbone, découvre le pot aux roses en juin 2009.
Après le retour de Cyril Astruc en janvier 2014, c'est donc une seconde grande figure de cette escroquerie qui choisit de revenir en France. Débutée voici près de 7 ans, l'instruction du dossier Zaoui n'est toujours pas bouclée. Preuve de la complexité de cette affaire. A l'automne dernier, un deuxième juge avait même été saisi en complément de Guillaume Daieff.
Après avoir initialement répondu à ses obligations de contrôle judiciaires, Grégory Zaoui, lui, avait pris la poudre d'escampette en juillet 2014 à destination d'Israël.
Selon son avocat, ce départ aurait été motivé par la décision du juge d'instruction d'augmenter soudainement son cautionnement à 6 millions d'euros. Un montant basé sur la vente d'un patrimoine immobilier à Los Angeles dont Grégory Zaoui nie être le bénéficiaire.

"Ceux qui veulent coopérer ne viendront plus"

Selon nos informations, dans leur ordonnance, les deux juges d'instruction avaient demandé le placement sous contrôle judiciaire de Grégory Zaoui après son retour sur le sol français. Ils avaient également revu son cautionnement à la baisse, le passant de 6 millions d'euros à 875.000 euros.
Une position qui n'aurait pas été suivie.
"Le procureur avait une appréciation différente des deux juges d'instruction et a saisi le juge des libertés comme il en a la possibilité", commente-t-on du côté du parquet financier.
Le procureur aurait demandé le placement en détention, arguant notamment que l'intéressé n'avait pas respecté son précédent contrôle judiciaire. Le juge des libertés lui a donné raison. "On pensait qu'il serait libre, finalement, on l'incarcère.
C'est dommage car ceux qui sont en fuite et veulent coopérer ne reviendront plus", commente Me Abitbol.
Selon l'avocat, les détournements reprochés à Zaoui par la justice ne seraient désormais plus que d'un million de dollars. Une information non confirmée par le parquet.
D'après Europe 1, la compagne de Grégory Zaoui aurait été incarcérée il y a trois semaines dans le cadre d'une autre affaire instruite à Marseille.

Vincent Monnier
Source L'Obs