Avec presque 1 800 amis sur Facebook, le rabbin Roth en est la preuve vivante : « Religion et Internet ne sont pas antinomiques. » Attention, pas n’importe quel Internet : « Les chefs religieux estiment qu’il faut avoir un filtre. » En Israël, il y a même un nom pour cela : l’Internet casher...
Rabbin à Jérusalem et sur la Toile, Dov Roth est souvent sollicité par ses fidèles à ce sujet, « surtout par des familles mais pas seulement ».
Contre les moments de faiblesse
Pour lui, « Internet est aussi formidable que destructeur » et c’est d’ailleurs un outil qu’il a très vite su maîtriser : déjà en 2003, il lançait son premier site consacré au judaïsme. Mais il sait que « l’homme peut avoir des moments de faiblesse, c’est pour cela que nous avons besoin de barrières ».
Autrement dit : apprendre via le Net, c’est génial ; avoir la possibilité de voir un film érotique au détour d’un clic, ça, ce n’est pas acceptable.
Si pour les laïcs israéliens, ne pas avoir un accès totalement libre à Internet est impensable, pour d’autres de leur compatriotes l’aval rabbinique est la condition sine qua non avant de se lancer dans les méandres du Web.
Qu’ils soient plus ou moins religieux, traditionalistes ou encore ultra-orthodoxes, à chacun son Internet casher. Même 42 % des juifs hassidim (littéralement : « ceux qui craignent Dieu ») ont un accès à Internet quand bien même ils refusent tout ce qui se rapproche de la modernité.
« Torah lifestyle »
L’Internet casher ne se résume pas à un simple contrôle parental qui bloquerait les sites pornographiques ou violents. Rimon, la compagnie israélienne phare en la matière, propose six paliers différents d’accès au Web plus ou moins casher...
Capture d’écran des différents niveaux de l’Internet casher - Rimon.net
- Au premier niveau, les sites pornographiques, ceux aux contenus violents ou qui concernent de près ou de loin les drogues sont bloqués ;
- au deuxième palier, fini les images de mannequins en sous-vêtements, mais accès autorisé à l’ensemble des sites ;
- au troisième niveau de filtre, adieu YouTube, Facebook et autres sites de libres contenus ;
- au dernier niveau, utilisé par les juifs ultra-orthodoxes, seule une poignée de sites est disponible : e-mail, banque, compagnie de téléphone et services publics, transports ou assurances maladie. Et bien sûr, les sites sur le judaïsme et la Torah, soigneusement sélectionnés.
Mais comment décider de ce qui est casher ou non sur le Net ? « C’est simple : un conseil de rabbins se réunit et ce sont eux qui décident du contenu, en suivant les règles de la Torah. Ensuite, moi, j’exécute », explique David, programmeur informatique pour Rimon.
Requêtes d’utilisateurs
Paradoxalement les utilisateurs ont aussi leur mot à dire. David, de Rimon : « On reçoit souvent des appels de clients qui veulent ou ne veulent plus avoir accès à tel ou tel site, on fait remonter leurs demandes. Evidement, à la fin, ce sont les rabbins qui tranchent. »
Pour les plus religieux des internautes, la moindre possibilité d’avoir accès à des contenus inappropriés aux yeux de la Torah est problématique. Certains décident donc de s’en remettre totalement à ces compagnies au point de n’avoir volontairement aucun moyen de retirer le filtre : « A un certain niveau, je dois construire le logiciel comme un virus, pour être sûr que l’utilisateur ne va pas le retirer, aller sur Internet librement et remettre le filtre après. »
L’informaticien a même reçu des coups de fil de clients ultra-orthodoxes lui avouant avoir réussi à « cracker » son programme et lui demandant d’en refaire un dont les codes seraient impénétrables. David : « Faut pas croire, même en travaillant toute la journée avec des ordinateurs, on apprend beaucoup sur l’être humain. »