L’annonce est passée inaperçue. Le consortium laitier israélien Tnuva a fait savoir le 1er juillet que le prix de son « cottage cheese », allait diminuer de 2,5 %. Il y a deux ans tout rond, ce produit de base dont l’étiquette avait eu tendance à valser, avait servi de déclencheur – avec la flambée des prix du logement – au mouvement des Indignés israéliens. Une vague de protestation sans précédent s’était emparée du pays, avec l’éclosion de centaines de tentes sur le terre-plein du boulevard Rothschild, l’un des plus cossus de Tel-Aviv. Des manifestations record avec un demi-million de personnes (6 % de la population) avaient été organisées contre la cherté de la vie et pour la justice sociale.
Deux ans plus tard, que reste-t-il de la « révolte des tentes » ? A en croire Daphni Leef, l’une des chefs de file des Indignés, qui a appelé les Israéliens à descendre à nouveau dans les rues ce week-end, la contestation n’a pas eu les effets escomptés. Pourtant, ce mouvement spontané et non violent a connu une traduction politique. Plusieurs leaders de la protestation se sont retrouvés propulsés sur les bancs de la Knesset à l’issue du scrutin législatif du 22 janvier dernier. La tête de liste du parti centriste Yesh Atid (« Il y a un futur »), Yair Lapid, devenu ministre des Finances du gouvernement Netanyahu (avec 19 sièges), a surfé sur la vague en faisant campagne autour des classes moyennes ; tout comme l’autre partenaire de la coalition, Naftali Bennett, le ministre de l’Industrie et du Commerce du parti La Maison juive, qui veut lutter contre la concentration économique.
De plus, la « révolte des tentes » a modifié le débat public, dans un pays plutôt mobilisé par les questions sécuritaires que par les sujets socioéconomiques. Fin juin, des centaines d’Israéliens ont ainsi protesté contre la décision de Jérusalem d’exporter près de la moitié (40 %) des ressources gazières découvertes au large des côtes israéliennes.
Cette manne risque en effet de profiter de manière excessive aux conglomérats privés à l’instar de Delek, l’un des propriétaires des gisements Tamar et Leviathan. Enfin, le mouvement social a permis l’adoption de mesures importantes comme la scolarisation gratuite des enfants de maternelle, la mise en place d’un comité chargé de légiférer contre la concentration économique, ou encore la refonte de la fiscalité.
Reste qu’en matière de logement abordable – dont la pénurie a servi de catalyseur au mouvement social -, les recommandations du « comité de suivi » mis en place par le Premier ministre Netanyahu n’ont été que partiellement appliquées. Pour certains observateurs, le gouvernement se serait même contenté de « déléguer la gestion du dossier logement à la Banque centrale », alors que le problème se situe du côté de l’offre. Résultat, il faut désormais aligner en moyenne 135 mois de salaire pour acquérir un bien immobilier, contre 131 en 2011.
Ainsi seuls 26 % des Juifs israéliens considèrent que le mouvement des Indignés les a aidés de façon significative, selon un récent sondage. Une situation que l’actuel gouvernement s’attache à corriger, même si sa marge de manoeuvre est désormais plus limitée. Alors que la « révolte des tentes » est née dans le sillage de la croissance – marquée par une hausse de 4,6 % du PIB et un taux de chômage inférieur à 7 %, Bibi Netanyahu a entamé son troisième mandat dans un contexte de ralentissement économique et de mesures d’austérité.
Source Israel Valley