Une reprise du processus de paix israélo-palestinien sous l’égide des États-Unis, combinée aux turbulences traversées par l’Égypte, médiateur de la réconciliation entre les mouvements rivaux Fateh et Hamas, risque de creuser encore davantage la division interpalestinienne, selon des analystes. Le Hamas a rejeté l’annonce le 19 juillet par le secrétaire d’État américain John Kerry d’un accord de principe du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et du président palestinien Mahmoud Abbas pour reprendre des pourparlers de paix, contestant la « légitimité de M. Abbas pour négocier au nom du peuple palestinien sur des questions fondamentales ».
Le Fateh, mouvement de M. Abbas, et le Hamas, qui gouvernent respectivement les zones autonomes de Cisjordanie et la bande de Gaza, se sont fixé une nouvelle échéance, le 14 août, pour appliquer les principales clauses de leurs accords de réconciliation, signés pour la plupart au Caire, constamment reportées depuis plus de deux ans.
Mais une reprise des négociations avec Israël « pourrait approfondir le fossé entre les Palestiniens et entraver la réconciliation », a déclaré Walid al-Moudallal, professeur d’histoire et des idées politiques à l’Université islamique de Gaza.
« Il n’est tout simplement pas possible de parler de réconciliation alors qu’une partie rejette les décisions de l’autre sur les pourparlers de paix et l’avenir des Palestiniens », a-t-il assuré, alors que le Hamas ne reconnaît pas Israël.
Samir Awad, professeur de sciences politiques à l’université de Bir Zeit, en Cisjordanie, est du même avis. « Une reprise des pourparlers avec Israël poserait de graves obstacles sur la voie de la réconciliation.
Israël deviendra un facteur plus important dans la situation intérieure palestinienne en cas de reprise des pourparlers », estime-t-il.
Dans un communiqué mardi, le Hamas a enjoint « au Fateh de choisir entre la réconciliation avec l’occupation et le peuple palestinien », soulignant la réticence d’une grande partie de l’opinion à reprendre un processus de paix stérile.
Adnane Abou Amr, enseignant à l’université Ummah à Gaza, juge également la réconciliation incompatible avec des négociations avec Israël.
Mais, selon lui, il existe bien d’autres obstacles à l’unité palestinienne. « La réconciliation sera de toute façon gelée jusqu’à ce que l’Égypte résolve ses problèmes internes », précise-t-il.
Walid al-Moudallal prévient également qu’une reprise des négociations « reporterait la réconciliation à une date éloignée, d’autant plus que l’Égypte, qui en est le garant, est accaparée par ses affaires intérieures et risque de ne pas se stabiliser avant un bon moment ».
Mahmoud Abbas a remis dimanche soir à l’ambassadeur d’Égypte une lettre pour le chef de l’État égyptien par intérim Adly Mansour, dans laquelle il a salué la « feuille de route de M. Mansour, qui consolide le processus démocratique en Égypte », a rapporté l’agence officielle Wafa.
Il a insisté sur « le rôle de l’Égypte dans l’achèvement de la réalisation de la réconciliation palestinienne et l’engagement de la direction palestinienne aux accords conclus sous ses auspices », selon la même source.
A contrario de M. Abbas, qui avait rendu hommage au rôle de l’armée égyptienne dans la destitution du président islamiste Mohammad Morsi le 3 juillet, le chef du gouvernement du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, avait appelé le 5 juillet à ne pas désespérer des révolutions arabes, sans toutefois critiquer explicitement le renversement de M. Morsi.
Le Hamas, issu des Frères musulmans, mouvement de M. Morsi, a en revanche condamné le « massacre » le 8 juillet au Caire de plus de 50 partisans du président déposé.
Mais le politologue palestinien Hani Habib relativise l’influence des facteurs externes, soulignant que « les obstacles à la réconciliation sont des obstacles internes qui n’ont rien à voir avec les négociations ».
L’absence de progrès est due « avant tout à un manque de volonté des parties palestiniennes », a-t-il ajouté, en allusion aux divergences persistantes sur le calendrier et les modalités de la formation d’un exécutif non partisan et de la convocation d’élections.
Source L'Orient Le Jour