vendredi 26 juillet 2013

Lebna, une ville probablement cananéenne, se réveille d’un sommeil de 3000 ans


Les habitants de Shfela en sont bien conscients, la région dans laquelle ils vivent, qui s’étend de Latroun au nord à Kiryat Gat au sud, est d’une grande importance historique. Deux sites archéologiques majeurs sont situés à un jet de pierre de Beit Shemesh : Beit Gouvrin, qui nous ouvre une fenêtre sur la révolte de Bar Kokhba survenue peu après la chute du Second Temple, et la vallée de Eila, où David a tué Goliath.


C’est là, à l’insu peut-être des autochtones, qu’un archéologue affilié à l’université de Bar-Ilan, est presque certain d’avoir découvert le fief biblique de Lebna.
Lebna est avant tout la première ville cananéenne conquise par Josué au moment de son entrée en Terre d’Israël ; une ville qui sera tout entière léguée aux Lévites. Mais c’est Hamural, première reine mentionnée dans le Livre des Rois, épouse du roi Josias, qui régna sur la Judée de 640 à 609 avant notre ère, et mère des rois Ezéchias et Joachaz, qui la rendra célèbre.
Dans les années 1920, le célèbre archéologue américain, William Foxwell Albright, excave les fortifications dont les ruines émergent sur la colline, et dont il a la conviction qu’elles sont celles de Lebna. En raison de leur tracé qui évoque un chapeau en forme de haussement de sourcil, le site sera surnommé Tel Burna en arabe. Ce site archéologique tend à prouver ce qui n’était jusque-là que pure spéculation, à savoir que Lebna aurait été un avantposte stratégique crucial situé entre Lakis, la plus grande ville de Judée, au sud de Jérusalem et Gath, la capitale des Philistins au nord.
 

A la conquête de l’ancienne Judée

En 2009, une équipe d’archéologues dirigée par Itzik Shaï et Joe Uziel, tous deux professeurs à l’université de Bar-Ilan, se met au travail. Sur la colline, ils commencent par tracer, sur le terrain, les positions des fortifications enfouies dans le sol. Puis ils évaluent à quelle profondeur elles devraient se trouver et après de savants calculs, commencent à creuser sur une zone de 70 x 70 mètres, qui devrait correspondre à une place fortifiée.
Après une étude plus approfondie de la zone située au pied de la colline, qui s’étend sur trois hectares, il est permis de penser que le site devait abriter une population d’environ 3 000 individus, estime Shaï. Au jour d’aujourd’hui, les fouilles se concentrent sur trois sites : deux, au sommet de la colline, mettent au jour des vestiges datant de la période du Premier Temple, de 1000 à 550 avant notre ère. Le troisième est situé au pied de la colline où les vestiges d’une cité cananéenne plus ancienne dateraient de 1300 avant notre ère.
Shaï et Uziel n’en sont pas à leur première collaboration. Les deux hommes ont déjà travaillé ensemble pendant 12 ans à des excavations à Tel Tzafit, site archéologique situé à 15 kilomètres au nord de Kiryat Gat dont on sait maintenant qu’il s’agit des vestiges de la capitale philistine de Gath.
Après des années passées à chercher à savoir comment vivaient les Philistins, les deux archéologues ont parcouru l’ancienne Judée pour tenter de découvrir les différences et les similitudes qui existaient entre les cultures et modes de vie de ces deux civilisations.
Il y a un an, Uziel est recruté par le département archéologique israélien et se voit proposer de participer aux fouilles à la Cité de David. Dans le même temps, Shaï est promu à un poste d’enseignant à l’université d’Ariel et prend seul la direction du projet.
 

Site païen ou judéen ?

Au centre commercial de Modi’in, dont Shaï est originaire, il nous est offert la primeur de découvrir les images scannées d’une importante collection d’objets anciens, stockées sur son ordinateur portable. Comme le cliché d’un pendentif égyptien de 2 cm sur 1, découvert à Tel Burna, qui date environ de 1300 avant notre ère et représente une oie sur une face et un lion sur l’autre. « C’est le fragment d’un bijou, semblable à ceux qui ont déjà été découverts à travers tout le pays. Il remonte à une époque où l’influence de la culture égyptienne se fait encore sentir dans la région », explique Shaï.
Cet objet, qui provient des fouilles effectuées dans la cité cananéenne, tend à prouver une pratique religieuse sectaire.
Des fragments d’objets de culte, provenant d’une tasse et d’une soucoupe ont également été déterrés, ainsi que le nez d’un masque en céramique et un assortiment de figurines et de bijoux destinés à la pratique païenne locale. Et enfin une stèle présente un intérêt tout particulier : y figurent deux femmes enceintes de jumeaux, l’image de la femme, associée à la déesse de la fertilité selon la croyance païenne.
Shaï, coiffé d’un chapeau de safari brun, en cuir blanchi par le soleil, qu’il porte sur une kippa crochetée, note, enthousiaste : « Je trouve cela intéressant. Cela nous aide à comprendre ce pays et ceux qui l’ont habité avant nous.
Cela dit, il y a une émotion particulière à faire des fouilles sur un site biblique ». L’année dernière, des découvertes étonnantes ont été faites en haut de la colline : des fragments de 70 cm provenant d’une jarre qui servait au stockage de denrées, flanquée d’un sceau qui date de l’époque du roi Ezéchias avec comme mention : « Pour Ezer, fils de Haggai ».
Bien que ce ne soit encore qu’une hypothèse, Shai n’en est pas moins convaincu que la jarre en question devait servir à l’intendant du roi pour stocker la dîme, les impôts prélevés au profit du roi. La découverte est d’une grande importance, car elle indique clairement que le site était judéen. « Après m’être remis de cette surprise et avoir fêté cette découverte avec l’équipe », se souvient Shai, « j’ai appelé ma femme pour lui raconter tout ça ». La présence d’un texte est des plus parlants, mais d’autres indicateurs vont dans le même sens, comme la découverte d’un métier à tisser typique de Judée, également excavé au sommet de la colline.
 

Une technologie de pointe au service des fouilles

Shaï est chargé de trouver les fonds nécessaires aux fouilles, dont le coût s’élève à 50 000 dollars chaque année. Certaines sommes sont allouées à des outils traditionnels qui servent à creuser, d’autres à des radars qui permettent de localiser les murs souterrains et d’informer sur la direction à donner aux fouilles et indiquer le sens de leur progression, ou encore des outils de forage sophistiqués de 25 cm de diamètre, capables de creuser à plusieurs mètres de profondeur, qui permettent d’étudier les différentes strates qui composent le terrain, en les mettant à nu.
Des donateurs privés, ainsi que les participants aux fouilles, alimentent les fonds alloués au projet, mais ce n’est pas toujours suffisant pour couvrir les frais. « Dès que nous sommes à court d’argent, le projet est fatalement ralenti », explique Shaï.
Pour l’heure, les forages proprement dits ont lieu seulement un mois par an, les autres mois étant dédiés à l’analyse de ce qui a été mis au jour. C’est en mai qu’ont lieu les excavations, dans la mesure où, ce mois-là, les étudiants israéliens en archéologie ont terminé leur cursus et cherchent à participer à des fouilles pour leur propre compte, ou pour profiter d’une expérience professionnelle.
Si Shai est à 99 % sûr de l’origine du site, certaines questions demeurent, comme le manque de preuves de sa destruction. Mais quoi qu’il en soit, aujourd’hui, Lebna sort d’une longue période de sommeil de 3 000 ans et doit être bien surpris de découvrir l’environnement qui l’entoure, composé de cités modernes à la croissance ultrarapide.


Source
JerusalemPost