En Israël l’évolution démographique pourrait indiquer une nouvelle tendance : l’écart de natalité entre les deux communautés semble se réduire. Au cours des 12 premières années du XXIe siècle, le nombre de naissances dans la communauté arabe israélienne a plafonné aux alentours de 40 000 nouveau-nés par an. Et ce, en dépit de l’accroissement de la population arabe, ce qui signifie que le taux de natalité arabe, au regard du rapport naissances / taille de la population, a diminué.
Sur la même période, les naissances dans les foyers juifs, ont augmenté de 95 000 à 130 000. Sur les quatre premiers mois de l’année 2013, la période la plus récente pour laquelle des données sont disponibles, les naissances juives étaient en hausse de 38 % par rapport à la même période en 2001, alors que les naissances arabes étaient en baisse de 6 %. Les naissances de la population arabe représentent 22 % de la totalité des naissances israéliennes – pour une population arabe israélienne qui est d’un peu moins de 21 % de la population totale –, ce qui est bien inférieur au pic des 30 % de naissances, déjà observé par le passé. Les taux de natalité des Arabes et Juifs en Israël ont donc tendance à converger. C’est à la fois significatif et surprenant. Significatif, car c’est l’indicateur d’une baisse spectaculaire du taux de fécondité de la population arabe. Et surprenant, parce que c’est une population globalement plus jeune que la population juive, avec par conséquent plus de femmes en âge de procréer. Vu leur nombre, on pourrait s’attendre à un taux de natalité plus élevé. Le fait que les taux de natalité des deux communautés convergent signifie que nous approchons du seuil, peut-être déjà atteint, où la femme juive israélienne aura davantage d’enfants que la femme arabe.
La baisse du taux de fécondité arabe n’est pas surprenante en soi. Elle correspond à une tendance générale observée dans les pays arabes. Entre le début des années 1960 et 2005-2010, selon les rapports de l’ONU, une femme en Egypte par exemple, est passée de plus de 6,5 enfants à 3 ou moins. Au Liban, pendant la même période, la baisse a été de plus de 5,5 à environ 1,5, bien en dessous du taux de natalité nécessaire au renouvellement de la population. En Jordanie et en Syrie aussi, la baisse de la fécondité a été spectaculaire : elle est passée de 8 et 7,5 enfants par femme, au début des années 1960, à environ 3 et 3,5 pour la période 2005-2010. Au-delà du monde arabe, dans la communauté musulmane dans son ensemble, on observe des tendances similaires. En Iran ou au Bangladesh par exemple, la natalité est passée de 7 enfants à 2,5 voire moins. Pas étonnant, donc, que les femmes arabes israéliennes ont, quoique plus tardivement, suivi une tendance similaire.
« Et vous, soyez féconds »
Plus inattendu, est l’augmentation constante de la fécondité des femmes juives en Israël. Avec en moyenne 3 enfants par femme, son taux de fécondité est deux fois plus élevé que celui de la Russie, de la Pologne et supérieur à celui de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis. Il s’agit d’un niveau de procréation sans précédent pour les femmes d’un pays développé. Et bien que les harédim (ultraorthodoxes) contribuent certainement à asseoir cette tendance, les dernières statistiques d’experts comme Evgenia Bystrov et Arnon Sofer suggèrent que la procréation chez les harédim est en baisse tandis que celle de la population laïque est en légère hausse. Ces tendances se confirment aussi au-delà de la Ligne verte avec un impact majeur. Selon Neve Gordon, géographe à l’université Ben Gourion, et Yinon Cohen, universitaire de Columbia, les naissances des Juifs de Judée-Samarie ont quintuplé ces 20 dernières années, alors que le nombre de Juifs qui vont s’installer dans la zone a diminué de moitié. Dans sa très grande majorité, la croissance de la population juive dans les territoires disputés, est due à un taux de natalité élevé plutôt qu’à l’arrivée de nouveaux immigrants.
Selon les travaux de Gordon et Cohen, le taux de fécondité est en plein essor en Judée-Samarie, et la croissance démographique, deux fois et demie plus forte que celle de la population arabe locale. Cette information doit être interprétée avec prudence. Cependant, il est intéressant de noter que, du moins en Israël même, la dynamique démographique arabe est décroissante. Alors qu’en 2003, la population arabe israélienne avait augmenté de près d’un quart de point en pourcentage, l’année dernière, cette augmentation n’a été que de moins d’un dixième de point. Le propos, en exposant ces faits au public, n’est pas de s’inscrire dans le débat gauche-droite pour soutenir l’une ou l’autre formation politique. En effet, les deux parties peuvent trouver là de quoi se rassurer ; à droite, l’argument peut être utilisé pour faire valoir que conserver les territoires est, du point de vue démographique tout du moins, plus réalisable qu’il y a une ou deux décennies ; pour la gauche, les données infirment la tendance à la panique démographique concernant les citoyens arabes israéliens. Quelles que soient les convictions politiques des uns et des autres, la qualité du débat bénéficiera d’une meilleure appréciation des faits.
Source JerusalemPost