Entretien avec Dorit Koskas, Directrice du développement au Département francophone de Leket Israël, la banque alimentaire nationale
Des gens ne mangent pas à leur faim en Israël ?
Oui, ce n'est pas nous qui le disons, c'est le dernier rapport de la caisse d'assurance maladie israélienne: 1850 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté et parmi elles 850 000 enfants. C'est une réalité et il faut d'abord l'accepter pour la combattre.
Oui, ce n'est pas nous qui le disons, c'est le dernier rapport de la caisse d'assurance maladie israélienne: 1850 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté et parmi elles 850 000 enfants. C'est une réalité et il faut d'abord l'accepter pour la combattre.
Qu'est-ce que cela veut dire? Ces personnes sont confrontées à ce que l'on appelle l’insécurité alimentaire: ils n'ont pas accès à une nourriture équilibrée et ne peuvent se nourrir à la fréquence "normale". Ainsi, ces personnes sautent régulièrement des repas; les enfants issus de ces familles arrivent de façon régulière à l'école sans repas, ou n'ont parfois pas mangé la veille au soir. Au sein de ces populations dans la précarité, cette insécurité alimentaire est un premier frein pour aspirer à une meilleure insertion sur le marché du travail. Pour les enfants, ce sont les chances de réussite à l'école qui deviennent minces.
De fait une banque alimentaire a été créée à cet effet. De quoi s'agit-il?
Leket Israël est né d'un paradoxe qui n'est pas propre uniquement à Israël mais à tous les pays développés: sur le plan mondial, on sait qu'environ 40 pour cent de la nourriture produite est détruite avant même d'arriver dans votre assiette. Les intempéries, les calibrages des fruits et légumes dans les supermarchés font que de nombreux agriculteurs se retrouvent avec des excédents invendus. Ces excédents sont le plus souvent détruits. En 2006, on sait qu'en Israël environ 32000 tonnes de fruits, légumes et d'œufs ont été détruits. Notre rôle est de collecter la nourriture partout où elle se trouve avant qu'elle ne soit détruite et de la redistribuer quotidiennement à 200 associations israéliennes d'aide alimentaire.
De combien de bénévoles disposez-vous? Que collectez-vous?
Nous comptons aujourd'hui 45 000 bénévoles. La simple récupération d'excédents alimentaires ne nous permettant de fournir une quantité de denrées alimentaire stable aux associations, nous avons créé il y a environ 3 ans le projet Leket tout à fait novateur, dans le cadre duquel nous cultivons nos propres fruits et légumes. Sur les terres du moshav Nahalal en Galilée eu encore dans la région de Rehovot, nous recevons chaque jour des groupes (touristes, employés d'entreprises, écoles) venant faire de la cueillette. Notre club de la cueillette comptant des centaines de familles israéliennes se réunit le dernier vendredi de chaque mois. Grâce à toutes ces bonnes volontés, nous sommes en mesure de récolter et de redistribuer 154 tonnes de fruits et légumes supplémentaires aux associations.
Leket Israël vient en aide chaque semaine à 140 000 personnes défavorisées via environ 200 associations d'aide alimentaire. Notre action est basée sur la récupération et la redistribution de denrées alimentaires. De la cueillette dans les champs, en passant par la collecte de repas chauds (restaurants, salons de réception), la distribution de sandwiches dans les écoles, au soutien professionnel des associations en terme d'hygiène alimentaire et d'équilibre nutritionnel, nous menons divers projets nationaux.
Vous luttez contre l'insécurité alimentaire en Israël sans distinction aucune, ouvert à tous les israéliens?
Non sans distinction aucune. Nous travaillons partout dans la périphérie et avec les associations qui entrent dans nos critères d'hygiène et de sécurité alimentaires. Autrement dit, nous travaillons aussi bien avec les associations venant en aide aux arabes israéliens, aux bédouins, aux nouveaux immigrants dans la précarité, aux ultra-orthodoxes, aux rescapés de la Shoah: tous les secteurs de la société israélienne touchés par l'insécurité alimentaire bénéficient de notre aide.
Enfin, nous avons mis en place un projet d'insertion dans la vie professionnelle pour les femmes bédouines: 22 d'entre elles sont employées par Leket Israël dans les champs et formées comme agricultrices professionnelles.
Etes-vous en relations avec d'autres ONG françaises ou européennes?
En tant que membres du réseau international des banques alimentaires (the global food network), nous rencontrons d'autres banques alimentaires. A ce stade, nous souhaiterions développer d'avantage de partenariats avec d'autres organisation françaises ou européennes.
Finalement votre philosophie c'est?
L'activisme social: cette idée que chacun à son niveau peut avoir un impact sur la vie de familles démunies. Leket Israël, c'est d'abord un groupe de gens qui en nourrissent d'autres, se refusant à rester les bras croisés alors qu'une partie de la population se trouve dans une grande précarité. Mais nous proposons également un véritable modèle économique avec la simple réduction du gâchis alimentaire comme moyen partiel de lutte contre la pauvreté.
Propos recueillis par Marc Knobel
Note : Leket Israël dispose d’un site Internet en Français : http://leket.org.il/french/
Source Crif