A l’époque, il ne s’appelle pas encore Serge Gainsbourg mais Lucien Gainsburg, fils d’Olia et Joseph, des immigrants russes juifs. En 1942, la famille quitte Paris pour échapper aux rafles des nazis. Elle trouve refuge à Limoges grâce à l’aide de Pierre Guyot, un violoniste et chef d’orchestre limougeaud que Joseph a rencontré à Paris. Il leur trouve un hôtel meublé situé au 13, rue des Combes...
Le Limousin est connu pour être une terre d’accueil où de nombreux enfants et familles juives se sont réfugiés.
Les Gainsburg changent leur nom pour celui de Guimbard. Mais le danger n’est jamais loin car les miliciens sèment la terreur.
Dans le deux-pièces sordide où nous vivions, ma mère avait dissimulé nos faux papiers sous la toile cirée de la table de cuisine. Un beau jour, perquisition, non pas des SS mais de la milice française, celle qui nous a fait le plus de mal. Ma mère s’assoit sur le coin de la table et dit aux mecs de fouiller à leur guise. Ils ont tout regardé mais ils ont oublié de demander à ma mère de se lever et ils n’ont rien trouvé.
En 1944, les parents du jeune Lucien sont tout de même arrêtés et gardés en détention avant d’être relâchés, avec l’ordre de ne pas quitter Limoges. Ils décident malgré tout de s’enfuir quelques jours plus tard à la campagne, à Saint-Cyr, à une vingtaine de kilomètres d’Oradour-sur-Glane. Ils sont donc tout proches lors du massacre commis par les SS le 10 juin 1944 dans le village de Haute-Vienne.
Le futur chanteur-compositeur est scolarisé au lycée de Saint-Léonard-de-Noblat, à quelques kilomètres de là, sous le nom de Lucien Guimbard. Certains de ses camarades se souviennent de sa passion pour le dessin et des silhouettes de femmes qu’il esquissait sur un calepin. Mais aussi de son mépris pour ceux qu’ils considérait comme des « ploucs », lui, le petit parisien.
» C’était un élève très effacé et qui ne se plaisait pas dans le milieu dans lequel on était. Il était Parisien, nous, on était des paysans limousins. Pour lui, c’était ça. »
La famille Gainsburg retourne à Paris à l’automne 1944. Pendant des décennies, Lucien, devenu Serge Gainsbourg, fera l’impasse sur ces années dans le Limousin. Cette époque douloureuse, synonyme de déracinement, a marqué à jamais la vie de l’artiste. Il n’acceptera d’en parler qu’au début des années 80.
Source Tribune Juive