Après la faute du Veau d’Or, la Torah revient à nouveau sur le thème du Tabernacle et énumère dans notre paracha les différentes matières premières offertes pour sa confection, le partage de sa construction et sa configuration de manière générale....... Détails........
Tout au long de ces dernières parachiyot, nous devons nous rendre à l’évidence qu’un lien étroit existe entre l’épisode du Veau d’Or et la construction du Tabernacle.
De fait, Rachi souligne à plusieurs reprises (notamment dans Ki-Tissa 31, 18) que la seconde fut la conséquence du premier : l’expiation de l’idolâtrie commise sur les flancs du mont Sinaï fut entérinée par l’ordre de la construction du Temple (tel est également l’avis de nombreux autres commentateurs). Or ce dénouement paraît pour le moins inattendu : échappant au décret d’anéantissement, le peuple juif a non seulement la vie sauve, mais il a en outre le privilège d’accueillir la Présence divine au sein de son campement : « Ils me construiront un Sanctuaire pour que Je réside au milieu d’eux » (Chémot 25, 8) ! En dépit des terribles conséquences de ses actes, la nation juive peut ainsi poursuivre son rôle de peuple de prédilection, le Tabernacle venant suppléer à la menace d’anéantissement.
Traitement de faveur
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette clémence divine n’avait rien d’une faveur exceptionnelle ; au contraire, il apparaît que la décision d’épargner le peuple juif procéda d’une Hanhaga constante, c’est-àdire d’un mode de Conduite de D.ieu envers Son peuple.
Lorsque après le Veau d’Or, Moché implore la Miséricorde divine : « Moché dit : ‘Montre-moi Ta Gloire’ », la réponse de D.ieu souligne clairement ce point : « Je ferai grâce à qui Je voudrai faire grâce, et J’accorderai Ma miséricorde à qui Je voudrai l’accorder » (Chémot 32, 19). Le Talmud (Bérakhot 7/a d’après Rabbi Meïr) décèle en effet dans ces mots l’autonomie absolue des décisions divines : « Je ferai grâce à qui Je voudrai faire grâce – bien qu’il ne soit pas méritant, ‘J’accorderai Ma miséricorde’ bien qu’il n’en soit pas digne » – quelle que soit la situation engendrée par les hommes, D.ieu reste le Maître absolu des décisions célestes, et accorde Sa clémence à qui bon Lui semble.
Lorsque après le Veau d’Or, Moché implore la Miséricorde divine : « Moché dit : ‘Montre-moi Ta Gloire’ », la réponse de D.ieu souligne clairement ce point : « Je ferai grâce à qui Je voudrai faire grâce, et J’accorderai Ma miséricorde à qui Je voudrai l’accorder » (Chémot 32, 19). Le Talmud (Bérakhot 7/a d’après Rabbi Meïr) décèle en effet dans ces mots l’autonomie absolue des décisions divines : « Je ferai grâce à qui Je voudrai faire grâce – bien qu’il ne soit pas méritant, ‘J’accorderai Ma miséricorde’ bien qu’il n’en soit pas digne » – quelle que soit la situation engendrée par les hommes, D.ieu reste le Maître absolu des décisions célestes, et accorde Sa clémence à qui bon Lui semble.
C’est ainsi qu’en dépit des accusations qui pesèrent – et qui, au fil des siècles, ont pesé sur le peuple juif – la Volonté divine l’a toujours maintenu comme Sa nation de prédilection ; lorsque besoin était, elle eut de ce fait recours à des palliatifs tels que l’établissement d’un Sanctuaire, afin de remédier à une perte morale.
A la clé de cette Conduite divine, se loge là un véritable fondement de foi. Il est certes indéniable que D.ieu juge et régit le monde suivant une Justice absolue, stricte et parfaite.
Mais réciproquement, il est tout autant impensable que le Créateur puisse être « tributaire » de Sa propre justice.
Car même lorsque l’Attribut de Rigueur et l’ensemble des « magistrats » du Parquet céleste accusent et condamnent, D.ieu reste en définitive le Seul Maître à bord. Comme le prouva l’épisode du Veau d’Or, tout verdict n’émane en fin de compte que de la seule Volonté du Saint béni soit-Il.
Or ceci constitue selon Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato – le célèbre Ram’hal – dans son ouvrage Daat Tvounot, un principe de foi élémentaire.
A la clé de cette Conduite divine, se loge là un véritable fondement de foi. Il est certes indéniable que D.ieu juge et régit le monde suivant une Justice absolue, stricte et parfaite.
Mais réciproquement, il est tout autant impensable que le Créateur puisse être « tributaire » de Sa propre justice.
Car même lorsque l’Attribut de Rigueur et l’ensemble des « magistrats » du Parquet céleste accusent et condamnent, D.ieu reste en définitive le Seul Maître à bord. Comme le prouva l’épisode du Veau d’Or, tout verdict n’émane en fin de compte que de la seule Volonté du Saint béni soit-Il.
Or ceci constitue selon Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato – le célèbre Ram’hal – dans son ouvrage Daat Tvounot, un principe de foi élémentaire.
L’Unicité absolue du Créateur
Dans cet ouvrage à forte inspiration kabalistique, le Ram’hal expose avec une très grande clarté les credo élémentaires du judaïsme sous la forme d’une discussion entre « l’âme » – qui aspire à mieux comprendre l’essence de l’Existence et ses composantes – et « l’esprit » qui les met à sa portée.
L’un des points sur lequel le Daat Tvounot s’étend longuement est le principe de l’Unicité divine. Bien avant cet auteur, de grandes plumes telle celle du Rambam ont déjà dûment formulé ce principe : « Il nous incombe de croire que ce D.ieu, Qui est la Cause première de toute chose, est Unique : Il n’est pas le premier d’un duo, Il n’est pas le premier d’une espèce ni même semblable à un homme composé de nombreuses unités (…) mais D.ieu béni soit-Il est Un, d’une Unicité inégalable.
C’est ce second principe qu’énonce le verset : “Écoute Israël, l’Éternel est notre D.ieu l’Éternel est Un" » (Préface de Pérek ‘Hélek, second principe de foi).
Mais le Ram’hal précise davantage cette idée, et souligne que « celui qui croit dans l’Unicité doit savoir que le Saint béni soit-Il est Un, Seul et Unique, qu’aucun obstacle ni aucune entrave ne s’oppose à Lui en aucune façon. Lui seul règne sur absolument tout, car non seulement aucun pouvoir ne peut s’opposer à Lui mais Il est en outre Lui-même le Créateur du bien et du mal… » (ch. 36). Comme nous allons le voir, l’apparente redondance du style n’a rien d’emphatique : en vérité, le Ram’hal articule là l’un des principes du judaïsme par lequel il se distingue de nombreuses autres croyances, notamment du christianisme.
L’un des points sur lequel le Daat Tvounot s’étend longuement est le principe de l’Unicité divine. Bien avant cet auteur, de grandes plumes telle celle du Rambam ont déjà dûment formulé ce principe : « Il nous incombe de croire que ce D.ieu, Qui est la Cause première de toute chose, est Unique : Il n’est pas le premier d’un duo, Il n’est pas le premier d’une espèce ni même semblable à un homme composé de nombreuses unités (…) mais D.ieu béni soit-Il est Un, d’une Unicité inégalable.
C’est ce second principe qu’énonce le verset : “Écoute Israël, l’Éternel est notre D.ieu l’Éternel est Un" » (Préface de Pérek ‘Hélek, second principe de foi).
Mais le Ram’hal précise davantage cette idée, et souligne que « celui qui croit dans l’Unicité doit savoir que le Saint béni soit-Il est Un, Seul et Unique, qu’aucun obstacle ni aucune entrave ne s’oppose à Lui en aucune façon. Lui seul règne sur absolument tout, car non seulement aucun pouvoir ne peut s’opposer à Lui mais Il est en outre Lui-même le Créateur du bien et du mal… » (ch. 36). Comme nous allons le voir, l’apparente redondance du style n’a rien d’emphatique : en vérité, le Ram’hal articule là l’un des principes du judaïsme par lequel il se distingue de nombreuses autres croyances, notamment du christianisme.
En effet, comme l’a déjà prouvé l’épisode du Veau d’Or, cette notion d’Unicité sous-tend des conceptions fondamentales de notre foi : « … L’Unicité de Son pouvoir, poursuit le Ram’hal, est telle qu’Il n’a ni obligation ni nulle contrainte, car le système de Justice et de Lois qu’Il a établi dépend, dans son intégrité, de Sa seule volonté, sans que Lui ne soit jamais tributaire d’eux en aucune manière.
Ainsi, lorsqu’Il le souhaite, Il modèle Sa volonté, si l’on peut s’exprimer ainsi, en fonction des actes humains (…) mais lorsqu’Il le souhaite, D.ieu ne fait aucun cas des actes et Il prodigue le bien à qui bon Lui semble, comme il a été dit à Moché : ‘Je ferai grâce à qui Je voudrai faire grâce – bien qu’il ne soit pas méritant’… ”.
Ainsi, lorsqu’Il le souhaite, Il modèle Sa volonté, si l’on peut s’exprimer ainsi, en fonction des actes humains (…) mais lorsqu’Il le souhaite, D.ieu ne fait aucun cas des actes et Il prodigue le bien à qui bon Lui semble, comme il a été dit à Moché : ‘Je ferai grâce à qui Je voudrai faire grâce – bien qu’il ne soit pas méritant’… ”.
Cet article de foi prend donc ici une tournure bien concrète : l’Unicité divine n’écarte pas seulement l’existence de tout autre pouvoir divin susceptible de s’opposer à Lui.
Car en fait, ce principe exclut également l’idée que le Créateur puisse être soumis aux règles qu’Il a fixées dans Son monde, comme s’Il avait pu être « pris au piège » de sa propre création. D.ieu est l’unique Existence « nécessaire » par essence, et c’est à partir de Lui que toute autre réalité puise une existence qui, quant à elle, demeurera à jamais « facultative ».
Car en fait, ce principe exclut également l’idée que le Créateur puisse être soumis aux règles qu’Il a fixées dans Son monde, comme s’Il avait pu être « pris au piège » de sa propre création. D.ieu est l’unique Existence « nécessaire » par essence, et c’est à partir de Lui que toute autre réalité puise une existence qui, quant à elle, demeurera à jamais « facultative ».
Doctrines et confusions
Comme nous l’avons vu, la pérennité du peuple juif repose donc sur ce principe de foi élémentaire appelé « l’Unicité divine » : même après le Veau d’Or, même après avoir commis de terribles fautes qui entraînèrent la destruction des deux Temples, Israël reste à jamais le Peuple de prédilection choisi par D.ieu Lui seul. Quelques lignes plus haut, le Ram’hal mentionne toutefois l’existence de différentes thèses qui se méprirent sur ce point, cherchant à ébranler ce principe essentiellement dans l’intention de détrôner Israël. Pour ce faire, ces « nouvelles religions » édifièrent des doctrines plus ou moins élaborées, mais qui se perdirent finalement dans les sinuosités de leur propre confusion. L’une de ces théories est exposée par le Ram’hal en ces termes : « La quatrième opinion est celle des peuples soutenant la thèse suivante : après qu’Israël a fauté, il n’a plus son salut en l’Éternel.
Ils qualifièrent le peuple juif d’“argent falsifié", que D.ieu nous préserve (…) Selon eux, D.ieu aurait été contraint de les abandonner et de les remplacer par une autre nation, sous prétexte que Lui-même serait désormais dans l’impossibilité de les délivrer ».
On aura évidemment reconnu là les nettes marques de la doctrine chrétienne qui est, nous le savons bien, effectivement peu scrupuleuse du principe de l’Unicité du Créateur… Or cette croyance, pour asseoir sa légitimité par rapport au judaïsme, s’embourba dans un enchevêtrement de dogmes ayant pour base l’idée formulée ici par le Ram’hal, qui la conduisit à une confusion jamais vraiment résolue. Les lignes suivantes ne s’attachent évidemment pas à comprendre les principes de cette religion, mais à mettre en évidence la position très nette du judaïsme sur des questions qui, malheureusement, sèment souvent le trouble dans les esprits.
Ange rebelle ? Comme le suggère le Ram’hal, la foi chrétienne, pour asseoir son image de doctrine universelle, voulut s’affirmer non comme une « alternative » parmi d’autres, mais comme une substitution du peuple juif, pour devenir l’unique salut religieux de l’humanité (ce qui de tout temps motiva la fâcheuse vocation des missionnaires). Pour ce faire, il fallait affirmer que le peuple juif, du fait de ses fautes, avait été déchu de son rang. Or comment expliquer que D.ieu reconsidéra soudain son choix ?
N’avait-Il pas déjà pardonné à maintes reprises des fautes autrement plus graves que celles pratiquées en ces temps ? Force fut, pour les adeptes du « nouveau testament », de soutenir que même D.ieu peut être parfois contraint d’agir en vertu de ce qu’impose la Justice, comme s’Il devait « rendre compte » à Ses propres créations – en l’occurrence à Son Tribunal céleste. Or à ce stade, la croyance chrétienne se trouva confrontée à une problématique très embarrassante : si comme elle l’affirme, l’Unicité divine est tributaire de ses propres règles, c’est donc qu’elle doit répondre devant l’Ange accusateur qui la contraint à se plier à ses doléances.
Autrement dit, le « mal » infligé aux hommes en raison de leurs fautes émane des exigences de cet ange. Ce n’est pas D.ieu Lui-même Qui impose ces situations mais seulement de cette réalité qui Lui tient tête, qui peut même s’opposer à Lui et qui connut la célébrité sous le nom de « Satan ». Ce préposé au mal, disposant d’une autonomie quasi-totale dans son domaine, pourrait donc imposer à D.ieu des exigences allant à l’encontre de Sa Volonté. Et c’est d’ailleurs en vertu de son pouvoir qu’il incite les hommes à fauter, bien qu’allant ainsi à l’antipode de l’intention de Celui qui les créa. Car en effet, n’oublions pas que si son pouvoir n’était pas tel, rien ne prouverait qu’Israël ne soit plus le peuple de la Rédemption…
En résumé, la doctrine chrétienne se retrouva face à un lourd dilemme : comment expliquer qu’un ange – pourtant lui-même créé par D.ieu et dépendant de Lui – puisse soudainement agir contre la volonté de son Créateur ?
Avec le temps, expliquer le Satan s’avéra une tâche si ardue que pour ainsi dire, jamais les théologiens chrétiens ne parvinrent à une réponse concluante.
Avec le temps, expliquer le Satan s’avéra une tâche si ardue que pour ainsi dire, jamais les théologiens chrétiens ne parvinrent à une réponse concluante.
De multiples thèses furent avancées, mais nul ne put réellement expliquer le principe d’une telle antinomie.
Parfois vu comme un ange mauvais en raison de ses propres choix, ailleurs comme un être dominé par son orgueil, la confusion contribua essentiellement à semer le trouble dans les esprits, et à donner naissance à d’innombrables superstitions et sectes – réelles ou fictives – se vouant aux « forces du mal ».
Parfois vu comme un ange mauvais en raison de ses propres choix, ailleurs comme un être dominé par son orgueil, la confusion contribua essentiellement à semer le trouble dans les esprits, et à donner naissance à d’innombrables superstitions et sectes – réelles ou fictives – se vouant aux « forces du mal ».
Voilà comment une doctrine peut parvenir à s’embourber dans ses propres méandres, et à donner naissance dans un même élan à un dieu nouveau en même temps qu’à son « anti-dieu »…
Quant au judaïsme authentique, ces nombreux troubles ne l’effleurent même pas. En dépit des nombreuses dérives que connut l’histoire du peuple juif, on n’entendit cependant jamais parler de quelconques sectes se vouant à des « sabbat » (sic !) au service du mal.
Comme nous l’avons vu dans les écrits du Ram’hal, l’absolue Unicité de D.ieu implique qu’Il agit exactement comme bon Lui semble en toute circonstance, et permet au verset (Vayikra 26, 44) d’affirmer sans nulle équivoque : « Et pourtant, même quand ils se trouveront relégués dans le pays de leurs ennemis, Je ne les dédaignerai ni ne les anéantirai au point de dissoudre Mon Alliance avec eux, car Je suis l’Éternel leur D.ieu ! » – sans que nul pouvoir autonome ou rebelle ne soit en mesure de s’opposer à cette Volonté. Quant au Satan, il n’y a non plus aucune équivoque quant à son rôle : « Le Satan n’agit que pour la Gloire du Ciel ! » affirment nos Sages sans ambages (Traité talmudique Baba Batra 16/a).
Le mauvais penchant est en effet une création voulue comme telle par le Saint béni soit-Il. Son but est d’apporter à l’homme la tentation de la faute, pour lui permettre de surmonter l’épreuve et d’en sortir vainqueur ; c’est également par lui que le dévoilement de la Vérité se fera de manière plus éclatante à la fin des temps. Et comme le résume le Ram’hal : « Le rôle de l’homme dans ce monde est de supprimer tout “défaut" de la Création – à savoir ce mal qui existe aujourd’hui et qui demain sera aboli ».
Autrement dit, le mal n’est qu’un moyen d’accéder au Bien absolu, son unique raison d’être – dont il a d’ailleurs parfaitement conscience – consistant à se voir finalement supprimé : il est un être né afin de mourir. Et au grand jamais, cette « force malfaisante » ne saurait s’opposer à Celui Qui l’a ainsi conçue.
Par Yonathan Bendennoune
Source Chiourim