Tous ceux qui se rendent à Tel Aviv ont foulé le Boulevard Arlozorof, qui traverse Tel Aviv depuis le nord, jusqu'au parc situé à proximité de l'hotel Hilton, en bord de mer. Ce que l'on sait moins, c'est que Haim Arlosoro a justement été assassiné sur une plage de Tel Aviv. Malgré sa jeunesse relative, 34 ans, Haim Arlozorof était l'un des dirigeants les plus accomplis du mouvement ouvrier sioniste lorsqu'il décèda. Il avait occupé un certain nombre de positions qui l'avaient amené à de nombreuses controverses, ce qui a amené à penser que la cause la plus plausible de son assassinat était de nature politique. Car on ne sait, en fait, toujours pas, ni qui, ni pourquoi on l'a assassiné.
Pour beaucoup, le mystère qui entoure la mort d' Arlozorof (alors chef du département politique de l'Agence juive), est la seule chose sur sur sa vie.
Même si sa vie n'a pas été moins mémorable que sa mort, le 16 Juin 1933
Haim (qui s'appelait en Russie Vitaly et s'est appelé Victor en Allemagne) Arlozorof est né le 23 Février 1899, à Romny, dans ce qui est aujourd'hui l'Ukraine.
La famille gagne la Prusse orientale en 1905, après que leur maison a été à plusieurs reprises attaquée durant un pogrom,
Il a donc grandi et fait ses études en Allemagne, obtenant un doctorat en économie à l'Université de Berlin.
Il émigre peu après en Palestine, refusant une offre de poste dans une université Allemande.
Arlozorof s'est rapidement impliqué dans le mouvement sioniste durant ses études, jusqu'à devenir un des leaders de l' Hapoel Hatzair (jeunes travailleurs sionistes), développant une théorisation intéressante mais toute personnelle du sionisme.
Sa vision comprenait une conscience culturelle juive très forte et une croyance bien trempée en la nécessaire renaissance de la langue hébraïque.
Arlozorof a également attiré très tôt l'attention des dirigeants sionistes sur la nécessité d'une relation pacifique et pacifiée avec les arabes qui vivaient alors sur le territoire de la Palestine du mandat britannique.
Lors de sa première visite en 1921, il avait été témoin d'émeutes anti juives qui avaient fait de nombreux tués, tant chez les juifs que les arabes, et en avait conçu la certitude que pour parvenir à une situation moins volatile, moins meurtrière, il fallait travailler à la coexistence entre les deux populations.
En 1926, Arlozorof était le représentant du Yishouv (la communauté juive pré-étatique en Palestine) à la Société des Nations, et quatre ans plus tard, il est au centre de la fusion des deux principaux partis sionistes socialistes de l'époque dans ce qui est devenu le Mapaï (Parti des Travailleurs d'Israël), précurseur du Parti travailliste israélien.
En 1931,à 32 ans, il est à la fois membre de l'Exécutif sioniste et chef du département politique de l'Agence Juive, deux postes d'une influence considérable.
L'année 1933 sera celle de conflits majeurs, notamment avec David Ben Gourion - et d'autres dirigeants du Mapaï – sur la question de la coopération avec les autorités mandataires britanniques, ce à quoi était favorable Arlozorof qui estimait qu'à défaut d'une coopération, les anglais finiraient par s'aligner sur les positions nationalistes arabes.
Dans le même temps, cependant, Arlozorof cherchait les voies du dialogue avec les leaders arabes de la région.
Le 8 Avril 1933, il organise, au nom de l'Agence juive, une rencontre, à Jérusalem, avec des personnalités politiques arabes, dont l'émir Abdallah, qui deviendra plus tard le roi Abdallah Ier de Jordanie.
Cette démarche d' Arlosorof, en direction des leaders arabes, mais aussi d'un compromis, lui a valu de solides inimitiés, notamment au sein du mouvement sioniste religieux – Mizrachi- et chez les " révisionnistes ", dirigés par Ze'ev Jabotinsky.
Non moins controversés étaient les efforts de HaIm Arlosorof, en direction des nazis qui venaient de parvenir au pouvoir en 1933, pour tenter de sauver des juifs en leur obtenant une autorisation d'émigrer,
Lorsque les premières mesures anti-juives ont été prises en Allemagne, avec le premières menaces physiques, les organisations juives dans le monde ont tenté de lancer un vaste mouvement de boycott économique contre le régime nazi, une mesure qu'il craignait fortement.
Les nazis voulaient vider l'Allemagne de ses juifs, physiquement, mais économiquement, en mettant " la main " sur leurs biens.
Arlozorof a proposé un accord qui permettrait aux Juifs de déposer leur argent dans des comptes bancaires dédiés, en Allemagne, puis de quitter le pays vers la Palestine.
Ils seraient, selon son projet, autoriser à dépenser cet argent en commandant des produits allemands exportés vers leur nouveau lieu de résidence.
L'accord négocié par Arlosorof, le Ha'avara ("l'Accord de transfert") a de manière surprenante conduit à l'immigration de quelque 50.000 juifs allemands vers la Palestine, au cours des deux années suivantes.
C'est cet accord qu'Arlozorof avait parachevé lorsqu’il rentrait d'Allemagne en Israël le 14 Juin 1933.
Deux jours plus tard, Arlozorof dînait avec sa femme, Sarah, dans un restaurant en bord de mer à Tel Aviv.
Après le dîner, ils faisaient une promenade sur le sable lorsque deux hommes se sont approchés, ont braqué une lampe de poche sur le visage d' Arlosorof, avant de tirer plusieurs coups de feu.
Il décédera à l'hôpital quelques heures plus tard,
Trois hommes associés au mouvement révisionniste, Avraham Stavsky, Ze'ev Rosenblatt et Abba Ahimeir, ont été jugés le mois suivant pour ce meurtre – que tous les dirigeants sionistes, dont Ben Gourion, ont qualifié d' " assasinat politique ".
Stavsky fut reconnu coupable, un verdict qui sera annulé en appel, les deux autres hommes étant par ailleurs acquittés.
Si l'on ne sait rien de plus sur ce meurtre, de nombreuses théories sur la motivation de l'élimination d' Arlozorof ont alimenté les chroniques.
La première aurait été celle d'une agression sexuelle sur sa femme qui aurait mal tourné.
Dans le registre politique, on a aussi évoqué les liens que, jeune homme, lui et sa sœur entretenaient en Allemagne avec Magda Behrend, qui épousa plus tard Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande du Reich.
Le beau-père de Magda, Richard Friedlender, un juif allemand, avait été arrêté par les nazis et mourut dans un camp de concentration en 1938.
Selon cette théorie, Goebbels aurait fait éliminer Arlozorof car il connaissait les origines juives de sa femme.
Huit décennies ont passé, et personne ne sait, encore aujourd'hui, qui et pourquoi on a tué Haïm Arlosorof.
Ses théories et prises de position ont cependant alimenté l'animosité entre le courant sioniste socialiste et les sionistes révisionnistes.
En 1982, quand Menachem Begin, Premier ministre – mais aussi disciple de Jabotinsky – nomma un ancien juge de la Cour suprême pour réaliser une enquête officielle sur le meurtre, une enquête qui n'aboutira pas.
L'assassinat d' Arlozorof reste aujourd'hui une affaire criminelle non résolue.
Source Israel Infos