mardi 9 juillet 2013

L'affaire Seligman – l'un des plus grands scandales antisémites qui ait secoué l'Amérique



Joseph Seligman, l'un des banquiers les plus influents des États-Unis, se présente à l'Hôtel Grand Union de Saratoga Springs, une station balnéaire huppée de l'Etat de New York.  Il fréquentait alors l'hotel depuis une dizaine d'années mais s'entend répondre... que les israélites ne sont pas les bienvenus dans l'établissement.
Joseph Seligman, était un banquier d'origine allemande qui possédait, avec ses frères, des banques entre autres à New York, Londres et Francfort.

Il s'était vu proposer par le président Ulysses S. Grant lui-même, le poste de secrétaire au Trésor mais l'avait refusé.
Ce qui ne l'avait pas empêché de signer, quelques jours avant d'arriver à Saratoga, un accord avec le Trésor américain pour refinancer la dette nationale laissée par la guerre civile.
Autant dire qu'il n'était pas n'importe qui et, lorsqu'il s'est vu refuser l'entrée du Grand Union, il a tenu aussitôt à rendre publics les détails de cet affront.
Il semblerait pourtant qu'il se soit présenté au Grand Union alors qu'il savait très bien qu'il ne serait pas le bienvenu.
En effet l'incident au Grand Union n'était pas le fruit du hasard.
L'hôtel faisait partie de la succession d'Alexandre T. Stewart, à la tête des grands magasins Stewart, décédé un an auparavant, qui entretenait des relations plutôt tendues avec Joseph Seligman depuis quelques années.
Une succession de 40 millions de dollars dont le juge Henry Hilton était l'exécuteur testamentaire.
Ce juge (qui n'a aucun lien avec la dynastie des hôtels Hilton) avait des raisons personnelles d'éprouver lui aussi une certaine animosité envers Joseph Seligman, qui ne l'aurait pas invité à une fête donnée en l'honneur de l'élection du Président Grant en 1869.
Bref une histoire digne d'une cour de récréation mais...
Devenu propriétaire du Grand Union, l'hôtel le plus grandiose de Saratoga Springs, Henry Hilton attribua la baisse de fréquentation de l'établissement à la présence de clients juifs ce qui, selon lui, incitait les non-Juifs à préférer d'autres lieux de villégiature.
Lui et les mangers de l'hôtel mirent alors en place une politique " No Jews " ; en effet d'autres familles juives " huppées " de l'époque, les Goldman, les Josephthal, furent éconduites cet été-là.
Joseph Seligman écrit donc au juge Hilton une lettre indignée dont il envoie des copies à la presse, une information relayée aussitôt à la Une du New York Times du 19 juin : " Sensation à Saratoga, nouvelles règles au Grand Union : les Juifs n'y sont pas admis – Le banquier Seligman et sa famille renvoyés… Rassemblement des amis de M. Seligman ".
Le juge Hilton répond immédiatement par une lettre également rendue publique dans laquelle il assume pleinement ce qui s'est passé et ajoute : " Comme la loi américaine m'y autorise, j'entends disposer de mon bien à ma guise et ce, bien que Moïse et ses descendants s'y opposent ".
Au cas où le lecteur n'aurait pas compris, il précise :
" De façon générale, je n'aime pas les juifs, et s'ils ne veulent plus commercer avec notre maison, j'en serai personnellement satisfait, que dis-je satisfait, car je crois que nous perdons beaucoup plus que nous ne gagnons à les fréquenter. ".
L'incident occupe la Une des journaux pendant tout l'été 1877 mobilisant les éditoriaux et les prises de position de différentes personnalités publiques à travers le pays.
La plupart expriment leur sympathie à Joseph Seligman et aux Juifs en général.
Un boycott des magasins Stewart est organisé, à tel point qu'Hilton en est venu à faire un don de 1000 dollars à un organisme de bienfaisance juive, offre qui a été rejetée.
Henry Hilton fut finalement contraint de vendre les magasins Stewart.
Mais de nombreux hôtels et d'autres institutions sociales se sont plutôt senti libérés dans leur refus d'admettre les Juifs ouvertement et cette attitude a perduré jusque dans la deuxième moitié du 20ème siècle aux États-Unis.
Stephen Birmingham, dans son ouvrage " Notre foule ", suggère que Joseph Seligman en est venu à regretter l'affaire du Grand Union ou tout au moins la publicité qui l'a entourée.
Il est décédé trois ans plus tard, le 31 mars 1880.


Source Israel Infos