lundi 8 juillet 2013

Des chercheurs israéliens traitent l’alcoolisme par l’effacement des souvenirs


On peut empêcher la rechute dans l’alcoolisme après une désintoxication en désamorçant les souvenirs liés à l’alcool. C’est ce qu’ont montré des chercheurs israéliens lors d’une étude menée à l’université de Californie sous la direction du Dr Segev Barak, aujourd’hui chercheur en psychologie et neurosciences à l’université de Tel-Aviv. La recherche a été publiée dans la revue Nature Neuroscience.

“L’accoutumance aux drogues ou à l’alcool est une maladie possédant des causes biologiques explique le Dr. Barak. "Les drogues et l’alcool sont susceptibles d’altérer les mécanismes mentaux de la mémoire et de l’apprentissage sur le long terme, causant la rechute de la maladie, même après des années de désintoxication et de traitements médicamenteux et psychologiques. Selon lui, entre 70 et 80% des toxicomanes et des alcooliques retombent dans la dépendance dans l’année qui suit leur désintoxication, même si elle était réussie. La rechute s’explique en partie par la ténacité des souvenirs qui associent à la consommation d’alcool des objets ou des lieux comme les pubs, les bouteilles, et bien sûr l’odeur et le goût. Le traitement inédit proposé par l’équipe du Dr Barak permet d’effacer ces souvenirs de manière sélective afin d’empêcher la rechute.
“Lorsque nous éveillons un souvenir explique-t-il il subit un processus de mise-à-jour et de réélaboration ou "reconsolidation d’une durée de quelques heures pendant lesquelles il est vulnérable aux manipulations. Nous avons découvert que lors de ce processus, un enzyme appelé mTORC1, qui régule la formation des protéines dans les synapses (zones de contact entre les cellules nerveuses) et joue un rôle important dans la formation des souvenirs, est particulièrement actif. Les souvenirs liés à l’alcool font réagir très fortement cette protéine dans les zones du cortex cérébral frontal liées au processus de mémorisation, et dans le noyau responsable de la mémoire sensorielle impliqué dans les symptômes de sevrage de l’alcool. Les chercheurs ont donc fait l’hypothèse que l’obstruction de ce processus spécifique pourrait provoquer l’effacement du souvenir et empêcher à long terme le mécanisme de retour à la dépendance. Ce blocage a été réalisé par l’administration de Rapamycine, médicament immunosuppresseur utilisé pour prévenir le rejet de greffe d’organes. L’action du médicament s’est concentrée sur les souvenirs en rapport avec l’alcool, et a été particulièrement forte. Il est important de signaler que les souvenirs qui ne sont pas liés à l’alcool n’ont pas été atteints du tout.
Selon le Dr Barak, les équipes de recherche de l’université de Tel-Aviv et de l’université de San Francisco en Californie collaborent actuellement pour tenter de mieux comprendre les mécanismes mentaux et biologiques du processus de la mémoire qui conduisent à la chute dans l’alcoolisme. En parallèle, Barak Segev travaille à l’élaboration de méthodes de traitements comportementaux dont la mise en pratique, pendant la période de "reconsolidation du souvenir, permettrait d’obtenir un résultat similaire au médicament, à savoir l’effacement sélectif de la mémoire empêchant la rechute dans l’alcoolisme ou la drogue. "Si nous parvenions à développer une telle méthode efficace et sans médicament, ouvrant la voie au traitement d’autres formes d’addictions, ce serait une véritable révolution.

Source SiliconWadi