dimanche 14 juillet 2013

Une gare de Prague transformée en mémorial de la Shoah



Une petite gare tchèque, qui a vu des dizaines de milliers de Juifs partir pour les camps de concentration nazis en 1941 et 1945, va se transformer en mémorial de la Shoah d'ici quatre ans. La petite gare de Prague-Bubny, témoin de l'embarquement en 1941-1945 des dizaines de milliers de Juifs tchèques à destination de ghettos et camps de concentration nazis, sera prochainement transformée en un lieu à la mémoire de ceux qui ne sont jamais revenus.

"Il ne s'agira pas d'un musée classique, mais plutôt d'un lieu où un dialogue sur l'Holocauste sera mené et qui abritera aussi un centre d'éducation", explique le cinéaste Pavel Stingl, initiateur du projet et fondateur de la société à but non lucratif "Mémorial Shoah Prague". La communauté juive tchèque et des survivants de l'Holocauste réclamaient depuis longtemps un mémorial. "Nous ne sommes maintenant qu'au début du chemin. Si tout va bien, le Mémorial sera inauguré d'ici quatre ans", ajoute-t-il, devant le bâtiment gris, presque perdu entre dépôts et garages où poussent de mauvaises herbes.

 

Plus de 45.000 Juifs tchèques

Des expositions temporaires seront organisées dans les locaux de Prague-Bubny, avant l'aménagement définitif du site. La première d'entre elles, s'intitulant "Kaddish" (en hébreu: glorification du nom divin, mais aussi une des principales prières juives), a été organisée en juin. Des photos sépia montrant les visages souriants de centaines de juifs tchèques, bien avant qu'ils soient envoyés vers les camps de la mort couvraient les murs de la gare à cette occasion. Sur la façade écaillée de cette gare minuscule toujours en activité, deux petites flèches bleues couvertes de poussière montrent la direction des trains: à gauche le centre de Prague, à droite la ville de Kladno. Mais pendant la guerre, des dizaines de convois avaient pris ici une direction totalement différente: celle des ghettos de Lodz en Pologne et de Terezin au nord de Prague, camps de transit pour des Juifs avant leur déportation vers Auschwitz ou autres camps d'extermination.
 
Prisonniers du camp de Terezin

Au total 45.513 Juifs tchèques, hommes, femmes, vieillards et enfants, passèrent alors par Prague-Bubny pour monter dans les trains maléfiques. Seuls quelques milliers d'entre eux survécurent à la guerre et environ 80.000 Juifs tchèques périrent dans l'Holocauste. "Mon transport a quitté Prague le 28 octobre 1941. J'y étais avec ma mère et ma soeur. J'avais treize ans et on se disait que nous serions de retour dans trois mois car cette guerre stupide ne pourrait pas durer longtemps", se souvenait Maja Dohnalova, à l'occasion de l'inauguration de l'exposition "Kaddish". "Nous étions quelque 5.000 à être déportés par les nazis à Lodz. Et nous n'étions que 276 à retourner dans notre patrie, après la guerre", a-t-elle dit.
"Parler le langage d'aujourd'hui"

Maja Dohnalova a avoué ressentir une "profonde émotion" en se rendant de nouveau à cette gare, malgré les sept décennies écoulées depuis sa déportation. Il existe déjà un lieu de mémoire de la Shoah dans la capitale tchèque: la synagogue Pinkas dans l'ancien quartier juif, édifiée en 1535 en style gothique tardif, où les noms des 80.000 victimes tchèques sont inscrits depuis les années 1950. Mais la synagogue, qui fait partie d'un circuit touristique, n'est pas un lieu où la discussion sur le passé et sur le futur peut être mené, selon Pavel Stingl. "Le nouveau mémorial doit parler le langage d'aujourd'hui et utiliser les moyens appropriés à la société moderne", estime de son côté Leos Valka, fondateur du centre des arts contemporains DOX, dont les artistes participent à l'animation du site.
 
"Pourquoi un Mémorial de la Shoah à Prague? Parce que l'immortalité des morts dure tant que les gens se souviennent d'eux", souligne Marketa Malisova, directrice du Centre Franz Kafka à Prague. L'écrivain pragois d'expression allemande, Franz Kafka, mort en 1924, était un des membres de la forte communauté juive sur le territoire de l'actuelle République tchèque, comptant entre les deux guerres mondiales environ 118.000 membres. Ses soeurs Elli, Valli et Ottla passèrent dans les années 1940 par Prague-Bubny et périrent dans les camps nazis. "La nation qui ne connaît pas son histoire est condamnée à la revivre. C'est pourquoi nous sommes favorables à ce projet et avons mis ce bâtiment à la disposition de la société Mémorial Shoah Prague", indique Ivo Toman, responsable de la Compagnie tchèque des chemins de fer.
 
Source RTL