Hamed Amer est le seul député druze de la Knesset actuelle. Il explique comment se combinent son attachement à sa culture et sa passion pour Israël. En regardant les posters qui ornent les murs de la maison des jeunes, on pourrait croire que l’on se trouve dans le local d’un mouvement de jeunesse sioniste comme un autre. Il y a le texte encadré de la Déclaration d’Indépendance signée en 1948, les paroles de l’Hatikva, et les portraits de jeunes soldats de Tsahal morts en défendant le pays au cours de ses nombreuses guerres et opérations militaires ou dans des attentats terroristes. Pourtant, cette maison des jeunes présente certaines particularités qui ne peuvent échapper à un œil avisé : près du drapeau bleu et blanc frappé de l’étoile de David, un autre drapeau est accroché au mur, de cinq couleurs celui- là : rouge, jaune, vert, bleu et blanc.
C’est le symbole de la religion druze, un monothéisme assez confidentiel qui compte en Israël 120000 fidèles arabophones. Dans leurs villages, situés dans les hauteurs de la Galilée, on forme la prochaine génération dans le respect de la foi druze et dans la perspective de devenir des citoyens fiers de contribuer au développement de l’Etat d’Israël.
La maison des jeunes en question se trouve à Peki’in, village à grande majorité druze abritant 5 200 habitants loyaux à Israël. Tout comme dans les 15 autres agglomérations druzes de la région, les responsables communautaires proposent aux jeunes des activités extrascolaires de qualité et riches en signification.
Plus de 12 000 enfants d’âge scolaire, répartis dans 19 groupes locaux, appartiennent au Mouvement de Jeunesse Druze d’Israël. Ils se réunissent presque chaque jour, encadrés par des lycéens qui tiennent le rôle d’animateurs sous la supervision d’adultes. Ils apprennent ainsi ce qu’est leur culture tout en acquérant une fierté nationale israélienne. Le mouvement a été fondé en 2001 par Hamed Amer, député du parti russophone Israël Beiteinou, actuellement le seul Druze élu à la Knesset. Il y a 12 ans, il avait décidé de mettre sur pied un programme pour occuper les enfants druzes de Shfaram, son village, après l’école. Objectif ? Leur permettre de se relier à leurs racines, d’intégrer d’importantes valeurs sociales et de développer des compétences de dirigeant.
De fiers combattants
A 47 ans, Amer en est à son deuxième mandat et à sa cinquième année de Knesset. Il nous accorde une interview à la Maison des jeunes de Peki’in, autour d’un café turc et de chocolat. « Les enfants », affirme-t-il, « savent que je suis le directeur de leur mouvement de jeunesse avant d’être député. » Surtout, ils le respectent : quand nous passons dans les différentes salles où ils sont absorbés dans des travaux manuels, ils s’arrêtent et se lèvent pour lui serrer la main.
« Quand je veux faire une pause et me vider l’esprit, c’est ici que je viens », raconte cet homme marié et père de trois enfants. « Comme je n’ai pas d’horaires fixes dans mon travail, j’essaie d’être avec ces enfants pendant leurs activités et de les accompagner dans leurs sorties chaque fois que je le peux. » Aujourd’hui, les 100 jeunes du centre de Peki’in sont occupés à préparer une sortie éducative et de loisirs dans le Golan, prévue la semaine prochaine. Salman Fadoul, lycéen de 18 ans et animateur, passe le plus clair de son temps libre à encadrer des adolescents de 13 à 17 ans, animateurs eux aussi. Il vient ainsi au centre trois fois par semaine parce que, dit-il, cela lui donne la possibilité de participer à la transmission des traditions druzes.
«Si les petits n’apprennent pas notre culture, elle va finir par se perdre », explique-t-il. Fadoul veut terminer ses études de médecine avant de faire son service militaire dans Tsahal. Il estime important d’instiller aux jeunes l’envie de contribuer à la vie de la communauté tout en ayant des priorités profondes. Son père a pour sa part fait carrière dans l’armée israélienne, où il a assuré diverses fonctions pendant 26 ans.
Selon Amer, près de 100% des enfants et animateurs membres de son mouvement de jeunesse sont résolus à intégrer les rangs de Tsahal. « Non seulement ils s’enrôlent, mais leur pourcentage dans les unités d’élite est supérieur à celui de toutes les autres communautés du pays», déclare-t-il, non sans fierté. Il ajoute qu’en tout, 84 % de la communauté druze d’Israël s’engage dans Tsahal, ce qui en fait le groupe le plus important, en pourcentage, à s’enrôler chaque année.
« Quand on sait donner, on reçoit »
A la Knesset, Amer est membre de la Commission des Finances. Il travaille à l’introduction d’une énergie verte, plus écologique, et cherche à améliorer la sécurité routière en Israël. Mais bien sûr, le projet qui lui tient le plus à cœur, en tant que seul député druze, est l’amélioration de la vie quotidienne de sa communauté.
«Plus de 90% des Druzes vivent en dessous du seuil de pauvreté», soupire-t-il. Pourtant, son but n’est pas d’augmenter le montant des allocations. « Je suis convaincu, tout comme mon parti, que lorsqu’on contribue à la marche de la société et que la société en tire des bénéfices, on en profite forcément aussi. » Le député du groupe Israël Beiteinou déclare en outre que « c’est un honneur de payer sa dette à ce pays, cela procure une impression de sécurité personnelle. Je crois aussi que mon parti peut être un foyer chaleureux pour beaucoup d’autres communautés en Israël. » Plus que tout, c’est cette philosophie du « quand on sait donner, on reçoit » qu’il espère instiller aux enfants de son mouvement de jeunesse. « Même si eux-mêmes ont peut-être besoin d’être aidés, il est important de leur apprendre à aider les autres, qui sont parfois encore plus en difficulté », explique-t-il, ajoutant que les enfants du mouvement distribuent chaque mois 3 000 colis de nourriture à des familles nécessiteuses.
« En outre, nos centres ont toujours de la nourriture dans leurs réfrigérateurs et ils fournissent des repas chauds. Certains enfants n’ont pas de quoi manger chez eux et arrivent affamés après l’école. Je veux qu’ils se sentent ici chez eux, qu’ils y trouvent une atmosphère chaleureuse, comme si nous étions leur famille. » Amer Ali, assistant parlementaire à la Knesset et vice- président du mouvement de jeunesse druze, donne un autre exemple d’aide à son prochain : au cours de la seconde guerre du Liban, raconte-t-il, alors que les villages druzes du nord se trouvaient sous le feu des tirs de missiles, les enfants continuaient à se réunir, afin de rester actifs pendant cette période difficile. Ils en profitaient pour préparer 200 colis de Ravitaillement par jour pour les soldats de Tsahal postés à la frontière, avec de la nourriture, des chaussettes chaudes et d’autres objets, pour participer eux aussi à l’effort de guerre. Amer renchérit : pendant l’opération Pilier de Défense à Gaza, le mouvement de jeunesse druze a invité des groupes de jeunes Juifs du sud à venir s’amuser quelques jours dans le nord, afin de respirer un peu et d’échapper pour un temps aux tirs incessants de roquettes.
Parler au nom d’Israël Par ailleurs, le mouvement propose des programmes spéciaux destinés aux enfants handicapés de la communauté, et d’autres aux orphelins qui ont perdu l’un de leurs parents alors qu’ils défendaient le pays. Il souligne que le centre de Peki’in dispose d’une salle réservée aux activités pour les enfants malvoyants ou malentendants.
MouniraAliestunejeunefilledruzede19ansquieffectue son service militaire dans le centre du pays. Elle y exerce le rôle d’éducatrice pour enfants malvoyants. Mounira est elle- même aveugle et sa propre expérience lui permet de mieux comprendre ceux dont elle s’occupe.
«Je travaille avec une vingtaine de gosses, deux fois par semaine»,explique-t-elle.«Ce centre, que j’ai moi- même fréquenté petite, avant de devenir éducatrice et de pouvoir ainsi rendre ce qu’on m’a donné, est un endroit très chaleureux, où j’ai toujours ressenti avec intensité mon appartenance à ma communauté. » Amer, qui a commencé sa carrière comme avocat, préside également l’Association israélienne des Arts martiaux. Il est lui-même ceinture noire et semble en excellente forme physique. Outre toutes ces activités, il aimerait bien consacrer davantage de temps, dans le cadre de son mandat de député, à aller parler de la réalité israélienne à l’étranger.
Il prend actuellement des cours d’anglais intensif et espère atteindre un niveau qui lui permettra de voyager et de parler au nom d’Israël dans diverses communautés. « Je veux m’impliquer dans la “hasbara” (diplomatie publique), afin que les gens comprennent ce qu’est réellement Israël », s’exclame-t-il. Il estime que s’exprimer ainsi en tant que Druze et répandre un message positif sur Israël pourrait vraiment contribuer à changer la perception qu’ont les gens de la vie quotidienne dans le pays. « Notre amour pour cette terre vient du fait que nous nous y sentons chez nous. C’est une chose qui a commencé avant même la création de l’Etat », répond-il à ceux qui s’étonnent de le voir éprouver une telle passion pour Israël. Outre la connaissance de leur culture druze, c’est cet amour d’Israël qu’Amer espère transmettre par le biais du mouvement de jeunesse. «Quand nous faisons des sorties, le drapeau d’Israël nous accompagne partout », affirme-t-il. « Il fait partie de notre identité, parce que nous appartenons tous à la même famille. »
Source JerusalemPost