mardi 2 juillet 2013

Ryan Bellerose : métis et sioniste

 
 




Je suis un Métis indien du Nord de l'Alberta, Canada. Mon père, Mervin Bellerose était le co-auteur de la loi sur les Métis de 1989, qui a été adoptée par la législature de l'Alberta en 1990 et a renforcé nos droits fonciers. J'ai fondé l'organisation « Canadiens pour la Responsabilité », un groupe de défense des droits indigènes ; de plus, je suis un des organisateurs et participants du mouvement «Nous ne sommes plus passifs » dans la ville de Calgary. D'autre part, je suis un sioniste. Permettez-moi de vous dire pourquoi.


J'ai grandi dans une colonie métisse du Canada dans ce que beaucoup considèrent comme des conditions difficiles : nous n'avions pas d'électricité, d'eau courante ou de téléphone. Quand il pleuvait, les routes de terre qui nous liaient aux routes goudronnées étaient inondées et nous étions régulièrement bloqués. J'ai vécu dans une baraque avec mes deux demi-frères, tandis que mon père et sa femme vivaient dans une petite cabane à proximité. Nous avions un jardin potager, nous chassions et pêchaient, ramassions des fraises et faisions d'étonnants voyages dans les villes voisines afin d'y acheter ce dont nous manquions.
Mon père travaillait dans la construction et a vécu dans des camps pendant de longues périodes ; je restais souvent chez des parents pour échapper à la violence de la femme de mon père. Pourtant, je considérais mon enfance normale.
Mon intérêt pour Israël a commencé à un jeune âge. Mon père m'avait donné la collection de l'Encyclopedia Britannica pour mon 5ème anniversaire et, à compter de ce jour, une passion pour l'histoire était née en moi.
Je me consacrais à la lecture chaque fois que le temps était mauvais. En fait, il y avait une blague dans ma famille qui disait qu'emporter mes livres pendant quelques heures était la meilleure façon de me discipliner, plus que la crainte d'une fessée.
Dans l'encyclopédie, une page avait attiré mon attention : celle de la naissance d'Israël en 1948. Cela m'avait marqué comme l'histoire de David et Goliath : Israël, un petit pays qui avait combattu pour son indépendance de l'Empire britannique, avait été forcé des ses premiers heures d'existence de se défendre contre les armées combinées du monde arabe. Israël a survécu contre toute attente et fit cela en écrivant une page épique d'histoire marquée par la volonté et l'héroïsme. Cette histoire m'a inspiré.
En grandissant, je suis resté petit de taille. Les enfants blancs m'appelaient un « sang-mêlé » et par d'autres insultes, tandis que les enfants de ma colonie se moquaient de ma peau plus pâle. Je n'appartenais à aucun groupe. J'ai dû faire preuve d'ingéniosité pour me protéger, dans la mesure où j'étais plus faible que les autres.
Être victime d'intimidation a formé a personnalité et développé mon sens du bien et du mal. C'est l'une des raisons pour lesquelles je soutiens Israël, un pays qui a fait face à l'intimidation et la manipulation depuis sa naissance. Israël aussi a dû faire preuve d'ingéniosité pour se défendre contre des ennemis qui l'éclipsaient. Et comme moi, Israël l'a emporté.

 

Remarquant ma curiosité à propos d'Israël, mon père m'acheta un cadeau d'anniversaire : un livre à propos du Raid sur Entebbe en 1976, une opération de sauvetage brillante menée par les commandos israéliens contre des terroristes palestiniens en Ouganda qui avaient pris des otages.


Encore une fois, ce qui m'a impressionné et qu'Israël était prêt à faire l'impossible pour sauver son peuple, peu importe les retombées politiques. Cela m'a poussé à lire encore plus sur le conflit israélo-arabe. Ce faisant, j'ai appris les évènements des Jeux Olympiques de Munich de 1972, lorsque des terroristes palestiniens ont massacré 11 athlètes israéliens lors d'un événement censé être une célébration de la fraternité et de la paix. Je me demandais pour quelle raison un plus grand nombre de personnes n'étaient pas aussi bouleversé que moi.


C'est au cours de cette période – en 1972 – que je rendais visite à des parents de ma famille qui travaillaient sur des plates-formes pétrolières et que j'ai appris en regardant la télévision dans un hôtel l'horreur du massacre dans l'aéroport de la ville israélienne de Lod où des terroristes palestiniens ont abattu 26 civils attendant leurs vols, dont 17 pèlerins chrétiens.


Je me souviens aussi de l'attaque – en 1985 – par les forces de Yasser Arafat sur le bateau de croisière Achille Lauro, où un vieil homme handicapé a été jeté à la mer dans son fauteuil roulant pour le simple crime d'être un Juif. Plus je voyais ce genre de scènes, plus j'avais besoin de comprendre pourquoi ces choses se passaient. Plus j'en apprenais, plus j'appris à apprécier l'intégrité morale d'Israël face au visage de la haine brutale.


 J'en suis venu à croire que le peuple juif et Israël devraient servir d'exemple pour les peuples autochtones partout dans le monde. C'est avec les Juifs – leur survie tenace après avoir été décimés et dispersés par des empires puissants – que nous avons le plus en commun.
Mon peuple, les Métis, sont venus en Alberta au Canada après la Révolution américaine, à la demande du gouvernement, pour éviter que les Américains s'installent dans l'ouest du Canada. Nous nous sommes établis sur ces terres et suivi les règles de l'homme blanc. Mais nous avons finalement été expulsés et nos maisons donnés aux pionniers blancs. Personne ne nous voulait. Nous avons été obligés de vivre dans la clandestinité, le long des routes, dans la brousse. Nous n'avions aucun droit, et nous avons été tués parce que nous étions des « nuisances. »
L'exil a fracturé notre nation. Les membres de notre nation erraient sans espoir et sans domicile. Puis, dans le milieu des années 1900, nos dirigeants ont réussi à obtenir des terres pour nous ; pas la terre que nous avions voulue mais les terrains qui pourraient néanmoins nous permettre de construire un avenir meilleur.
Nous avons accepté ces terres, construit nos colonies et formé un gouvernement pour améliorer la vie de notre peuple. Nous avons encore de nombreux problèmes à résoudre, bien sûr, mais nous avons aussi des gens plus instruits que jamais et nous sommes en train de devenir auto-suffisant, tel que nos dirigeants l'ont envisagé. Sous cet aspect, le peuple juif et les Métis ont parcouru le même chemin.
Les Juifs ont également souffert d'un génocide et ont été expulsés de leur patrie. Ils ont également été rejetés par tout le monde et forcés à errer. Comme nous, ils se sont rebellés contre l'injustice impériale lorsque cela est nécessaire et, en dépit de leurs doléances, se sont efforcés d'obtenir la paix chaque fois que cela était possible. Comme nous, ils recevaient une minuscule parcelle de leurs terres après des siècles de souffrance et de persécution, la terre que personne d'autre n'avait voulu appeler la leur jusque-là. Comme nous, ils ont pris ce pays en dépit de leurs doutes et ont forgé une nation d'un peuple fracturé et blessé. Comme nous, ils montrent toujours une volonté de compromis pour le bien de leur peuple.
J'espère que les Métis continueront à marcher dans la même voie que le Peuple juif. Grâce à leurs efforts, les Juifs ont réussi à préserver leur identité en dépit de terribles persécutions et de faire revivre leur culture et leur langue une fois de retour dans leur patrie. Ils n'ont jamais perdu leur sens profond de leur identité et ils n'ont jamais perdu de vue l'importance de regarder en avant.

Compte tenu de leur histoire, il aurait été naturel pour eux de devenir bornés et réactionnaires. Mais à la place, ils travaillent dur pour être productifs et sont sympathiques, même dans les pays qui leur ont causé des énormes souffrances. Je veux que nous fassions de même pour l'éducation et la préservation de notre culture antique : une priorité. Je veux que nous continuions à œuvrer pour la paix et la productivité.
Certains prétendent que nous les Métis, avons beaucoup en commun avec les Palestiniens, que leur lutte est notre lutte. Au-delà des similitudes superficielles, rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Au-delà de la facile mention de notre cause, la comparaison avec les Palestiniens est absolument intenable. Elle banalise notre souffrance.
Comparer la lutte d'aujourd'hui des Métis à la guerre de propagande palestinienne est un mensonge. Bien que les Palestiniens ont des liens indéniables sur la terre qu'ils revendiquent, les récits de première main de Mark Twain et d'innombrables autres voyageurs de la Terre Sainte à travers les âges suggèrent qu'un grand pourcentage de la population palestinienne a immigré en Palestine seulement au cours des dernières décennies.
Depuis 65 ans, les Palestiniens ont convaincu le monde que leur situation est pire que beaucoup d'autres nations sans État, malgré toutes les preuves du contraire. Les Palestiniens affirment avoir été colonisés mais c'était leurs propres dirigeants qui ont refusé de négocier et qui ont perdu les terres qu'ils voulaient en menant une guerre inutile contre Israël. Ils prétendent avoir été victimes de génocide, mais ils n'ont jamais subi une telle chose : leur population a explosé, passant de quelques centaines de milliers en 1948 à plus de 4 millions aujourd'hui. Ils affirment être privés de tout, mais leurs élites vivent dans le luxe.
Qui plus est, les dirigeants palestiniens n'ont jamais été intéressés par une solution pacifique pour leur peuple. Ils ont eu plusieurs occasions d'avoir leur propre État – pour la première fois dans l'histoire – et ont refusé à chaque fois, en choisissant la guerre plutôt que la paix parce que les offres n'ont jamais été jugés suffisantes.
Ils ont constamment utilisé le terrorisme pour attirer l'attention sur leur cause et leurs dirigeants ont célébré la mort de civils en nommant des parcs et des écoles après des noms de meurtriers. Chaque Palestinien qui remet en cause la rhétorique maximaliste ou qui suggère un réel compromis est immédiatement mis à l'écart, considéré comme un traître et-ou tué.
Les Palestiniens ne sont pas comme nous. Leur combat n'est pas notre combat. Nous autochtones croyons dans le changement pacifique et nous refusons d'être affiliés à quiconque se livre à la violence visant des civils. Je ne peux pas rester silencieux et permettre aux Palestiniens de gagner en crédibilité à nos dépends en affirmant qu'ils ont des points communs avec nous.
Je ne peux pas rester là alors qu'ils banalisent notre situation en l'attachant à la leur, qui est en grande partie auto-infligée. Notre population qui état de plus de 65 millions a été violemment réduite à un simple 10 millions, un massacre sans précédent dans l'histoire humaine. Comparer cela à l'histoire des Palestiniens est profondément offensant pour moi. Les Palestiniens ont perdu la terre qu'ils revendiquent comme étant la leur, mais ils ont eu à plusieurs reprises la possibilité de construire leur État sur cette terre et de travailler en partenariat avec les Juifs ; chaque fois, ils ont refusé obstinément ces ouvertures de paix et ont choisi plutôt la guerre.
Nous n'avons jamais eu cette chance. Nous n'avons jamais fait ce choix.

Ryan Bellerose

Source TheMetropolitain.ca