Tel-Aviv, 4 novembre 1995, 20 h.
Deux ans plus tôt, Ytzhak Rabin a lancé le processus de paix avec le Yasser Arafat, le chef de l’OLP, par la signature des accords d’Oslo que symbolise la photo restée dans les mémoires du geste historique des deux leaders se serrant la main, le 13 septembre 1993, sur la pelouse de la Maison-Blanche, encouragés par l’ex-président américain Bill Clinton.
Il s’agissait d’avancer vers une autonomie palestinienne à Gaza en 1994 et dans les grandes villes de Judée Samarie à partir de septembre 1995.
Après des mois durant lesquels la droite (le Likoud), l’extrême droite et les colons ont manifesté violemment contre le processus d’Oslo, la place des Rois d’Israël, que domine l’immeuble de la mairie de Tel-Aviv, est déjà noire de monde. L’atmosphère est à la fête pour la grande manifestation organisée cette fois-ci en soutien du « camp de la paix » au processus d’Oslo et à ceux, le Premier ministre Yitzhak Rabin en tête, qui en assument la responsabilité devant le peuple israélien et devant l’histoire, et s’engagent à le mener à bien.
Survoltée, la foule immense écoute le discours du Premier ministre israélien. Enfin, une chanteuse entonne le Chant de la paix.
Là-haut, sur la terrasse de l’hôtel de ville, le gouvernement au grand complet, Shimon Peres et Yitzhak Rabin en tête, enlacés malgré leur rivalité, unissent leurs voix à celle de la foule en liesse.
La manifestation terminée, les deux hommes s’apprêtent à quitter le bâtiment de la mairie.
Rabin s’attarde à l’intérieur. Peres l’attend un bon moment dans l’escalier, puis se décide à partir seul.
A 21h40, le Premier ministre sort enfin à son tour et se dirige vers sa voiture. Soudain, des coups de revolver retentissent, accompagnés de la clameur de la foule, saisie d’un début de panique.
La rumeur se répand : il y a eu des coups de feu, Yitzhak Rabin aurait été touché. Quelques minutes plus tard, on voit le cortège du Premier ministre foncer vers l’hôpital Ichilov, tout près de là. Filmé par Roni Kempler, un photographe amateur, l’assassinat est diffusé à la télévision israélienne.
Sous les caméras de télévision apparaît finalement le visage bouleversé du porte parole de Rabin, Eitan Haber : « Avec une immense douleur, le gouvernement d’Israël annonce la mort du Premier ministre… »
Il s’est écoulé à peine une heure entre l’exaltation du Chant de la paix et la mort d’Yitzhak Rabin, assassiné de trois balles dans le dos par Yigal Amir. Cet ancien étudiant de l’université Bar-Ilan et militant d’extrême-droite s’était énergiquement opposé à l’initiative de paix de Rabin, en particulier la signature des accords d’Oslo.
Le 6 novembre, plus d’un million d’Israélien et de nombreuses personnalités venues du monde entier font leurs adieux au père de la nation tombé sous les balles de l’extrémiste juif.
Le processus d’Oslo était bel et bien enclenché, mais extraordinairement fragile. Shimon Peres qui succède à Yitzhak Rabin se fait battre aux élections par le Likoud. Dans un contexte de violence palestinienne, la droite portera au pouvoir Benyamin Netanyahou en 1996.
Après l’assassinat de Rabin, des milliers de jeunes israéliens, choqués, se rassemblent sur la Place des rois d’Israël où le Premier ministre travailliste vient de tomber.
Pendant des semaines, ils pleurent et allument des bougies à sa mémoire sur l’esplanade de la mairie de Tel-Aviv, qui sera plus tard rebaptisée "place Rabin". La jeunesse jure alors de "ne pas oublier et de ne pas pardonner" ce meurtre. "Une génération entière exige la paix", clame alors la "Génération Rabin".
Aujourd’hui, dans un Israël déchiré, les idéaux qu’incarnait celui qui fut le co-récipiendaire du prix Nobel de la paix un an avant sa mort, avec Yasser Arafat et Shimon Peres, sont aujourd’hui moins portés par la jeunesse qui manifeste contre la corruption et les atteintes à la démocratie, mais pas pour la paix avec les Palestiniens.
Un second soulèvement palestinien (Intifada, 2000–2005) contre l’occupation israélienne, trois guerres contre le mouvement terroriste islamiste Hamas qui contrôle la bande de Gaza mais aussi la poursuite par Israël de la colonisation en Judée Samarie sont passés par là.
L’assassinat de Rabin a inspiré deux films. Vingt ans après la mort du Premier ministre israélien, le cinéaste Amos Gitaï est revenu sur cet événement traumatisant avec un nouvel éclairage. Replaçant l’assassinat dans son contexte politique et sociétal, "Le dernier jour d’Yitzhak Rabin", sorti en 2015, est un film choc qui mêle reconstitutions fictives et images d’archives afin d’offrir un véritable thriller politique.
"Jours redoutables", un thriller sur Yigal Amir, l’assassin d’Yitzhak Rabin, est sorti dans les salles en septembre 2019. Signé Yaron Zilberman, ce biopic sur un homme qui personnifie le mal a connu en Israël une belle fréquentation qui n’a pas éteint les polémiques.
Source Sud Ouest
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