mercredi 25 novembre 2020

Covid-19 : combien de particules virales un être humain infecté par le SARS-CoV-2 renferme-t-il ?


Des chercheurs israéliens ont estimé le nombre total de particules virales (ou virions) présentes chez une personne infectée par le SARS-CoV-2 durant le pic de l’infection. Ils ont également évalué la masse de la totalité de ces virions dans le corps humain et même, pandémie oblige, à l’échelle de la planète.........Détails.......

Le moins que l’on puisse dire est que l’équipe de Ron Sender, Yinon Bar-On et Ron Milo de l’Institut Weizmann des Sciences (Rehovot, Israël) aime les chiffres. Ces biologistes avaient déjà estimé en 2016 le nombre de bactéries et de cellules humaines présentes dans l’organisme humain.
En avril dernier, ils avaient également réuni de nombreuses données chiffrées sur le coronavirus SARS-CoV-2, notamment sur sa taille, celle de son génome, le nombre de protéines S (spicules) à sa surface, son temps de réplication. 
C’est donc à la question de la charge virale que cette équipe, spécialisée dans la quantification d’objets biologiques (cellules, protéines, virus), s’est attaquée. Leur étude est parue sur le site de prépublication medRxiv le 17 novembre 2020.
Pour estimer le nombre total de virions présents chez un individu infecté au pic de l’infection, les chercheurs ont utilisé deux jeux de données. 
Tout d’abord, le nombre de copies d’ARN viral évaluées par la technique RT-PCR, sachant que la totalité de l’ARN obtenu par cette technique d’amplification du génome viral correspond à la totalité des virions, et inclut des virions non viables ou désactivés (non infectieux). 
Or la présence d’ARN viral n’implique pas nécessairement la présence de virions infectieux. En effet, certains peuvent être défectueux (notamment par mutation) ou avoir été inactivés par les conditions cellulaires environnementales. Une autre méthode permet la quantification des seuls virions infectieux. Elle repose sur ce que les virologues appellent le titrage de l’infectivité virale. 
La concentration en virions est alors exprimée en nombre de virus infectant 50 % des cellules en culture par millilitre (TCID50 par ml, Tissue Culture Infective Doses per milliliter). 
La mesure de la TCID50 implique d’infecter des cellules sensibles en culture avec des dilutions du virus et de noter la dilution à laquelle la moitié des cellules sont infectées.
Les chercheurs ont estimé à la fois le nombre total de particules virales, en dénombrant les copies d’ARN viral, et le nombre de virions infectieux en évaluant la TCID50. Ils ont également tenu compte de ce que les poumons représentent dans l’organisme le tissu le plus important en termes de masse et de concentration de virus. 
Selon eux, les autres tissus, notamment la muqueuse nasale, le larynx, l’arbre bronchique et les ganglions lymphatiques adjacents, ne représentent que 10 % supplémentaires en termes de copies d’ARN viral.

Représentation schématique de l’estimation du nombre de virions chez une personne infectée. 
L’estimation repose les concentrations de virions mesurées dans un gramme de tissu de macaque rhésus multipliées par la masse de tissus humains. Sender R, et al. medRxiv. November 17, 2020.

Entre 1 et 100 milliards de virions chez une personne infectée

Le nombre de virions chez un individu infecté a ainsi été estimé entre 1 et 100 milliards (109 à 1011) au pic de l’infection, dont 105 à 107 sont des virions infectieux. En effet, les chercheurs estiment qu’une particule virale sur dix mille (104) est infectieuse. Le nombre total de virions inclut également des particules virales non viables (défectives pour la réplication, c’est-à-dire incapables de se multiplier).
À partir de ces données, les chercheurs ont estimé la taille de la population des cellules infectées durant le pic de l’infection, ce qui a nécessité au préalable de déterminer le nombre de virions présents dans chaque cellule infectée. À l’intérieur de chacune de ces cellules les les virus sont répliqués et libérés en « rafale ». 
La taille de la rafale (burst size, en anglais) correspond donc au nombre total de virus produits par une cellule infectée. Les chercheurs ont évalué la densité des particules virales dans les cellules infectées à partir d’images de microscope électronique par transmission. 
Compte tenu que le volume des cellules humaines cibles du virus SARS-CoV-2 est d’environ 1 picolitre (10-12 litre), ils estiment qu’environ cent mille (105) particules virales se trouvent à un moment donné dans une cellule infectée.
Dans la mesure où seulement une particule virale sur dix mille (104) est infectieuse, les chercheurs estiment qu’environ 10 virions infectieux résident dans une seule cellule infectée à un moment donné. 
Or chaque particule infectieuse a une masse de 1 femtogramme (10−15 gramme). 
Par conséquent, 105 particules virales pèsent environ 0,1 nanogramme, soit près de 10 % de la masse cellulaire totale. Enfin, ils considèrent qu’une cellule infectée produit 10 à 100 virions infectieux en quelques jours.

Estimation du nombre de cellules infectées. Sender R, et al. medRxiv. November 17, 2020.

Le nombre de cellules infectées est obtenu en divisant le nombre de virions infectieux (105 à 107) par celui de virions dans une cellule (10), ce qui donne 104 à 106 cellules infectées par individu.
Le nombre total de cellules potentiellement infectées comporte principalement des pneumocytes (cellules bordant les alvéoles pulmonaires), des cellules des fosses nasales et des cellules de l’épithélium digestif. Ce compartiment cellulaire représente environ 1011 cellules. 
En divisant le nombre des cellules infectées par personne (104 à 106) par le nombre potentiel de cellules infectées (1011), on estime ainsi qu’une cellule sur 105 est infectée, voire une cellule sur 107. Autrement dit, entre une cellule sur cent mille et une cellule sur dix millions.
Les biologistes ont ensuite évalué le nombre total de virions produits au cours de l’infection. Ce chiffre peut être estimé en multipliant le nombre de cellules infectées par le nombre de virions par cellule. 
Les chercheurs ont obtenu le chiffre de 105 à 108 virions infectieux, soit entre 100 000 et 100 millions de virions. Les chercheurs estiment que les concentrations virales ne diffèrent pas véritablement entre l’homme et la femme, mais que la charge virale totale d’un enfant est probablement 10 fois inférieure.

Une masse virale jusqu’à 100 fois inférieure à celle d’un grain de pavot

À supposer qu’un organisme humain renferme un nombre total de particules virales (viables et non viables) se situant entre 109 à 1011 et que chaque virion a une masse de 1 femtogramme, les chercheurs estiment que la masse totale de virions serait comprise entre 1 et 100 microgrammes, autrement dit entre 1 et 100 millionièmes de gramme. 
Ou si l’on préfère « une masse entre 1 à 100 fois moindre que celle qu’un grain de pavot », notent les chercheurs.
« Si l’on prend en compte l’ensemble de l’humanité et que l’on considère qu’au total 10 à 100 millions de personnes sont infectées à un moment donné (y compris les personnes non détectées comme positives), on arrive à une masse totale de virions de l’ordre de 0,1 à 1 kg », indiquent les chercheurs. 
Par ailleurs, à partir du nombre total de particules virales produites au cours de l’infection (109-1012 par personne), on peut en déduire la masse totale de toutes les particules virales du SARS-CoV-2 jamais produites tout au long de la pandémie actuelle.
Décidément très amateurs de calculs, les chercheurs ont formulé une dernière hypothèse (ne tenant nullement compte de la possible mise à disposition de vaccins et/ou traitements), à savoir que le nombre d’individus infectés sur Terre par la pandémie de Covid-19 sera au total d’un milliard. Ils ont alors tenté d’évaluer la masse totale des particules virales produites par une infection aussi répandue. 
Celle-ci peut être obtenue en multipliant le nombre de personnes infectées par le poids d’une particule virale et par le nombre de virions produites par personne. Résultat : dans l’hypothèse où un milliard de personnes serait infecté, « la masse de toutes les particules virales produites par une infection aussi répandue serait de l’ordre de 1 kg à 1000 kg », concluent les chercheurs.
L’ensemble de ces estimations comporte évidemment de grandes marges d’incertitudes et/ou d’erreurs, source de controverses. 
Malgré toutes les approximations, imprécisions et limites associées à ce périlleux exercice de quantification virale, cette étude a un mérite : celui de faire mieux prendre conscience du contraste saisissant entre la masse globale dérisoire de ce minuscule agent pathogène et l’impact mondial gigantesque de ce même virus sur la santé publique et l’économie mondiale.

Marc Gozlan

Source Le Monde
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