Mercredi s’est tenu le procès de Levan T. devant la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour «dégradation de biens publics classés» et «injure publique envers un groupe de personne» en raison de leur appartenance à la religion juive.
Le box des prévenus est resté vide : l’homme de 31 ans, né en Géorgie, a entamé une grève de la faim et son état de santé ne lui permettait pas de se présenter devant la cour.
Reconnu coupable de ces faits, il a été déclaré irresponsable pénalement en raison d’un trouble psychiatrique ayant aboli son discernement.
«Petit dessin»
Une expertise a en effet conclu à un «trouble psychotique délirant» avec une «thématique centrale de persécution». Interpellé dans la nuit du 10 au 11 octobre alors qu’il traçait des croix gammées avec une bombe de peinture rue de Rivoli, Levan T. a déclaré avoir effectué un «petit dessin» précisément pour être placé en garde à vue.
L’homme, se disant «journaliste et étudiant en arts plastiques à l’université Paris-I», comptait ainsi attirer l’attention des autorités sur le vol suspect de son ordinateur lors d’un précédent séjour à Paris, qui contenait selon lui des «données sensibles».
Il avait alors nié le caractère antisémite de son acte. Il a affirmé à l’expert psychiatre être «suivi de manière régulière par des inconnus, qui rendent des comptes aux services secrets» de différents pays, avec la «complicité des forces de polices françaises».
Des «propos qui peuvent faire sourire mais qui sont le signe d’une instabilité psychiatrique» du prévenu, a rappelé la procureure de la République, bien que cela «n’atténue pas la gravité des faits». Elle a décrit une «affaire éminemment sensible et choquante» et un symbole qui renvoie «aux heures sombres» de la Seconde Guerre mondiale.
Unanimement, les avocats des parties civiles se sont offusqués d’un tel acte. «Paris a été tapissé en une nuit de grandes croix gammées», s’est désolée Dorothée Bisaccia-Bernstein, avocate de la Licra, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme.
«C’est une atteinte à la mémoire de la ville qui s’est battue pour libérer Paris de l’occupant nazi», a ajouté Sabrina Goldman, conseil de la ville de Paris. Des tags faits «pour blesser, pour choquer, pour insulter», un «crachat au visage de la communauté juive dans son ensemble», a tonné Oudy Bloch, avocat de l’Organisation juive européenne (OJE).
«Cet acte d’autant plus grave que les actes antisémites sont en train d’augmenter en France», a-t-il continué.
«Les cellules ne sont pas l’antichambre des hôpitaux»
Le prévenu ayant reconnu intégralement les faits, les débats ont tourné autour de sa responsabilité pénale.
Les avocats ont contesté l’abolition du discernement et souligné une première expertise «très détaillée» concluant à l’absence totale de trouble mental mais aussi l’endroit symbolique des tags.
«Dans les affaires d’antisémitisme dans lesquelles nous intervenons, vous n’avez pas idée du nombre de personnes qui se prétendent atteintes de troubles du discernement, c’est presque systématique, a plaidé Muriel Ouaknine-Melki, conseil de l’OJE. Elle a ensuite souligné l’enjeu de ce dossier dans la lutte contre la discrimination à l’encontre de la communauté juive.
«Les cellules de Fresnes ne sont pas l’antichambre des hôpitaux psychiatriques», a abondé Vera Goguidze, l’avocate du prévenu.
Elle a rappelé que son client «n’a pas tenu de propos sur le peuple juif» et qu’il ne devait pas servir «d’exemple» dans le «noble combat» que mènent les associations. Sur le volet civil, l’affaire est mise en délibéré et la décision sera rendue le 9 décembre.
Source Liberation
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