Israël a accusé hier le Liban d’avoir « changé sept fois de position » sur la démarcation de leur frontière maritime en Méditerranée, ce qui pourrait conduire les pourparlers à une « impasse » et « entraver les projets de prospection d’hydrocarbures offshore » dans la région. Les deux voisins avaient achevé il y a dix jours un troisième cycle de négociations sous l’égide de l’ONU et des États-Unis........Détails.......
À une dizaine de jours du quatrième round des négociations (prévu le 2 décembre) qui se déroulent à Naqoura, le ministre israélien de l’Énergie, Yuval Steinitz, a fustigé la position libanaise dans un tweet. « Le Liban a changé de position sept fois sur sa frontière maritime commune avec Israël, a-t-il dit. Sa position actuelle contredit non seulement sa position précédente, mais aussi la position du Liban quant à sa frontière maritime avec la Syrie qui prend en considération les îles libanaises près de la frontière. »
Sans donner de précision sur ce qui a changé dans la position libanaise, M. Steinitz a invité « quiconque veut une prospérité régionale et développer de manière sûre les ressources naturelles » à « maintenir le principe de stabilité et résoudre ce différend en se fondant sur les lignes (de démarcation) présentées par Israël et le Liban à l’ONU ».
Selon le ministre israélien, « toute déviation » de ce principe risque de mener à une « impasse », voire « une trahison de l’objectif d’une paix régionale ».
La réponse du chef de l’État libanais, Michel Aoun, n’a pas tardé.
La présidence libanaise a démenti dans un communiqué « les allégations de Yuval Steinitz selon lesquelles le Liban a changé sept fois de position sur la question de la frontière maritime sud », jugeant celles-ci « sans fondement ».
« La position du Liban est cohérente en ce qui concerne la question de la démarcation maritime des frontières méridionales conformément aux directives formulées par le président Aoun à la délégation libanaise, en particulier en ce qui concerne l’exercice par le Liban de son droit souverain », a ajouté la présidence, sans plus de précisions.
Lors d’une rencontre, jeudi, avec le commandant en chef de la Finul, le général Stefano Del Col, dont une des bases à Naqoura accueille les pourparlers, le président Aoun avait déclaré que la démarcation de la frontière maritime devait se faire « sur base de la ligne partant du point de Ras Naqoura (à l’extrémité sud du pays), selon le principe général de la ligne médiane et sans tenir compte des îles côtières » israéliennes.
Le Liban et Israël ont entamé début octobre des négociations sur une zone maritime contestée de 860 kilomètres carrés, selon une carte enregistrée par Beyrouth auprès de l’ONU en 2011. Mais le Liban juge aujourd’hui cette carte erronée. Il revendique désormais une superficie maritime pour sa zone économique exclusive (ZEE) de 2 290 km2.
Surenchère ou échec annoncé ?
Qu’impliquent aujourd’hui pour le Liban les accusations israéliennes ? Mettent-elles en danger les pourparlers entre les deux voisins ennemis ?
« Incontestablement, les Israéliens sont mécontents, voire surpris des revendications libanaises.
Ils font pression aujourd’hui pour que le Liban revienne sur sa position et que les négociations se fassent sur les 860 km2 », constate Laury Haytayan, experte en hydrocarbures et directrice pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord du Natural Resource Governance Institute (NRGI).
« Car le Liban a rectifié les données qu’il avait remises d’abord en 2007 puis en 2011 aux Nations unies concernant le point de départ des pourparlers. Il réclame désormais que Ras Naqoura soit le point de départ des négociations », explique-t-elle.
Et cette rectification implique un élargissement des pourparlers à la zone où se trouve notamment « le champ gazier de Karish auquel l’État hébreu tient particulièrement ».
« Même si le pays du Cèdre a modifié sa position, il est en position de force, car il se base sur des données scientifiques et légales, basées sur les conventions maritimes adoptées par le Bureau du coordonnateur spécial pour le Liban (Unscol) », estime Mme Haytayan, qui souligne que, dans l’accord-cadre annoncé par le président du Parlement Nabih Berry préalable aux négociations, « rien ne mentionne la nécessité de limiter les discussions aux 860 km2 ».
Pour Marc Ayoub, expert en politique énergétique de l’Institut Issam Farès de l’AUB, « la pierre d’achoppement des négociations entre le Liban et Israël réside dans le point de départ de la délimitation ».
« Pour le Liban, il s’agit de Ras Naqoura, et pour Israël, ce sont les îles ou plutôt les rochers non habités Takhalit », souligne-t-il, précisant que les deux parties se livrent à un bras de fer, exhibant chacune ses études.
« Sauf qu’au terme de trois rounds de négociations, le point de départ n’a toujours pas été défini », regrette l’expert, se demandant si la partie israélienne ne hausse pas le ton jusqu’à l’exagération en évoquant sept changements de position de la part du Liban « pour pousser l’ONU et les États-Unis à intervenir ». Pour M. Ayoub, il est clair qu’« une médiation onusienne est aujourd’hui nécessaire ».
Elle passerait par une étude des coordonnées que réaliserait l’organisation, à l’aide de ses drones et de ses experts, afin de définir le point de départ. « Mais pour ce faire, il faut le vouloir, car c’est bien l’ONU qui détient les lois et conventions maritimes », insiste-t-il.
Une question se pose toutefois sur le rôle du parrain américain. « Alors que ni le Liban ni Israël n’ont intérêt à interrompre les négociations, la politique pourrait s’inviter dans ces pourparlers », souligne-t-il dans ce cadre.
Vous nous aimez, prouvez-le....