Le 30 juin 1924, Jacob de Haan, poète, juriste et journaliste néerlandais, installé en Palestine depuis seulement cinq ans, est abattu à Jérusalem. Cet assassinat, apparemment commandité par la Haganah, alarmée par ses activités politiques et ses contacts avec les états arabes, voulait mettre fin à ses activités antisionistes. Mais la vie toute entière de Jacob de Haan, autant que sa mort, est des plus surprenantes et marquée par le drame et les excès.
Il est né le 31 décembre 1881, à Smilde, dans le nord des Pays-Bas, dans une famille juive traditionnelle. Son père, Yitzchak HaLevi de Haan, est hazzan et Shohet (chantre et abatteur rituel). Il peine à nourrir ses ,,,dix-huit enfants.
Cela n’empêche pas le jeune Jacob d’avoir des ambitions ; il étudie le droit et travaille comme enseignant à Amsterdam où il publie en 1904 son premier livre, Pijpelijntjes (Lignes de De Pijp), un roman autobiographique à peine déguisé dans lequel il décrit entre autres la relation qu’il entretiendrait avec le savant et anthropologue judiciaire Arnold Aletrino auquel est consacré l’ouvrage.
La révélation de son homosexualité déclenche un scandale dans la Hollande calviniste.
Jacob de Haan retravaille le livre en supprimant les passages sulfureux.
Mais c’est trop tard, il est démis de son poste d'enseignant et on lui retire sa colonne dans le journal où il écrivait pour les enfants.
Il se marie en 1907 avec Johanna van Maarseveen, une doctoresse non-juive avec laquelle il n’aura pas d’enfant. Car il semble s’enfoncer en eaux troubles.
En 1916, il obtient le doctorat en droit mais se plaint d’être mis à l'écart quand se dégage un poste à la faculté de droit de l'Université d'Amsterdam.
Vers 1910, Jacob de Haan développe un intérêt pour le judaïsme, la Terre d'Israël et le sionisme, un engouement probablement dû aux efforts qu’il déploie durant deux ans pour faire libérer les Juifs suspectés de bolchevisme, dans la Russie tsariste.
C’est alors qu’il prend conscience des souffrances suscitées par l'antisémitisme.
Il devient également de plus en plus engagé religieusement.
Néanmoins, lorsqu’il décide en 1919 d'émigrer d'Amsterdam à Jérusalem, il écrit au dirigeant sioniste britannique Chaim Weizmann – qui sera le premier président de l‘État d’Israël – ce que tout candidat à l’alya pourrait écrire : " Je ne pars pas de Hollande pour améliorer ma condition. Ni matériellement, ni intellectuellement.
La vie en Palestine sera égale à ma vie ici.
Je suis l'un des meilleurs poètes de ma génération et le seul poète juif important que la Hollande ait jamais eu. Il est difficile de renoncer à tout cela … "
Au départ, Jacob se rapproche des cercles sionistes et particulièrement des sionistes religieux et fonde à Jérusalem en 1919 une nouvelle école où l'on enseigne surtout le droit.
Mais après sa rencontre avec le rabbin Yosef Chaim Sonnenfeld (1849-1933) chef de la communauté haredi (orthodoxe) et fondateur de la communauté anti-sioniste Edah Haredit, il devient le porte-parole des Haredim à Jérusalem et est élu secrétaire politique du conseil de la communauté Harédi, Vaad Ha'ir.
Il est également correspondant d’un journal néerlandais et écrit des poèmes.
Ses critiques de la nature laïque du mouvement sioniste et de ses relations avec la communauté orthodoxe sont de plus en plus virulentes.
En 1922, il rencontre lors de sa visite dans la région Lord Northcliffe, le fondateur du journal à sensation, Daily Mail, à Londres auquel il fait part de ses vues anti-sionistes, points de vue qui sont aussitôt rapportés et publiés au Royaume-Uni au grand dam des sionistes qui craignent que leur cause ne soit desservie auprès de la puissance mandataire.
Mais rien n’arrête De Haan : il devient le correspondant du Daily Express pour lequel il écrit de courts billets, véritables brûlots antisionistes, et rencontre le chef hachémite Hussein bin Ali, le roi du Hedjaz, pour discuter de l'établissement d'un état officiel palestinien en Jordanie à l'intérieur d'une fédération.
Côté pile, son intérêt pour les jeunes garçons de Jérusalem, juifs et arabes, s’accroît.
À Jérusalem, il devient persona non grata chez les sionistes, y compris parmi ses étudiants en droit.
Tôt le matin du 30 juin 1924, alors qu'il sort de la synagogue de l'hôpital Shaare Zedek, sur la route de Jaffa, Jacob de Haan est abattu de trois balles. Il meurt sur le coup.
Malgré la récompense offerte par les autorités britanniques, le coupable ne sera jamais arrêté.
Ce n'est que dans les années 1980 que deux journalistes israéliens, Shlomo Nakdimon et Shaul Mayzlish, recueillent le témoignage de l’homme d'affaires israélien Avraham Tehomi, qui vit alors à Hong Kong et s’accuse du crime.
Il affirme avoir agi sur les ordres de la Haganah, plus précisément de Yitzhak Ben-Zvi, un officier et un activiste politique, qui deviendra le second résident de l' État d'Israël :
" Je n'ai aucun regret, assure-t-il, parce que de Haan voulait détruire toute notre idée du sionisme ".
Source Israel infos