jeudi 15 septembre 2016

Yvette et sa famille, Justes parmi les Nations


Quatre membres de la famille Guilbaud recevront la médaille des Justes parmi les Nations pour avoir sauvé une enfant juive de la barbarie nazie, au Cellier, en Loire-Atlantique. Yvette Dugast, seule survivante, témoigne...




Humble, la famille Guilbaud n’en a jamais dit mot. L’histoire a ressurgi il y a deux ans, quand Yvette Dugast évoque la vie de sa famille au Cellier (Loire-Atlantique) pendant la guerre 39-45, à des membres de l’association Histoire et Patrimoine de la commune, qui planchent sur leur nouvel ouvrage. Une vie intimement liée à celle de Monique Covrigaru, une petite Juive parisienne, accueillie chez eux pendant la guerre.
« Pour nous, c’était normal. Ça a bien réussi et tant mieux car on risquait gros, confie Yvette Dugast, née Guilbaud. Mais mes parents étaient très bons. » Dimanche 25 septembre, comme elle, Théodule et Marie, ses parents, ainsi que Madeleine, sa sœur, seront honorés comme des Justes parmi les Nations par l’institut Yad Vashem de Jérusalem.
De cette histoire vieille de plus de soixante-dix ans, Yvette Dugast, seule survivante, garde des souvenirs intacts : « J’avais 16 ans quand on a accueilli Monique en 1942, au Cellier. C’était une petite fille de 4 ans que l’on connaissait. »


 
Famille Guilbaud


En effet, Monique avait déjà croisé la route de la famille Guilbaud, deux ans plus tôt. « À l’époque, nous étions à Abbaretz. Mon père y travaillait encore comme chef de gare. Les parents de Monique avaient fui Paris avant l’arrivée des Allemands.
Ils venaient nous voir, très souvent. Dès le départ, ma sœur s’est occupée de Monique. Elle était mignonne. Elle avait de grands rubans. Mais comme il ne se passait rien, ils sont remontés à Paris en demandant à mes parents s’ils pouvaient l’accueillir si les choses évoluaient… »

On était les « tatates »

La déportation des Juifs en 1942 va réunir Monique et la famille Guilbaud une nouvelle fois. « Nous avons reçu une lettre express. C’était au moment de la rafle du Vel d’Hiv, se souvient Yvette Dugast. Maman est partie aussitôt la chercher avec Madeleine, ma sœur aînée. Monique n’a pas pleuré sur le trajet. »
Son arrivée dans le foyer coïncide avec le départ en retraite de son père et leur installation au Cellier.
« Quand on est arrivés, personne ne savait qui elle était. » Et pour cause, c’est une famille nombreuse de huit enfants.
« Elle vivait comme la petite fille de la maison sans distinction. On avait un neveu et une nièce du même âge. On était les « tatates » avec ma sœur. Seuls l’institutrice et le curé savaient qui elle était. Elle n’a jamais été inquiétée. Elle allait à l’église comme nous. Et à l’école privée. Les grands chapeaux blancs des institutrices l’ont marquée. C’était les sœurs du Saint-Esprit… »
Des liens forts se sont tissés, plus particulièrement entre Madeleine et Monique. « Elle l’a tout de suite prise sous son aile, lui a appris à broder, à tricoter. »
À plusieurs reprises, la petite Monique ira voir ses parents, réfugiés en zone libre, à Mandailles, dans le Cantal.

« Je l’ai accompagnée avec ma sœur. Mais on n’était pas fières avec les Allemands dans le couloir du train. »
La guerre terminée, ses parents sont revenus la chercher. Ils habiteront « deux ou trois ans » en Israël, avant de s’établir aux États-Unis où Monique Ritter née Covrigaru vit encore. Le temps les a séparées.
« Mais ma sœur a toujours communiqué avec Monique qui est venue nous voir il y a une dizaine d’années, au Cellier. » Dimanche 25 septembre, leurs chemins se croiseront à nouveau. « Cela va être un grand moment, confie Yvette Dugast. Mais la fête, ça me rend un peu malade. Je suis discrète, sans doute un héritage de famille… Mais c’est pour mes parents que je le fais. »

Source Ouest France