dimanche 25 septembre 2016

Le dimanche idéal de Joann Sfar


 
Auteur de BD, écrivain et réalisateur, il vient de publier un roman et fait l’objet d’une expo autour de son dernier album*. À quoi ressemble le week-end d’un travailleur boulimique ?.....



 

Votre rentrée est plutôt chargée : un roman, un album et une expo. Même pas la peine de vous demander si vous avez le temps de vous reposer le dimanche, jour du Seigneur.
Pour moi ce n'est pas le jour du Seigneur, je suis juif  !


Vous êtes croyant ?Non. Mais sans révolte contre la religion. J'ai d'ailleurs une vie juive... quand je suis chez des Juifs. Je connais toutes les prières ! Mon père était devenu religieux à la mort de ma mère, quand j'avais 4 ans. Ce qui m'ennuie, aujourd'hui, c'est la façon dont les traditions religieuses envahissent l'espace public. Quand j'ai commencé à avoir du succès avec Le Chat du Rabbin, j'étais sûr que ça allait m'attirer des ennuis. Or je n'ai jamais réussi à choquer un rabbin ! L'un d'entre eux m'a dit : « Tu arrives trente ans après Philip Roth. » Un autre m'a expliqué : « En critiquant le judaïsme, tu le renforces. » Dommage qu'il n'en aille pas de même avec d'autres monothéismes.
 
La France a un problème avec les religions ?Plutôt que la religion, c'est cette conception d'un dieu paternaliste qui est à l'origine de beaucoup des problèmes de société. Notre rôle, c'est de nourrir l'espace public dans lequel le sacré n'est pas religieux. Ma BD et mon expo sur Dalí tentent justement de provoquer du merveilleux. Dalí est sacré : il a décrété que le centre du monde, c'était lui ! J'aimerais bien remplacer les barbes par ses moustaches.
 
Revenons à votre dimanche, qui n'est pas jour du Seigneur, donc. À quoi ressemble-t-il ?À 8 h 30, je fais du sport. Deux heures avec mon prof, Olivier, qui ressemble à Mr Propre. Ensuite, je me mets au travail : je dessine ou j'écris. Quelle que soit mon activité, j'ai besoin d'avoir quelqu'un autour de moi, ma copine, mes enfants, un de mes chats. Quand j'étais enfant, le dimanche était le jour où mes potes étaient libres, alors que moi, je devais aller au cours d'hébreu. Mon père m'avait inscrit dès mes 6 ans. Je ne vais pas vous faire pleurer, j'ai eu une enfance adorable. Mais pleine de rituels et d'obligations. Suivant les années, j'avais gym, rugby, aviron, kung fu, hébreu... Aujourd'hui, je peux décider de ne pas travailler, c'est un luxe.

Quoi d'autre ?Le dimanche est un jour sans téléphone. Si je n'en avais pas, j'écrirais trois fois plus de livres.

Votre dimanche de rêve ?
Déjà, ce serait un dimanche avec Louise, ma fiancée. Je me lèverais tard, pour moi ça veut dire 9 heures. Je serais à Nice, évidemment. À l'Hôtel suisse. Je sortirais prendre mon petit déjeuner sur le port, à L'Oracio, le bar de mon pote. Je me promènerais, puis j'irais déjeuner au Plongeoir, un restaurant installé sur le rocher où, il y a un siècle, était posé un bateau de pêche.


Et le soir ?
Je picolerais un peu. Je fumerais un havane, un Romeo y Julieta. Et puis je regarderais à la télé « Louie », la série de Louis C-K. C'est le nouveau Woody Allen.
 
Dans ce rêve, il y a des amis ? Ou êtes-vous un solitaire ?Non, je suis très sociable, ce qui n'est pas le cas de tous les dessinateurs. Je me fais des amis n'importe où. Ma définition du bon copain : celui qui ne m'en veut pas même après deux ans sans se voir. « I am what I am », comme dirait Popeye. Ce n'est pas prétentieux ou autosuffisant. C'est juste que je ne changerai pas, je le sais.

* « Comment tu parles de ton père » (Albin Michel). Expo « Joann Sfar-Salvador Dalí, une seconde avant l'éveil », jusqu'au 31 mars 2017 à l'Espace Dalí, 11, rue Poulbot, 75018 Paris. L'album « Fin de la parenthèse » vient de paraître aux éditions Rue de Sèvres.

Source Les Echos