lundi 17 décembre 2012

BDS : une campagne contre la paix



 Il y a longtemps que je ne vous ai plus parlé d'Israël. Un article d'opinion, publié aujourd'hui par La Libre Belgique, m'en fournit l'occasion(1). Intitulé BDS: une campagne contre la paix, ce texte est signé par un collectif constitué principalement de professeurs de l'Université Libre de Bruxelles. Ils s'élèvent contre la reconnaissance, par les autorités académiques de l'ULB, d'un cercle BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions), radicalement anti-israélien et prônant le boycott de tout ce qui vient d'Israël, en ce compris les échanges entre scientifiques et entre universités. Très justement, les signataires de ce billet d'opinion, soulignent que «des reproches légitimes adressés au gouvernement d'un pays donné n'autorisent pas à en discriminer les citoyens». Ils font remarquer, par ailleurs – et les médias l'ont souvent passé sous silence – que la campagne BDS «n'est pas seulement une critique de la politique du gouvernement israélien» mais vise, en fait, à nier la légitimité même de l’État d'Israël(2).
Or, là, nous sommes au cœur de la question. Par glissements successifs, savamment entretenus par une propagande habile – en particulier par la manipulation des images – beaucoup de nos médias ont épousé sans nuances la «cause palestinienne» et se sont laissé dominer par un «antisionisme» qui revient à une négation pure et simple du droit d'Israël à exister. Pourtant, écrivent encore les auteurs de l'article: «Il ne faut pas nécessairement être anti-israélien pour défendre les Palestiniens». C’est exactement ce dont je suis convaincu.

J'oserais même dire que, si un jour – ce que j'espère évidemment – les Palestiniens obtiennent de vivre dans un Etat démocratique débarrassé de leurs factions haineuses et violentes, qu'elles soient théocratiques ou ultra-nationalistes, ils le devront en bonne partie à Israël et à sa ténacité. Y a-t-il beaucoup d’autres pays qui ne plient pas devant les vociférations de ceux qu’il faut bien appeler islamo-fascistes? Des événements encore en cours, et dont l’onde de choc n’est pas près de s’arrêter, nous donnent un exemple éclatant de ce phénomène. Hommes politiques, journalistes et responsables religieux s’élèvent, chez nous, non pas contre des violences effroyables – elles ont déjà fait plus de trente morts – mais contre une vidéo minable, d’origine incertaine, brandie tout à coup comme la suprême insulte de l’Occident envers les valeurs sacrées de l’islam!(3).
 
Je l'ai écrit à plusieurs reprises, je ne suis pas un inconditionnel du gouvernement israélien, tant s'en faut. Mais quel Etat ferait mieux dans la situation, sans équivalent dans le monde, que connaît Israël? Malgré des erreurs et des bavures, aussitôt dénoncées et amplifiées à l'infini par nos médias. Malgré des violences, dont on voit mal comment un pays sans cesse menacé, attaqué, diabolisé, pourrait y échapper totalement. Malgré des problèmes sociaux aigus... Malgré tout cela, l'Etat d'Israël vit, se développe, travaille, étudie, invente, innove, prie, accueille, et espère.
 
 

 
Si vous voulez comprendre un peu mieux les causes et les mécanismes de la délégitimation dont Israël est la victime depuis plusieurs années, lisez le livre de Jacques Tarnéro: Le nom de trop. Israël illégitime?(4) Pourquoi le nom d'Israël dérange-t-il? Pourquoi l’hostilité obsessionnelle dont ce pays est l'objet? Comment de «braves gens» de chez nous sont-ils devenus des vecteurs de haine? Comme l’écrit Pierre-André Taguieff dans sa préface, Jacques Tarnéro se livre à une analyse en profondeur de cette «haine totale d’Israël [qui] fait désormais partie du paysage idéologique mondial». Il vaut la peine de signaler, au passage, que Tarnéro ne se prive pas de critiquer avec beaucoup de sévérité certaines dérives politiques et culturelles qu’il observe en Israël. Il n’hésite pas à dénoncer un «poujadisme intellectuel nourri de bigoterie et d’inculture» qui, selon lui, «fait aussi partie du paysage intellectuel juif aujourd’hui» (p. 242). Mais, ajoute-t-il «autant la classe politique israélienne paraît aujourd’hui dépourvue d’imagination, autant la société israélienne brille de mille inventions créatives, généreuses. Ses infinies capacités d’autodérision témoignent de la vivacité intellectuelle d’une société pourtant soumise aux incertitudes (le mot est faible) du quotidien» (p. 245). Tout cela étant dit, Jacques Tarnéro montre combien la délégitimation d’Israël constitue un fonds de commerce hautement rentable – au moins à court terme – pour un monde arabo-musulman enfermé dans le ressentiment et la fureur. Citant longuement le psychanalyste tunisien Fethi Benslama, auteur d’une Déclaration d’insoumission, à l’usage des musulmans et de ceux qui ne le sont pas, Tarnéro conclut: «Loin d’émanciper les Arabes, l’éternelle dénonciation du Mal sioniste, impérialiste, colonialiste, enferme les Arabes dans une paranoïa collective qui les noie plutôt qu’elle ne les aide. C’est aider la Palestine à être dans la civilisation que de lui dire que, loin de la libérer, le terrorisme la détruit dans le même temps qu’elle détruit son ennemi fantasmatique» (p. 214).

Fethi Benslama

A la fin de sa préface, Pierre-André Taguieff, salue Jacques Tarnéro en disant qu’il faut beaucoup de courage «pour défendre Israël contre ses calomniateurs innombrables et sans scrupules». Je n’estime pas être particulièrement courageux, mais je m’associe pleinement à cette brillante défense.