dimanche 23 décembre 2012

Lieberman risque l’anathème politique dans « l’affaire mineure »




Finalement, dans le dossier Lieberman, la montagne a accouché d’une souris. Après plus d’une décennie d’enquête, le conseiller juridique du gouvernement a décidé de renoncer à inculper le ministre sortant des Affaires Etrangères dans l’affaire principale des sociétés fictives mais a présenté un acte d’accusation dans ce qui semblait être un cas bénin lié à ses fonctions diplomatiques. Reste désormais à savoir si Lieberman sera frappé du Kalon, l’anathème politique qui hypothèquerait sa carrière.

Avigdor Lieberman n’est plus ministre des Affaires Etrangères depuis mardi matin et il devrait sous peu se retrouver devant la Justice israélienne qui débattra de ce que l’on appelle en Israël, « l’affaire mineure », celle dans laquelle il a été accusé par le conseiller juridique du gouvernement Yéhouda Weinstein de fraude et abus de confiance (voir encadrés). Mais d’emblée, une précision s’impose avant d’aller plus loin et de tenter d’évaluer l’issue de ce procès et ses répercussions sur la carrière politique du No 2 du Likoud Israël Béteinou, une précision s’impose : que l’on soit de droite du centre ou de gauche, que l’on soit laïc ou religieux, on ne peut que s’insurger contre la prolongation à outrance -plus de 12 ans !- de la procédure judiciaire autour de l’affaire principale dans laquelle Lieberman était soupçonné et qui s’est donc terminée, sur décision du même conseiller juridique, par la fermeture du dossier. Il est inacceptable que dans un pays de droit tel que l’État d’Israël, tout citoyen et à plus forte raison un élu, occupant des postes à très hautes responsabilités, subisse ainsi une véritable torture judiciaire, et pendant si longtemps. Rien ne peut justifier une telle prolongation d’enquête. Comment expliquer qu’il ait fallu à la police plusieurs années pour recommander à la justice d’inculper Lieberman ? Comment expliquer que cela fait plus d’un an et demi que le conseiller Weinstein annonce la publication « prochaine » de ses conclusions. De deux choses l’une : si les soupçons qui pesaient sur Lieberman étaient solides, alors il aurait fallu l’inculper depuis belle lurette et ne pas lui permettre d’occuper pendant 4 ans le poste-clé de chef de la diplomatie. Et si les soupçons étaient plus flous, et les preuves plus difficiles à obtenir que prévu, alors c’est le conseiller juridique lui-même, ou son prédécesseur Meni Mazouz qui auraient dû trancher et mettre fin à ce que certains commentateurs ont qualifié avec raison de « farce judiciaire ». Une fois de plus, les regards critiques sont dirigés d’abord vers le Parquet israélien qui s’est empressé de soupçonner un homme politique sans avoir suffisamment de preuves pour obtenir sa culpabilité devant les tribunaux, mais aussi vers la presse et les médias israéliens pour qui, dans l’ensemble, Lieberman était à coup sûr coupable avant même d’avoir mis les pied au palais de justice. D’ailleurs, au passage, cette même presse qui avait absout, il y a quelques mois, un Ehoud Olmert acquitté dans deux dossiers mais condamné dans le troisième pour abus de confiance, a prouvé une fois de plus qu’elle manipulait avec dextérité le double langage en mettant cette fois en exergue l’inculpation de Lieberman dans l’affaire mineure et minimisant le non-lieu décidé par le conseiller Weinstein dans l’affaire principale. Pour cette presse orientée, ce même abus de confiance, pardonné à Olmert, serait donc inacceptable de la part de Lieberman.
Après avoir cédé à la pression médiatique et avoir présenté sa démission, Lieberman semblait pencher en début de semaine pour un accord de compromis avec la Justice, accord dans lequel il reconnaîtrait les faits qui lui sont reprochés en échange d’une condamnation minime. Finalement, Lieberman a démenti vouloir obtenir un tel compromis et a exprimé son désir d’être jugé dans les plus brefs délais. Cependant, il n’est pas certain que les tribunaux se mettront au diapason du président d’Israël Béteinou et accepteront de juger son cas avant les élections. Reste l’inconnue du Kalon, cet anathème politique que la justice risque d’imposer à Lieberman et qui pourrait le priver de toute activité publique pendant les sept prochaines années. Au sein du Parquet on semble déterminé à réclamer cette sanction…



L’affaire principaleLa création illégale de sociétés fictives
Avigdor Lieberman était soupçonné d’avoir créé et de posséder des sociétés fictives lorsqu’il était député puis ministre dans les gouvernements israéliens, alors qu’il aurait dû les confier en dépôt à une tierce personne de son choix. Selon les soupçons avancés, Lieberman aurait nommé sa fille Michal directrice de ces sociétés-écrans qui auraient reçu à son intention des sommes colossales de plusieurs millions de dollars provenant d’hommes d’affaires étrangers. Lieberman avait été soupçonné de blanchiment d’argent, de pots-de-vin et d’harcèlement de témoin. Dans son verdict annoncé jeudi dernier, le conseiller juridique du gouvernement Weinstein a expliqué que « les preuves recueillies n’étaient pas suffisantes pour confirmer au delà de tout soupçon le contrôle de ces sociétés par Lieberman. Et que par conséquent il y avait une forte probabilité pour que le ministre bénéficie d’un non-lieu. Toutefois, la fermeture du dossier ne constitue en aucune manière un certificat de bonne conduite d’un point de vue public. Et il n’est pas impossible que Lieberman ait usé de stratagèmes pour dissimuler certaines de ses actions et continuer à en tirer profit ».



L’affaire mineure : La promotion de M. l’ambassadeur
En février 2008, l’ambassadeur d’Israël en Bélarusse Zeev Ben Arié avait reçu sous le sceau du secret un courrier diplomatique se rapportant à l’enquête de la police sur les soupçons de blanchiment d’argent de Lieberman dans l’affaire des sociétés fictives. Six mois plus tard, il avait révélé à Lieberman la teneur de ce courrier. En 2009, Lieberman devenu chef de la diplomatie aurait proposé un poste à Ben Arié dans son cabinet et il aurait appuyé la demande de ce dernier d’être nommé ambassadeur en Lettonie, le tout sans avoir fait état de l’affaire de la lettre à qui de droit. Par la suite, Lieberman a reconnu avoir eu connaissance de ce courrier (qui lui permettait de savoir à quel stade l’enquête se trouvait) mais il avait affirmé l’avoir immédiatement détruit. Dans sa décision d’inculper Lieberman de fraude et d’abus de confiance, le conseiller juridique du gouvernement a stipulé que « Lieberman savait que Ben Arié avait commis une faute grave en lui livrant le contenu du courrier diplomatique secret. Et pourtant cela ne l’a pas empêché de proposer à Ben Arié un poste dans sa proximité aux Affaires Etrangères puis de soutenir sa nomination comme ambassadeur ».


Source Hamodia