dimanche 19 mai 2019

Afrique : Facebook bannit une société israélienne d'influence électorale


Facebook a annoncé ce jeudi 16 mai 2019 qu'elle fermait des centaines de comptes, de pages, des groupes d'une entreprise israélienne d'influence électorale : Archimedes Group. Le Sénégal, le Togo, le Mali, le Nigeria, la RDC, l'Angola, mais aussi la Tunisie ont subi les manipulations de cette entreprise se vantant de pouvoir "changer la réalité".........Explications.......



Les comptes s'appelaient "L'Afrique cachée" au Mali ou "La RDC secret" au Congo Kinshasa. Les messages qui y étaient postés dénonçaient des scandales autour d'une mine d'or ou critiquaient les positions de personnalités politiques en période électorale. 
Les informations avaient toute l'apparence du vrai mais elles étaient fausses. Les comptes n'appartenaient d'ailleurs pas à des Africains. Ils avaient été créés par une société basée à Tel Aviv pour des opérations d'influence sur le modèle russe des "usines à trolls" : faire du bruit sur Facebook, monter les personnes les unes contre les autres, créer des fausses informations en payant des centaines de personnes pour ce faire. 
Et c'est en partie ce qui a été opéré dans plusieurs pays d'Afrique, dont le Sénégal, la Tunisie, la République démocratique du Congo au premier chef.  
"Les personnes derrière ce réseau ont eu recours à de faux comptes (...) pour diffuser leurs contenus et accroître artificiellement leur audience, se faisant notamment passer pour des médias locaux des pays visés et publiant de soi-disant fuites concernant des personnalités politiques", a expliqué Facebook dans un communiqué pour justifier le banissement de l'entreprise israélienne Archimedes de son réseau social.
L'idée centrale de cette influence par Facebook dans le cas d'Archimedes en Afrique est de polariser les débats, pour forcer les gens à se mettre dans un camp afin de mieux leur distiller ensuite les idées et idéologies qui correspondent à une finalité politique définie.

Usine à trolls africains ?

Dans le cas de l'influence africaine par Archimedes, pour Fabrice Epelboin, spécialiste du web social et enseignant au Medialab de Sciences Po, c'est pourtant une autre approche que les usines à Trolls russes, qui était à l'œuvre en Afrique : 
"Les techniques d'usines à Trolls des équipes russes ne sont pas celles utilisées par des entreprise spécialisées dans les "PsyOps" (opérations psychologiques d'influence psychologique, d'origine militaire, ndlr) comme Archimedes qui est une société israélienne. 
En Israël, ces techniques sont très développées. Déjà en Tunisie au moment des Printemps arabes, il y avait de nombreuses actions de ce type par Israël, utilisant FaceBook, avec de la surveillance, de l'infiltration, des manipulations en ligne. 
Les Israéliens n'ont pas les moyens surdimensionnés des Russes de toute manière, et ils sont surdiplômés, donc ils n'ont pas de main d'œuvre corvéable à merci dans des centres d'appels. 
Et puis ce n'est pas leur état d'esprit."

Le règne du faux et du "presque vrai" ajusté à chaque pays

Archimedes opérait avec des faux comptes, des fausses pages, des faux groupes, suivis par 2,8 millions d'utilisateurs, selon Facebook. 
812.000 dollars ont été dépensés depuis 2012 pour des publicités liées aux contenus diffusées sur le réseau social par l'entreprise israélienne. 
Les techniques pour "changer la réalité" (des électeurs potentiels ou des cibles diverses de leurs clients) comme l'entreprise s'en vantait sur son site, ne sont pas toutes connues, mais quelques unes ont été communiquées par la firme de Mark Zuckerberg : création et animation d'influenceurs, de victimes imaginaires, d'évènements, de rumeurs à forte connotation émotionnelle, de pages de faux médias aux allures officielles, de groupes, etc…
Fabrice Epelboin explique qu'Archimedes n'étant pas une grosse entreprise était forçée de tout calculer "au plus juste" pour chaque pays : "Ce sont des  petites équipes très très compétentes, qui définissent leur stratégie en fonction de l'objectif à atteindre, il n'y a donc pas de méthode générale. Ils s'adaptent en fonction de la situation politique, sociale du pays. 
Ils ont certainement utilisé les groupes Facebook qui sont devenus très importants depuis un an, et e Afrique de l'Ouest par exemple, du peu que l'on sait aujourd'hui, ils ont misé sur la dénonciation de la Françafrique.
L'idée centrale de cette influence par Facebook dans le cas d'Archimedes en Afrique est de polariser les débats, pour forcer les gens à se mettre dans un camp afin de mieux leur distiller ensuite les idées et idéologies qui correspondent à une finalité politique définie.
Cela peut être aussi fait pour pousser les gens à l'abstention, pas forcément les faire voter."

Influence : manipuler l'information

"Nous avons identifié ces comptes et pages grâce à des enquêtes internes (...) Nous travaillons constamment pour détecter et stopper ce type d'activité, car nous ne voulons pas que nos services soient utilisés pour manipuler l'opinion" a indiqué un responsable de Facebook. 
Et de préciser : "Nous avons éliminé ces pages et ces comptes sur la base de l'activité de leurs initiateurs, et non pas pour le fond des contenus publiés". 
Cet aspect de l'affaire est très important, puisque des pages officielles de décryptage de fausses informations ont été créées par Archimedes en Tunisie, par exemple. 
Des pages qui semble-t-il ne pouvaient pas être accusées de "mentir" au niveau de leur contenu, au contraire, puisqu'elles participaient à décrypter les rumeurs et les fausses informations.  
Fabrice Epelboin explique l'intérêt de ces techniques : "Il est intéressant pour le client final d'empêcher des fausses rumeurs de se diffuser si celles-ci vont contre son intérêt. 
Donc créer des pages de décryptage qui se veulent officielles, aux allure de médias sérieux a été effectué par Archimedes pour s'assurer de filtrer et de réguler l'information autant que cela était possible. 
Rien ne dit que des faux décryptages n'ont pas été faits, d'ailleurs, pour à l'inverse, faire passer des vraies informations comme des fausses, en laissant croire que l'on décrypte les fausses informations. 
Un faux décryptage du vrai… et du faux en quelque sorte."

L'Afrique : un "terrain de jeu" favorable pour l'influence numérique ?

L'activité d'influence, de propagande et de fabrication de l'opinion exercée en Afrique ces dernières années par une entreprise comme Archimedes n'est peut-être qu'une petite partie de la guerre d'influence numérique qui se joue sur le continent. Facebook a enquêté et detécté les agissements de cette firme, pour combien d'autres encore en activité ? 
Les objectifs  d'Archimedes, étaient-ils seulement de faire gagner des candidats à des élections, grâce à Facebook ?
Fabrice Epelboin estime pour sa part que ce n'est probablement pas le cas : "Il y a des centaines d'entreprises spécialisées dans ces domaines, dont les plus perfomantes sont israéliennes, britanniques et américaines. 
Leurs activités en Afrique ont débuté au moment des Printemps arabes, et elles se sont entraînées jusqu'en 2015 pour devenir depuis très rodées. 
A mon sens elles ne servent pas que des intérêts locaux, et les PsyOps qui ont eu lieu en Afrique francophone ne sont peut-être pas toutes commandées par des acteurs des pays concernés. 
Pour faire simple, on peut se demander si les intérêts israéliens et américains ne jouent pas en faveur d'une destabilisation de cette région pour toucher la France et l'Europe, par exemple. 
L'instrumentalisation par la dénonciation de la Françafrique sur Facebook qu'a effectuée cette entreprise oblige en tout cas à se poser la question…"

Le "lobbying" en question en Afrique

Il est possible que cette affaire soit dans tous les cas un nouveau scandale "à la Cambridge Anlytica", mais à l'africaine, sans les fuites de données personnelles et sans alerte extérieure. 
Facebook a annoncé qu'elle avait fermé — de son propre chef — 265 comptes sur son réseau social (ainsi que sur Instagram), des dizaines de groupes et plus de cent pages, de l'entreprise israélienne Archimedes Group, basée à Tel-Aviv. Les raisons principales de ce banissement par Facebook sont sans ambiguité : la diffusion d'informations trompeuses et la manipulation de l'opinion. 
Au Kenya, Cambridge Analytica était par exemple payée par le président Kenyatta pour gagner l'élection  de 2013 et celle de 2017, ce que TV5Monde expliquait alors que cette dernière était terminée mais contestée : 
Les méthodes employées par ces entreprises sont mieux connues depuis l'enquête — toujours en cours — sur l'influence des électeurs américains  — que Cambridge Analytica a exercé durant la campagne de Donald Trump. 
C'est ce laisser-faire de Facebook en 2016 qui lui est reproché depuis lors et c'est probablement pour cette raison que l'entreprise de Mark Zuckerberg fait aujourd'hui la chasse aux comptes spécialisés dans l'influence et la manipulation de l'information, comme ceux de Archimedes Group. 

Source TV5 Monde

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