Ruth Westheimer, alias « Dr. Ruth », est une personnalité très connue et très aimée. À la radio puis à la télévision, elle contribua grandement à décoincer les mentalités eu égard à la sexualité. Son parcours épate d’autant plus que Ruth Westheimer, fille unique, perdit toute sa famille dans les camps nazis après que sa mère fut parvenue à l’envoyer en Suisse......Détails........
En tant que réfugiée, elle ne put aller à l’école. Enrôlée comme tireuse d’élite à Jérusalem à 17 ans, elle fut grièvement blessée par un obus. Censée ne jamais remarcher, elle s’entêta — un trait de personnalité bien mis en évidence dans le film — et se remit. À Paris, elle étudia à la Sorbonne, enseigna, puis émigra à New York, en 1956. Plus tard, elle obtint son doctorat, enseignant de nouveau, notamment à Princeton… Respect.
Du haut de ses quatre pieds sept pouces, et âgée à présent de 90 ans, elle en impose, Ruth Westheimer. Non qu’elle en abuse ou en joue.
On sent la sincérité, l’envie irrépressible d’aider.
Difficile de ne pas pouffer devant certains extraits de ses émissions, par exemple lorsque ce téléspectateur appelle sa ligne ouverte en s’enquérant de ce qu’elle pense des vibrateurs.
« Votre épouse en utilise-t-elle un ? » lui demande-t-elle. Lorsqu’il répond par la négative, elle poursuit : « Voudrait-elle en utiliser un ? » Il n’est pas sûr. « Aimeriez-vous la voir en utiliser un ? »
Il répond cette fois par l’affirmative. « Alors sortez et allez lui en acheter un ! » conclut-elle en souriant.
Auteure d’une quarantaine d’ouvrages, conférencière, professeure — elle enseigne toujours à la Columbia University —, Ruth Westheimer se donna très tôt pour mandat de lutter contre l’obscurantisme sexuel. Car ils étaient légion (et le restent, hélas) à réprouver l’utilisation de mots tels « vagin », « clitoris » et « masturbation » dans l’espace public.
Il faut voir ce type monter sur scène, décidé à procéder à une arrestation citoyenne, vers la fin des années 1970. Non que Ruth Westheimer en soit ébranlée.
Depuis ses débuts, nombre de collègues masculins, et on peut en entendre plusieurs, ont décrié ses méthodes : une approche pourtant éducative et empreinte d’humour, question de mettre les gens à l’aise.
À un animateur, quelque part au milieu des années 1980, qui insiste pour dire que le sida frappe essentiellement les gais, elle rétorque : « Je ne perdrai pas une seule minute à critiquer un groupe de gens ou un autre. Je dis : faisons de l’éducation et trouvons une cure. »
Venant d’elle, une personnalité représentant pour madame et monsieur Tout-le-Monde le fin mot en matière de sexualité, une telle déclaration avait du poids. « Ce que deux adultes consentants font dans leur chambre à coucher, leur salon, ou sur le plancher de leur cuisine ne regarde qu’eux », lance-t-elle encore à une salle bondée.
Ses positions en faveur de l’avortement sont tout aussi claires.
C’est lumineux sur le plan humain, éclairant sur le plan sociologique, mais pas sans défauts sur le plan cinématographique.
Tourné en bonne partie dans l’appartement new-yorkais que Ruth Westheimer occupe depuis cinq décennies, le documentaire est riche en archives audiovisuelles et en anecdotes, mais au-delà des faits biographiques qu’il collige (et reconstitue en un très maladroit segment animé), le film peine à amener son sujet pourtant loquace à se livrer.
À réellement se livrer. Sauf peut-être en de rares et trop courts moments.
Ironiquement, la confidence la plus éclairante n’émane pas du tournage, mais d’une entrevue avec Diane Sawyer, où Ruth Westheimer remarque en passant : « Si seulement ma mère et ma grand-mère avaient pu parler comme ça. » Dr. Ruth l’aura fait pour elles, et pour quantité, quantité d’autres.
Étant donné les reculs historiques en train de s’opérer quant aux droits des femmes aux États-Unis, faut-il rappeler combien la parole et la démarche de Ruth Westheimer demeurent importantes ?
Source Le Devoir
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