A moins de quarante-huit heures de la date butoir pour la formation du gouvernement, le théâtre politique a tourné au western en Israël. La Knesset est désormais un saloon fantasmagorique. Tels deux vétérans bardés de cicatrices, deux hommes - le Premier ministre, Benyamin Nétanyahu, et son ex-ministre de la Défense Avigdor Lieberman, alliés naturels sur le papier mais à la rivalité intime tenace - se font face à la table de poker........Analyse........
En refusant de rejoindre la coalition tant que ses exigences ne sont pas satisfaites (c’est-à-dire le vote de «sa» loi obligeant les ultraorthodoxes à servir dans l’armée), le nationaliste laïc Lieberman menace l’échafaudage de la future coalition de Nétanyahou, vainqueur des législatives anticipées du 9 avril.
Lequel doit composer avec les partis religieux, troisième force politique du pays, pour qui la conscription des étudiants des yeshivas (écoles talmudiques) est une ligne rouge.
Mais sans Lieberman et les cinq sièges de son parti Israel Beitenu, pas de majorité. Et donc pas de gouvernement.
Depuis une semaine, les deux hommes, au cœur du jeu politique depuis un quart de siècle, se toisent en attendant que l’autre craque. Autour d’eux, les pistoleros ont la main sur leur flingue.
A commencer par les droitiers centristes «Bleu et Blanc» du général Benny Gantz, qui voient ici l’occasion de faire sauter Nétanyahou.
Bluff
Si les tractations préalables à toute coalition se déroulent toujours en Israël dans une forme d’hystérie, le bluff actuel de Lieberman est inédit.
S’il ne flanche pas d’ici mercredi soir, deux scénarios se dessinent : la dissolution de la Knesset et la tenue de nouvelles élections anticipées ; ou bien la désignation par le Président, Reuven Rivlin, d’un nouveau député chargé de former une coalition.
C’est ainsi que Nétanyahou avait pris le pouvoir en 2009, après l’échec des négociations de Tzipi Livni.
Reuven Rivlin, issu du même parti que Nétanyahou (le Likoud) mais opposant notoire à sa brutalité, ses alliances sulfureuses et sa rhétorique anti-arabe, penche pour un gouvernement «d’union nationale». Soit une alliance du Likoud et des centristes.
Avec Nétanyahou sur la touche. Exactement ce qu’a proposé ce mardi à la Knesset Benny Gantz.
Pour enrayer l’engrenage, Nétanyahou n’a qu’une option, plutôt kamikaze : la dissolution de la Knesset. Et encore, la décision revient au Parlement. Dimanche, le député Likoud Miki Zohar a déposé un projet de loi de dissolution. Quatre votes successifs sont nécessaires pour enclencher le processus d’un nouveau scrutin.
Lundi, le Parlement a validé les deux premières lectures. Reste donc deux balles dans le barillet de Nétanyahou. Lundi, celui-ci a délaissé les causeries en coulisse pour les grandes manœuvres.
D’abord, en appelant à l’aide Donald Trump, qui s’est fendu d’un tweet qu’on pourrait imaginer dicté de Jérusalem, où il «espère que les choses vont s’arranger pour la formation de la coalition et Bibi». Ensuite en tenant une allocution télévisée de dernière minute en prime-time, lundi, appelant Lieberman à la responsabilité :
«Il n’y a aucune raison de traîner le pays à travers de nouvelles élections qui coûteraient des milliards de shekels et nous paralyseraient pendant des mois… Nous ne sommes pas l’Italie !» a argumenté Nétanyahou, qui a pourtant lui-même mis en route le processus de dissolution.
Pour lui, le débat autour de la conscription des haredim («craignant-Dieu») est «cosmétique, sémantique». Pour Lieberman et sa base, principalement les immigrants de l’ex-Union soviétique, il est «idéologique».
Couleuvres
A quoi joue Lieberman, l’enfant de Moldavie, ex-videur de boîte de nuit, qui ne s’est jamais débarrassé de son accent russe ?
Cherche-t-il à «torturer» Nétanyahou pour les couleuvres avalées lors de son passage au gouvernement ou tente-t-il vraiment de mettre fin au règne de «Bibi», qui est cerné par les affaires et veut imposer deux lois lui garantissant l’immunité ?
La réponse devrait être connue bientôt.
Source Liberation
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