Le premier samedi de la cuvée 2019 est lancé ! La soirée débute à 20h avec le Jacques Schwarz-Bart quartet dans le beau théâtre de Coutances. Il propose une élégie à la mémoire de son père André Schwarz-Bart, auteur qui avait reçu le prix Goncourt en 1959 pour « Le dernier des justes ». Avec Simone Schwarz-Bart, ils formèrent un couple mythique de chantres du métissage et de la rencontre des cultures.......Détails.......
Jacques Schwarz-Bart improvise et compose autour de prières chantées de la tradition juive d’Europe, du Moyen Orient et d’Afrique. Une idée novatrice qui remet cette tradition liturgique dans son contexte universel.
Le projet est magnifique mais la soirée sera finalement plus incantatoire que jubilatoire.
C’est la première fois que le saxophoniste se produit à Coutances, et il le pose d’emblée : « c’est le seul festival mondial où je n’ai pas joué ». Dont acte. Donc il veut bien faire, et il fait bien.
Son hommage est parfait, peut être trop démonstratif.
Après un premier morceau assumé par le saxophoniste comme étant « en force et rapidité », il continue avec une prière de guérison puis une ode à la fraternité des hommes, réminiscence des chants juifs de son enfance, qu’il réussit à associer à sa part de créolité.
Jacques Schwarz-Bart sait s’entourer, et Arnaud Dolmen enchante par une batterie puissante et posée.
Un duo batterie-sax sur une prière marocaine commence à nous emporter avant que la pédale d’effet sur le saxophone ne vienne nous remettre sur terre. Dommage.
Les solos de Stéphane Kerecki à la contrebasse viennent quand même nous étourdir.
Mais c’est finalement Grégory Privat qui donne la tonalité de célébration mystique et fraternelle à la soirée.
Chacune de ses notes semble être un hommage et on trépigne sur notre fauteuil en même temps que lui pendant ses solos virtuoses et profonds.
Jacques Schwarz-Bart voulait une célébration plus qu’un mémorial et en ce sens il a réussit.
On ressort du concert la conscience éveillée, avec l’envie de ne pas oublier ces traditions multiples, vivantes et créatives.
Vous pouvez retrouver cet hommage sur le disque « Hazzan » (qui désigne en hébreu le chantre de synagogue) (sorti en 2018 chez Enja Yellowbird).
A 22h, c’est au tour d’Angélique Kidjo de célébrer, dans la grande salle Marcel Hélie, débordante de spectateurs.
Angélique Kidjo n’est pas dans l’hommage, elle est dans l’engagement.
Elle vient dans une formation très épurée à Coutances, avec un étonnant et redoutablement efficace duo acoustique, Dominic James à la guitare et Marcos Lopez aux percussions.
Une prise de risque magnifique qui fait oublier dans la seconde que l’on a affaire à l’une des grandes stars planétaires de la chanson.
Angélique Kidjo parle d’engagement, le chante et l’incarne.
On tremble beaucoup pendant le concert. On tremble d’émotion devant une reprise des « petits riens » de Gainsbourg, où elle chante seule avec son guitariste Dominic James.
On tremble aussi à ses prises de paroles entre les chansons, où la star nous raconte son parcours étonnant, fait de fuite face à la dictature béninoise, et de rencontres dans le Paris des années 1980 et ensuite dans le monde entier.
On tremble encore devant son chant hommage aux femmes de sa vie, sa mère et sa grand mère.
Et son prêche enflammé sur l’importance de l’éducation. Toujours dans la joie, même sur les sujets les plus graves.
Cette joie et cette force sont parfaitement illustrées par sa reprise de « Ne me quitte pas » qui commence en guitare-voix et qu’elle ose terminer en fête. Tout cela pour nous rappeler sa rencontre avec Nina Simone.
Erik Truffaz vient l’accompagner sur quelques morceaux. Il est étonnement discret, humble et évidemment poétique et émouvant.
Le public, qui avait l’air pourtant sage termine debout, dansant et chantant sur les reprises de Celia Cruz et Miriam Makeba.
On repart vibrant, en se disant qu’Angélique Kidjo est une grande dame et qu’il faut s’engager. Ca tombe bien, on vote demain.
Son disque Celia, vient de paraître chez Universal.
Enfin à minuit, c’est le Magic Mirrors qui s’anime avec les américains de Kneebody.
Autant dire que la soirée était attendue, et l’on comprend pourquoi. Une salle qui n’est pas pleine, mais un public jeune de fans qui osent même demander au groupe en plein concert un titre qu’ils n’avaient pas joué depuis dix ans ! Kneebody nous met une bonne droite, tout en poésie pourtant.
On est chahuté entre des compositions hyper travaillées et des improvisations délirantes.
Kneebody nous emmène partout, et on voyage du Voodoo de d’Angelo en croisant l’esprit du Miles Davis de « Bitches Brew » et « Agharta » et les aventures pop de Brad Mehldau.
Shane Endsley à la trompette est fulgurant. Le new yorkais Ben Wendel, égal à lui même, fait mouche à chaque note sur cette musique expérimentale. Vers la fin du concert, il se lance seul au saxophone pendant plus de dix minutes. La salle est en transe.
Pour le coup, le saxophone et l’innovation technologique s’allient à merveille.
Adam Benjamin au clavier met le feu tout en nuance.
Mais c’est évidemment, Nate Wood la révélation de cette soirée, qui assume son statut d’homme-orchestre, avec une basse électrique hypnotique dans la main gauche et le reste de son corps consacré à une batterie au groove imparable.
Kneebody, révélation de poésie et d’invention représente ce jazz de 2019. Pourquoi donc le Maggic Mirrors n’était-il pas plein, contrairement au théâtre et à la salle Marcel Helié ce soir ?
Peut-être parce que Kneebody est le jazz de demain…
Le festival se poursuit jusqu’au premier juin, tout le programme est ici
Par Annabelle Ambler
Source Toute la culture
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