mardi 28 mai 2019

Auschwitz : passé l’ère des témoins.....


Alors même que les témoins disparaissent et que le corpus historique le concernant s’est considérablement enrichi, le camp d’Auschwitz-Birkenau est devenu le symbole de la destruction des Juifs d’Europe. Mais pas seulement. Deux bandes dessinées récentes viennent le rappeler......Détails........



"Maximilien Kolbe – Un Saint à Auschwitz" par Jean-François Vivier & Denoël - Ed. Artège
La mémoire d’Auschwitz ne s’est pas constituée facilement. Et même plutôt tardivement, de façon longtemps parcellaire, laissant la voie ouverte aux négationnistes. 
Heureusement, des témoignages précis et vivants de grands rescapés (Primo Levi, Elie Wiesel, Charlotte Delbo…) de même que de grands travaux d’historiens (Annette Wieviorka,…) ou encore le formidable film de Jacques Lanzmann, Shoah (1985) ont documenté ce qui était longtemps resté une béance. 
La bande dessinée a suivi, comme l’a montré la grande exposition Shoah et Bande Dessinée (encore visible à Malines en Belgique jusque fin juin).
Que feront les générations suivantes qui reçoivent, selon le titre d’un lumineux petit précis de Georges Bensoussan, « Auschwitz en héritage » ? 
Cette mémoire repose désormais sur les travaux de pédagogues, de cinéastes, de documentalistes, d’écrivains, d’artistes qui sauront transmettre avec plus ou moins de sensibilité, plus ou moins de scrupule documentaire, mais un nécessaire talent, toute la subtilité de cette tragédie terrible pour le peuple juif, mais aussi pour l’Europe et l’humanité entière.
Deux ouvrages de bande dessinée mobilisent la mémoire d’Auschwitz ces temps-ci : Maximilien Kolbe – Un Saint à Auschwitz par Jean-François Vivier et Denoël (Ed. Artège) et Le Rapport W – Infiltré à Auschwitz de Gaétan Nocq (Ed. Daniel Maghen).
On passera rapidement sur la biographie de Saint Maximilien Kolbe qui est ce qu’elle est : une hagiographie de ce père polonais très catholique qui, après avoir construit des groupes de presse en Pologne et au Japon, était revenu dans son pays au pire moment de son histoire -quand il se trouve dépecé au moment du pacte germano-soviétique- pour finir ses jours à Auschwitz en février 1941 en se sacrifiant pour l’un de ses compagnons d’infortune.
On se fiche des petites invraisemblances historiques et des oublis pudiques : c’est une histoire sainte, l’homme ayant été canonisé par son compatriote Jean-Paul II en octobre 1982. 
Cela ne vaut pas le Don Bosco de Jijé mais c’est à mettre dans la corbeille des cadeaux que l’on peut offrir aux communions.
Il en va de tout autre chose avec Le Rapport W de Gaétan Nocq. D’abord, il est solidement documenté. 
Ceux qui pensent y trouver une énième relation du génocide des Juifs seront un peu déçus : il en est très peu question dans cet ouvrage, le personnage central, Witold Pilecki, étant polonais et se trouvant enfermé -volontairement- sous le faux nom de de Tomasz Serafinski, dans le but d’organiser la résistance à l’intérieur du camp.
Il n’y parviendra guère mais il arrive à en faire sortir des rapports éclairants sur ce qui se passe à Auschwitz-Birkenau en septembre 1940 – c’est-à-dire avant l’application de la « solution finale ». 
Il y reste jusqu’en 1943, au moment où, pas loin d’être démasqué par les SS, il s’évade du camp. Il survit à la guerre, participe à la libération de son pays, mais ce patriote finit par être assassiné par les communistes qui reprennent le pays en mains.
Ce qui fait le prix de cet ouvrage, c’est la qualité du ressenti de Gaétan Nocq adaptant dans un roman graphique le texte de ce rapport publié en France par les éditions Champ-Vallon en 2014. Car si le récit n’est pas sans évoquer Une Journée d’Ivan Denissovitch d’Alexandre Soljenitsyne, il se distingue par une précision qui n’a rien de romanesque.
Il faut être allé à Auschwitz, comme l’a visiblement fait le dessinateur, pour considérer ces baraquements qui défilent jusqu’au bout de l’horizon sur la plaine plate, froide et venteuse de Silésie. Ces sentiments-là ne s’inventent pas, ils se ressentent.
Page après page, le dessin légèrement flouté de Gaétan Nocq, grâce à une gamme chromatique simple et subtile qui rappelle celles d’Emmanuel Guibert mais aussi de Gipi, instille une petite musique qui n’arrive même pas à être morbide. 
Il est fait de regards et de complicités fugaces, toujours aux aguets, car chaque interlocuteur peut se révéler une balance, avec la volonté de se créer un espace dans un quotidien fait de violence, où l’individu est banalisé à l’extrême, considéré comme un animal sinon un objet. 
Ce qui marque dans ce livre, c’est que Nocq ne fait pas l’impasse sur le paysage, sur la rigueur de l’hiver comme sur le réconfort du printemps. Graphiquement, c’est une splendeur.
Il reste que l’espoir est au bout du chemin et s’incarne tout entier dans un sentiment salvateur : l’esprit de résistance. Voilà la leçon qu’il y à tirer d’Auschwitz : la barbarie est mortelle et elle peut être vaincue si on la combat, tous les jours, dès aujourd’hui, avec détermination.

 





"Le Rapport W – Infiltré à Auschwitz" de Gaétan Nocq (Ed. Daniel Maghen)

Par Didier Pasamonik

Source ActuaBD

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