mardi 6 septembre 2016

Cinq années depuis la "révolte des tentes" : bilan mitigé en Israël


Le 6 septembre 2011 s’achevait la révolte des tentes: les Israéliens protestaient contre la cherté de la vie. 5 ans après, qu’est-ce qui a changé ?...




L’aventure des Indignés de Tel Aviv a duré moins de deux mois : lancée le 14 juillet 2011, la “révolte des tentes” s’est achevée dans la nuit du 6 au 7 septembre de la même année.
Les manifestants israéliens formulaient une principale revendication : un logement à prix plus abordable. Au fil des semaines, la protestation des milliers d’Israéliens qui sont descendus dans les rues s’est élargie à la cherté de la vie et à la solidarité sociale en général.
Face à un des mouvements sociaux les plus larges qu’ait connu Israël, le Premier ministre Netanyahou nomme une commission d’experts présidée par le professeur d’Économie, Manuel Trajtenberg.
Publié début septembre 2011, le « rapport Trajtenberg » a classé ses recommandations en trois principaux chapitres : une aide immédiate aux parents de jeunes enfants ; la modification de la politique fiscale et de l’impôt sur le revenu en particulier ; la baisse des prix de l’immobilier et la construction de logements destinées à la location bon marché.
Cinq ans après, où en sont les recommandations de la commission Trajtenberg ? Sur les 63 recommandations du rapport, 27 ont été appliquées pleinement, 25 ont été partiellement mises en œuvre et 11 d’entre elles n’ont jamais été appliquées.
Il reste beaucoup à faire pour abaisser les prix de l’immobilier en Israël, ce qui fut la principale revendication des manifestants. En revanche, quelques succès ont été obtenus au chapitre de l’éducation et de la fiscalité.

QUELQUES SUCCÈS : ÉDUCATION ET FISCALITÉ

Interrogé récemment par la presse israélienne, Trajtenberg estimait que « la situation économique des parents de jeunes enfants s’est améliorée de façon significative ».
Dès la rentrée scolaire de 2012/2013, l’école publique est devenue gratuite à partir de 3 ans (au lieu de 5 ans) ; les parents ont donc économisé des milliers de shekels par an qu’ils payaient jusqu’alors pour inscrire leurs enfants dans une garderie ou maternelle.
De plus, des crédits d’impôt ont été accordés aux familles dont les deux parents travaillent ; ce qui a amélioré le pouvoir d’achat des classes moyennes.
Autre succès : la baisse des impôts a été freinée. En effet, la révolte a réussi à stopper la réforme fiscale qui prévoyait de réduire l’impôt sur les revenus et sur les sociétés : jusqu’en 2016, le taux de l’impôt sur les hauts revenus aurait dû être ramené à 38% et l’impôt sur les sociétés à 18%.
Certes, l’impôt sur les sociétés a moins baissé que prévu (il a été fixé à 25% en 2016), et la tranche supérieure de l’impôt sur les revenus a été fixée à 48%. Autant de mesures qui ont freiné l’élargissement des inégalités sociales et qui ont procuré à l’État des ressources supplémentaires.

DES SOLUTIONS PARTIELLES : LOGEMENT ET ALIMENTATION

En revanche, la principale revendication des Indignés israéliens n’a pas été satisfaite : le coût du logement a poursuivi sa hausse. Au cours des 5 dernières années, le prix de vente d’un appartement moyen a encore augmenté de 50% et les loyers ont bondi de 30%.
La construction massive recommandée par le rapport Trajtenberg n’a pas tenu ses promesses ; début 2016, il manquait encore environ 50.000 logements pour résoudre la pénurie et inverser la courbe des prix. Beaucoup de jeunes Israéliens ne peuvent accéder à la propriété d’un logement, et doivent se rabattre sur une location qui reste chère.
Au chapitre de l’alimentation aussi, les prix en Israël ont continué à caracoler loin devant les prix pratiqués dans la majorité des pays occidentaux. Ce n’est qu’en juillet dernier que le gouvernement israélien a adopté une réforme (la réforme dite des Cornflakes) qui favorisera l’importation de toute une gamme de produits alimentaires ; les droits de douane sont abaissés et les quotas d’importation sont relevés.
Cette réforme devrait inciter les monopoles locaux de l’agroalimentaire (comme Osem ou Strauss) à baisser leurs prix pour les aligner sur ceux de la concurrence internationale, mais les résultats ne sont attendus qu’en 2017.

L’ÉCHEC PRINCIPAL : LE COÛT DE LA VIE

Le principal échec du gouvernement israélien se trouve dans la lutte contre la cherté de la vie. À l’exception de quelques succès ponctuels, le coût de la vie en Israël reste élevé.
Car la cherté de la vie ne se règle pas à coup de millions de shekels ; si l’argent public a permis d’alléger certains postes de dépenses des familles israéliennes (comme l’éducation), il ne suffit pas pour résoudre les problèmes structurels de l’économie d’Israël.
La lutte contre la cherté de la vie en Israël exige une plus grande régulation de l’État, le démantèlement des monopoles et des cartels, une réduction de la bureaucratie publique, etc. Autant de mesures qui sont longues et plus compliquées à mettre en œuvre.
Résultat : la majorité des recommandations Trajtenberg destinées à réduire le coût de la vie des Israéliens n’a pas été appliquée. Dans de nombreux secteurs (comme les ports, le ciment, l’agroalimentaire, l’énergie, etc.), la concurrence ne s’est pas améliorée et les prix n’ont pas baissé.
Si la « révolte des tentes » aura eu des résultats mitigés, elle semble avoir atteint au moins un objectif majeur : elle a modifié le comportement d’achat du consommateur israélien.
Désormais, celui-ci connaît sa force, sait exiger le respect de ses droits et n’hésite pas à boycotter un article dont le prix lui paraît exagéré. Ce n’est pas le moindre des succès.

Jacques Bendelac (Jérusalem)

Source Israel Valley