Dans la paracha de Chémini, on apprend la mort tragique des deux fils aînés d’Aharon, Nadav et Avihou. Au point culminant de l’inauguration du Michkan (Tabernacle), les deux hommes sont entrés dans le Saint des Saints et approchèrent leur encens personnel sans en avoir reçu l’ordre. Un feu jaillit et les consuma.....
‘Hazal proposent plusieurs explications sur la nature exacte de leur erreur[1]. Le ‘Hatam Sofer rapporte un midrach qui en fournit trois. Tout d’abord, ils prirent une décision sans prendre conseil auprès de leur maître, Moché Rabbénou. De plus, ils entrèrent ivres dans le Michkan. Enfin, ils n’étaient pas mariés et n’avaient pas d’enfants. Ces trois raisons semblent n’avoir aucun rapport l’une avec l’autre, mais le ‘Hatam Sofer explique qu’elles proviennent toutes de la même source.
Il écrit que la faute principale parmi les trois précitées était leur choix de rester célibataires et donc, de ne pas avoir d’enfants.
De nombreuses mitsvot nous imposent d’honorer certaines personnes et lehavdil (sans comparaison possible), Hachem. On compte, parmi elles, l’obligation de craindre et d’honorer ses parents et ses maîtres, ainsi que les diverses lois sur l’attitude à adopter dans le Michkan. Le fait de devenir parent permet de réaliser l’importance du respect qui nous est dû. On ressent alors aux premières loges le caractère désagréable de ne pas être respecté comme il se doit par nos enfants.
Ceci nous aide à intérioriser à quel point il est essentiel d’honorer nos propres parents, nos enseignants et surtout Hachem.
Nadav et Avihou choisirent de ne pas se marier et restèrent donc sans enfants. Ceci les empêcha d’apprécier réellement la nécessité d’honorer les autres. Par conséquent, ils échouèrent dans d’autres domaines liés au respect[2]. Ils faillirent à prendre conseil auprès de leur maître Moché, ce qui indique un manque de déférence à son égard.
En outre, ils entrèrent dans le Michkan ivres, preuve d’un manque de respect pour la Présence Divine qui y résidait.
On peut ajouter que d’autres fautes énumérées par nos Sages provenaient également d’une faille dans le kavod. Dans la paracha de Michpatim, on nous raconte que Moché, Nadav et Avihou, ainsi que les soixante-dix Anciens virent une prophétie sublime. La Thora écrit que Nadav, Avihou et les Anciens « regardèrent Hachem, puis ils mangèrent et burent »[3].
Le Midrach Tan’houma, rapporté par Rachi, affirme que le fait d’avoir mangé et bu après avoir eu une vision Divine fut une grave faute. Ils méritaient alors de mourir, mais D. ne les punit pas tout de suite pour ne pas gâcher la joie du don de la Thora. Leur sanction fut reportée.[4]
Ici aussi, on voit clairement que l’erreur provenait d’un manque de respect à l’égard de la présence Divine.
La raison la plus explicite de leur mort est celle à laquelle les mots de la Thora font référence, à savoir le fait d’avoir apporté un encens alors qu’ils n’en avaient pas reçu l’ordre. Les commentateurs expliquent que par grand amour pour Hachem, ils furent inspirés d’entrer dans le Michkan.
En dépit de leurs nobles intentions, un service divin exécuté sans y avoir été soumis, constitue également un manque de crainte et de révérence pour Hachem.[5]
D’après le commentaire du ‘Hatam Sofer, le refus de Nadav et Avihou d’avoir des enfants entraîna plusieurs fautes dont ‘Hazal les culpabilisent. Il nous apprend aussi que l’origine de leurs fautes était un manque de respect.
Cette explication éclaircit un principe important de la Thora concernant les relations interpersonnelles.
Dans le monde laïc, il est courant d’envisager une relation en se demandant : «Que vais-je gagner ? En quoi cela va-t-il m’être utile ?», qu’il s’agisse du mariage, de l’éducation des enfants ou d’une amitié. Ainsi, le but de la relation est essentiellement égoïste, ce qui explique peut-être pourquoi le mariage et la relation parent-enfant se sont tellement dégradés, ces dernières générations. Avec de tels objectifs, les désirs et les espoirs de la personne vont inévitablement se heurter à ceux de son conjoint ou de son enfant, qui est également égocentrique.
De plus, si un individu perçoit le mariage ou le parentage comme quelque chose qui risque de le priver de plaisir, alors il va les éviter, pour poursuivre sa quête vaine de bonheur et de confort.
Le ‘Hatam Sofer nous enseigne que le fait d’avoir des enfants permet principalement à l’homme de s’élever, et qu’il ne pourrait atteindre le même objectif autrement. Idem pour le mariage et les autres relations.
La Thora nous exhorte à entretenir des relations désintéressées, à être altruiste – c’est-à-dire à se concentrer sur l’aide que l’on peut apporter et sur les façons de grandir de ces relations pour devenir une personne meilleure.
Dans tous les domaines, elles sont là pour nous aider à nous rapprocher d’Hachem, il est donc essentiel de s’efforcer à les développer, même si elles peuvent réduire ou limiter notre confort, parce que c’est ce qui va nous permettre de nous parfaire.
[1] Voir Baal Hatourim, 10:2 qui énumère six fautes qu’ils commirent.
[2] ‘Hatam Sofer, rapporté dans Tallelé Oroth, Vayikra 1, p. 169-170.
[3] Chemot, 24:11.
[4] Rachi, Chemot, 11. Les Anciens furent également punis ultérieurement pour leur manque de respect.
[5] Notons que Nadav et Avihou étaient extrêmement vertueux et, comme nous l’avons souligné à maintes reprises, la Thora grossit l’erreur des personnages importants pour nous aider à nous y apparenter, à notre niveau. De plus, plusieurs commentateurs affirment que leur mort fut le résultat de leur haut niveau spirituel et qu’elle provoqua un grand Kidouch Hachem, sanctification du Nom d’Hachem (voir Rachi, Vayikra, 10:3).
Rav Yehonathan GEFEN
Source Torah Box