vendredi 3 juin 2016

Paracha Bamidbar : La lumière du monde





Sous le joug égyptien, les Juifs ont connu une extraordinaire croissance démographique. L'occasion de découvrir notre raison d'être sur terre ? Le livre de Bamidbar commence par l'ordre divin de dénombrer la communauté d'Israël. Il s'agit de compter tous les hommes à partir de vingt ans.Une tribu cependant n'est pas incluse: celle de Lévy....






 Cette tribu ne figure pas dans le recensement du peuple elle ne fait pas partie des douze tribus et jouit d'un statut particulier. « Et l'Eternel parla en disant à Moïse: ?Cependant la tribu de Lévy, on ne la recensera pas, et de ses têtes, tu ne feras pas le relevé parmi les enfants d'Israël.' » (Nombres 1 48-49).
Plus tard, un second ordre divin viendra préciser que la tribu de Lévy sera l'objet d'un recensement différent et particulier: L'Eternel parla à Moïse, dans le désert du Sinaï, en disant: 'Fais le dénombrement des enfants de Lévy, selon leur maison paternelle, par familles, tous les mâles depuis l'âge d'un mois et au delà, tu les dénombreras» (Nombres 3 14-15).
On le voit, pour l'ensemble du peuple juif, le dénombrement se fait à partir de vingt ans, alors qu'en ce qui concerne dans le cas de la tribu de Lévy, c'est à partir d'un mois. Pourquoi cette différence ?


Trente jours ou vingt ans ?


Mais quel est le sens de ces trente jours? Et pourquoi ne pas les compter tout simplement depuis leur naissance? Rachi nous précise: Il faut avoir la certitude que l'enfant est viable. Et cela ne peut être vérifié que si le bébé a passé le cap des trente jours.
C'est d'ailleurs également la raison pour laquelle le rachat des premiers-nés ( Pidion haben ), n'a lieu qu'à l'âge d'un mois.Il nous reste à expliquer la raison de ce recensement particulier.Rachi nous éclaire: «La légion royale mérite d'être recensée séparément. En effet, la tribu de Lévy va être choisie pour être préposée au service de D.ieu, remplaçant ainsi les premiers né, qui tenaient jusqu'alors ce rôle.»
Il est précisé par ailleurs que c'est l'attitude de la tribu de Lévy au moment de la faute du veau d'or qui leur a fait mériter cette distinctionpour toujours : ce fut la seule tribu dont aucun des membres n'a participé à cette faute et c'est elle que Moïse appela pour punir ceux qui s'étaient adonnés à l'idolâtrie.
Un question subsiste cependant: pourquoi l'âge pour le recensement diffère-t-il également?
Le Chem Michmouel cite à ce sujet l'interprétation de son père, le Avné Nézer: «Au moment de la révélation au mont Sinaï, la communauté d'Israël a atteint un niveau spirituel si élevé qu'ils ont exprimé leur attachement à D.ieu par le célèbre Naassé venichma («nous accomplirons avant de comprendre»).
Cela implique une soumission totale, intellectuelle et physique. Mais ils ne sont pas restés longtemps à ce niveau. Quelques semaines plus tard, la faute du veau d'or eut lieu.
Après cette faute, d'après le Midrach, D.ieu s'adressa à eux et leur dit: «Vous avez failli dans votre engagement du naassé (l'action), conservez au moins celui du nichma , l'acceptation par la compréhension (Devarim Rabba Chapitre 3).
Quel est le sens de ces paroles ?
Cela signifie que même si le corps n'est plus automatiquement porté à accomplir la volonté divine, l'intellect saisit cette volonté et peut ensuite le soumettre.
C'est la raison pour laquelle l'âge de vingt ans a été fixé pour le recensement. Car c'est à partir de cet âge-là que l'on observe chez l'homme une maturité aboutie. L'intellect ( sé'hel ) est en mesure alors de réellement diriger les actes.
Nous retrouvons dans la hala'ha cette même distinction:
«C'est seulement après l'âge de vingt ans qu'un héritier peut vendre les biens immobiliers de son père: jusqu'alors, il n'est pas suffisamment mûr pour que cette vente soit bien réfléchie» (Talmud Gittin 65a).
La tribu de Lévy, quand à elle, a conservé son niveau, même après la faute du veau d'or, n'y ayant pas participé. Ce qui signifie donc, qu'ils n'ont pas perdu, contrairement aux autres tribus, le niveau extraordinaire de Naassé vénichma .
Même leur corps les dirige vers l'accomplissement sans faille de la volonté divine.
Dans leur cas, il suffisait donc d'attendre trente jours, moment où le corps est viable de façon certaine, pour pouvoir les dénombrer. Car le dénombrement exigé par D.ieu est celui de ceux qui peuvent former son armée spirituelle, de ceux qui sont attachés inconditionnellement à l'accomplissement de Sa volonté.


Si petite et si grande à la fois


Une autre remarque, de Na'hmanide cette fois, nous interpelle.
Cette tribu si proche de D.ieu est pourtant la plus petite en nombre.
Seulement 22 000 Lévites sont recensés alors que la plus petite des tribus, celle de Manassé compte 32 200 hommes sans oublier que les lévites sont recensés à partir de trente jours, alors que les autres tribus le sont à partir de vingt ans, ce qui aurait dû jouer dans le sens inverse!
Comment comprendre que cette tribu, bien aimée de D.ieu, n'ait pas joui de bénédiction divine dans ce domaine.
Na'hmanide propose une réponse:
Les autres tribus ont bénéficié de la bénédiction divine exprimée par l'accroissement démographique, à la suite des souffrances subies sous le joug égyptien, comme l'exprime le verset:
« Mais plus on l'opprimait, plus sa population grandissait et débordait » (Exode 1 12).
«C'est l'esprit divin qui annonçait: vous (les Egyptiens), vous déclarez: ?Il faut empêcher leur croissance, et Moi, D.ieu, Je dis: ? Ken Yirbé !': ils vont s'accroître de façon débordante» (Rachi ibid.).
La tribu de Lévy, qui n'a pas souffert de ce joug (cf. Dvar Thora parachat Chemot 5762) n'a donc pas bénéficié de cette bénédiction spéciale (Na'hmanide Nombres 3 14).
Le Netsiv (Rabbi Naftali Z.Yéhouda Berlin zatsal ), dans son commentaire «Heemek davar» (Nombres 1 39) propose une autre réponse.
Une loi naturelle veut que les arbres fruitiers se développent beaucoup plus lentement que les mauvaises herbes et les arbustes sans fruits. Cette même loi existe dans le domaine spirituel également.
Ainsi, le peuple juif devra attendre une longue période avant de connaître sa véritable éclosion. Ce n'est que pendant l'exil d'Egypte qu'il a pu croître de façon exponentielle. Jusqu'alors, sa croissance depuis les Patriarches n'était pas très rapide.
La tribu de Lévy, par sa qualité encore supérieure, celle de la légion de D.ieu, va devoir attendre encore plus, à savoir l'entrée en terre d'Israël, pour s'épanouir véritablement.
C'est d'ailleurs de cette façon que le Midrach comprend la stérilité prolongée des Imahoth , les mères d'Israël (Béréchit rabba 45 1).


Une mission différente


Pour revenir à la réponse de Na'hmanide, le Or ha'haïm hakadoch (Nombres 3 39) émet à ce sujet une objection. Le peuple juif, d'après le Midrach, s'est multiplié de façon extraordinaire, bien avant le joug égyptien.
«Rabbi Youdan dit: ?Jacob n'a quitté ce monde qu'après avoir vu sa descendance atteindre le nombre de soixante myriades'» (Béréchit Rabba 79 1).
La tribu de Lévy aurait donc dû atteindre à cette époque un chiffre bien plus important que 22 000.
Même une croissance normale pendant les deux cent-dix années de l'esclavage en Egypte aurait dû l'amener à un résultat tout à fait différent.
Pour expliquer le ses véritable des paroles de Na'hmanide, le Chem Michmouel (année 5675) développe une nouvelle approche:
Il cite à ce sujet le Or Ha'haïm (Exode 1 12) qui interprète, d'après les Kabbalistes, le verset concernant la croissance démographique des enfants d'Israël.
La bénédiction divine de l'accroissement démographique n'exprimait pas une simple réplique de D.ieu aux sombres plans des Egyptiens.
En réalité, l'oppression égyptienne a été prévue par D.ieu pour créer une séparation entre la sainteté ( kedoucha) et les forces du mal.
Lorsque, sous l'effet du joug égyptien, cette séparation devient effective, cela se répercute sur l'ensemble de l'univers, et les âmes saintes qui étaient en captivité sous l'emprise du mal depuis la faute d'Adam, vont être libérées.
Ces forces du mal sont appelées, dans la terminologie kabbalistique, les klipot .
C'est alors que ces âmes vont pouvoir retrouver leur place au sein de la communauté d'Israël et c'est ce qui explique cette extraordinaire croissance.
Du vivant de Jacob, il n'a pas été nécessaire de susciter l'oppression du peuple juif. Le niveau de sainteté de notre patriarche suffisait pour attirer tous les éléments de la kedoucha .
C'est ce qui explique les paroles du Midrach, qui nous dévoile que du vivant de Jacob, la communauté d'Israël a déjà atteint le chiffre de soixante myriades!
Et en réalité le rôle du peuple juif dans son ensemble, tout au long de son histoire, est d'attirer à lui toutes ces âmes.
C'est le sens des paroles de nos maîtres:
«D.ieu a exilé Israël parmi les nations dans le but unique que s'ajoute à eux des convertis ( guérim ).» (Talmud Pessa'him 87b).
Tous ces convertis, d'après la tradition, portent en eux, des âmes saintes qui se sont perdues dans les forces du mal.
Mais ce rôle concerne seulement les douze tribus, Lévy pour sa part a une mission différente à accomplir dans ce monde.
« Tu sépareras les Lévites des autres enfants d'Israël, de sorte que les Lévites soient à Moi » (Nombres 8 14).
Si le rôle d'Israël est de parvenir à un grand niveau moral afin de servir de modèle à l'humanité, celui de Lévy est différent.
Il consiste pour eux à élever la communauté d'Israël et de la lier à son Créateur.
De ce fait, ils ne participent pas à la récupération de toutes les âmes perdues.
Ils ne feront pas non plus partie de ceux qui seront oppressés en Egypte dans ce but, et pour la même raison, ils n'ont pas connu une croissance démographique accélérée, même du vivant de Jacob.
Maïmonide nous dévoile que le rôle des Lévites incombe aussi à tous ceux qui acceptent de se consacrer entièrement à l'étude et au service divin, laissant au second plan toutes les considérations matérielles. (Yad Ha'hzaka Hil'hoth Chemita veyovel 13 13).
C'est à tous ces individus qu'il appartient de rapprocher le peuple juif de son Créateur, jusqu'au jour où Israël dans son ensemble sera un phare et une lumière pour toute l'humanité.
Alors, à la venue du Messie, tous les éléments de la kedoucha reviendront à leur source et les paroles du prophète concernant la communauté d'Israël se concrétiseront:
«Et vous, vous serez appelés prêtres de l'Eternel, on vous nommera ministres de notre D.ieu» (Isaïe 61 6).


Source Chiourim