mardi 20 mars 2018

Samuel Sandler, habitant des Yvelines, écrit pour son fils et ses petits-enfants tués par Mohammed Merah


Samuel Sandler refuse de prononcer le nom de celui qui, à coups de pistolet-mitrailleur, a tué son fils Jonathan et ses deux petits-enfants, Gabriel, 3 ans, et Arié, 6 ans. Il y a six ans aujourd’hui. Leurs sourires sont partout, illuminant un appartement enveloppé à jamais dans un voile de tristesse irréparable. Samuel Sandler et son épouse Myriam ne cessent de regarder ces multiples clichés tapissant le salon de leur logement du Chesnay (Yvelines).......Interview........

« Celle-ci, c’était quelques jours avant l’attaque de l’école », confie Myriam, le regard figé sur Gabriel et Arié. Alors qu’ils se trouvent à l’entrée de l’école juive orthodoxe Ozar Hatorah, ce 19 mars 2012 à Toulouse, ils tombent avec leur père, rabbin et enseignant, sous les balles du fusil-mitrailleur de Mohammed Merah.
Sa folie meurtrière emporte aussi une enfant de 8 ans : « L’exécution a duré trente-six secondes », écrit Samuel Sandler dans Souviens-toi de nos enfants (Grasset), le livre d’un père, d’un grand-père, « n’ayant jamais imaginé que l’histoire la plus sombre pouvait se répéter ».

Si vous en aviez eu l’occasion, qu’auriez-vous dit à Mohammed Merhah ?
Rien. J’ai toujours voulu ignorer cette famille. À chaque fois que l’on me parle de l’assassin, je refuse même de prononcer son nom. Cela signifierait lui conférer une étincelle d’humanité.

Vous écrivez que le tueur « n’est même pas un barbare”…
Si je me réfère à mes souvenirs d’histoire, les barbares étaient des tribus qui venaient d’extrême Orient et envahissaient l’Europe.
C’était plus des guerriers qu’autre chose. Assimiler l’assassin à un barbare, c’est lui conférer un esprit guerrier que je lui refuse.

A quoi sert votre livre ?
C’est un devoir de mémoire. Le seul moyen de faire vivre mes enfants, de parler d’eux en permanence.

Six ans après leur mort, le chagrin et la colère sont ils aussi forts ?
Rien ne s’est apaisé. Mais il n’y a jamais eu de colère, d’abord une incompréhension totale.
Je n’ai pas compris pourquoi une telle attaque. Dans ma famille, on a toujours été élevés dans le respect d’autrui. Mes parents ont dirigé un hôtel et on voyait défiler le monde entier.

Votre avocate en Israël... 

Ma famille a toujours éprouvé une souffrance interne due à la Shoah, mais aucun sentiment de vengeance, jamais de haine. En fait, on s’est attaqué à nous par pur antisémitisme.

Dans sa virée, Mohammed Merhah a aussi tué un Français de confession musulmane, à Montauban.
Il a d’abord attaqué des soldats. Pour moi, il a surtout visé un symbole plus qu’une religion.

Pour vous, on n’a pas retenu les leçons de l’histoire, en particulier de la Shoah ?
C’est ce que je ressens. On n’a rien retenu. Je rappelle dans mon livre l’arrestation d’orphelins de Louveciennes ou de mon cousin Jeannot qui sont morts dans un camp d’extermination. Je ne croyais pas qu’en 2018, en France, on tuerait encore des enfants car ils sont juifs. Le procès du frère de l’assassin a confirmé qu’il s’agissait d’une exécution. Le tueur ne visait que des juifs.

L’Histoire se répète.
Quand ma belle-fille m’appelle ce matin du 19 mars 2012 et me dit : “Jonathan est mort, c’est un attentat”. Ma réaction première a été de dire que c’est le destin de notre famille, du peuple juif.

Cette tuerie est-elle l’œuvre d’un cas isolé ou reflète-t-elle un contexte bien plus profond ?
Les plus hauts fonctionnaires de la sécurité du pays m’ont expliqué qu’il y avait d’autres personnes du profil du tueur. Les autorités arrêtent régulièrement des terroristes prêts à passer à l’acte. Il y a de nombreux foyers en banlieue qui prospèrent sur l’inculture, l’ignorance.

Croyez-vous au dialogue inter-religieux ?
J’aimerais y croire.

Comment fait-on pour se relever d’une telle épreuve ?
Ma mission est de perpétuer la mémoire de mes enfants. J’ai la force de parler d’eux, encore et encore. N’ayant jamais accepté leur disparition, j’espère, un jour, les retrouver.

Olivier Bohin

Souviens-toi de nos enfants, avec Émilie Lanez. Grasset. Prix : 14 €.

Source L'echo republicain
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