mercredi 1 juin 2016

Lieberman et Netanyahu veulent-ils reprendre en main l'armée ?





Drapeaux frappés à l'étoile de David, tapis rouge, hymne national, généraux au garde-à-vous, hauts fonctionnaires en chemise blanche et cravate : rien n'a manqué à la cérémonie d'accueil du nouveau patron, au ministère de la Défense à Tel-Aviv. Dix minutes en tout et pour tout. Sans discours ni déclarations, comme le veut la tradition....







Et pourtant, rien de traditionnel dans la nomination d'Avigdor Lieberman au poste de « monsieur sécurité », ce qui en fait le numéro deux du gouvernement de Benjamin Netanyahu.
Son expérience sur le terrain se résume à un an de service militaire en qualité de caporal magasinier. Sans parler de son peu de connaissances du fonctionnement d'une grande armée moderne. En prime, il est désormais responsable des Territoires palestiniens.
Au terme des conventions internationales, il représente l'autorité occupante. C'est donc lui qui, désormais, va signer tous les décrets, notamment les réquisitions de terres.


Va-t-il recadrer l'élite militaire du pays ?

Va-t-il mettre en pratique sa vision du conflit telle qu'il l'a exprimée à de nombreuses reprises par le passé ?
Exemples : lors de la dernière guerre à Gaza, à l'été 2014, ministre des Affaires étrangères, il avait exigé du gouvernement qu'il ordonne la réoccupation totale de la bande de Gaza pour y éliminer le Hamas.
L'état-major avait répondu : « Cela prendra deux ans et coûtera des milliers de morts. » Récemment, il a déclaré qu'Israël devrait assassiner les dirigeants de l'organisation islamiste s'ils ne libéraient pas leurs prisonniers israéliens (au nombre de 2) et ne restituaient pas les corps des soldats qu'ils détiennent. À plusieurs reprises, il a appelé au limogeage de Mahmoud Abbas, le président palestinien.
Surtout pas, ont répondu les généraux en se félicitant de la coopération sécuritaire avec la police palestinienne et de la lutte antiterroriste menée par Abbas. 
Pour leur part, Netanyahu et ses proches critiquent régulièrement le chef de l'autorité autonome en l'accusant d'inciter à la violence, mais reconnaissent que, sans la police palestinienne, la situation serait bien pire.
Le mois dernier, les généraux ont eu la mauvaise surprise de voir Avigdor Lieberman faire irruption dans la base militaire où se déroulait une audience de la cour martiale devant laquelle comparaissait le soldat accusé d'avoir achevé, à Hébron, un assaillant palestinien blessé et au sol.
À cette occasion, celui qui allait diriger la Défense a déclaré : « Il n'y a aucune raison pour qu'Elior Azaria soit arrêté. Je ne suis pas d'accord avec son comportement. Mais je préfère voir un soldat commettre une erreur et rester vivant plutôt que le voir hésiter et se faire tuer par un terroriste. » L'armée n'avait pas apprécié.


« Quelles sont nos valeurs et qui sommes-nous ? »


Dans ces conditions, monsieur Netanyahu l'a-t-il placé à la Défense afin de recadrer l'élite militaire du pays, avec laquelle il a toujours eu maille à partir ? C'est ce que pensent de nombreux commentateurs. On devrait savoir très vite s'ils ont raison ou non.
En attendant, la gauche est persuadée que telle est bien l'intention du chef du gouvernement.
Pour Tzipi Livni, la numéro deux de l'Union sioniste, « la ligne de fracture en Israël traverse le clivage gauche-droite d'autrefois ». « La question n'est plus de savoir si nous avons ou non un partenaire pour la paix, mais quelles sont nos valeurs et qui sommes-nous. »
Après sa prestation de serment à la Knesset, monsieur Lieberman, lors d'une conférence de presse conjointe avec Benjamin Netanyahu, a évoqué son engagement envers la solution à deux États.
« La dernière initiative de paix du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, a-t-il ajouté, est très importante. Elle crée une véritable occasion qu'Israël doit saisir. » 
Un message destiné à rassurer la communauté internationale ? D'après ce que l'on sait, sa vision d'un éventuel accord avec les Palestiniens est très éloignée de ce que l'OLP est prête à accepter dans le cadre d'une paix avec Israël.


Par Danièle Kriegel


Source Le Point