Le Souss, Taroudant en particulier, est une région où a vécu une grande communauté juive marocaine depuis des siècles. Tamaloukt, Elhanouan, Ait Elhaj, Mentaga, Herguita, Imintagen, toutes ces communes ont été peuplées par les berbères juifs. Le départ massif de villages entiers de la région du Souss dans les années soixante vers Israël n’a pas déchiré l’attachement solide à l’identité marocaine et aux traditions berbères de cette communauté....
D’ailleurs, la danse du Ahidous est toujours célébrée lors des fêtes chez la communauté marocaine issue de cette région. Mais l’attachement aux racines est encore vif aujourd’hui plus que jamais.
A Aghzu N’bahamou, dans la commune de Oulad Berhil, à une trentaine de kilomètres de Taroudant, se trouve le mausolée de Rabbi David Ben Barroukh Azogh Cohen (photo ci-dessus), l’un des tombeaux les plus célèbres de la communauté juive marocaine.
Celui-ci revêt une importance religieuse considérable dans le culte juif au Maroc. Le célèbre rabbin, ou «tsadik» David Ben Barroukh Azogh Cohen, est considéré parmi les érudits du culte juif au Maroc.
A sa mort aux alentours des années 1785, un sanctuaire a été édifié à son honneur et en considération de son grand savoir. Aujourd’hui, le mausolée est un lieu de pèlerinage incontournable pour la communauté juive marocaine qui vient des quatre coins du monde.
Pour rendre hommage au «Tsadik», plus de 1200 pèlerins juifs se sont rendus cette année à Taroudant pour célébrer la dernière Hilloula (soirée célébrant le décès du Tsadik). D’autres saints de la famille sont aussi célèbres, comme Rabbi David Ha-Cohen Azogh, dit Baba Doudou, qui lui, est décédé en 1953 et est le dernier Tsadik de la lignée Cohen Azogh.
Sa dépouille repose au cimetière des juifs de Taroudant. «Le dernier enterrement dans ce cimetière a eu lieu en 1960. La plus ancienne tombe a, quand à elle, plus de 500 ans et appartient à un certain Mimoun El Baz», rapporte le gardien du cimetière.
Adossé à l’ancien mellah de Taroudant, dont seules quelques maisons subsistent encore, le cimetière est bien entretenu et gardé par les membres des familles. Il abriterait plus de 3.000 tombes selon le gardien, dont beaucoup restent inconnues. Du point de vue de la culture juive, Taroudant s’est distinguée aux 16ème et 17ème siècles par une école kabbalistique très importante. De célèbres rabbins ont vécu dans cette région et dont les œuvres viennent d’être publiées et font l’objet d’études.
La famille Cohen Azogh représente une lignée de kabbalistes issus de cette époque. Depuis le 18ème siècle, jusqu’à nos jours, la famille fait l’objet d’une vénération particulière de la part de la communauté juive marocaine. «Un comité composé des membres de la famille se rend plusieurs fois par année de Casablanca et Paris à Taroudant pour l’entretien du mausolée et le contact avec l’administration locale.
Ainsi que pour l’entretien du cimetière de Taroudant et des tombeaux de la famille Cohen Azogh à travers la région» note, George Sebbat, descendant de la région. A côté du cimetière se trouve encore l’école primaire de l’Alliance israélite universelle de Taroudant, qui porte aujourd’hui le nom de l’école «Brahim Roudani».
Cette école a formé plusieurs générations de juifs de 1929 jusqu’à sa fermeture en 1963. L’école mixte a apporté un grand changement au sein de la communauté juive de la région du Souss. «Le système éducatif laïc plus moderne et moins religieux de ces écoles visait l’émancipation des juifs à travers le Maroc.
Il a connu beaucoup de résistance chez la communauté juive de la région du Souss, très conservatrice et traditionnaliste» rappelle Mohamed Hatimi, professeur chercheur à la faculté de lettres et des sciences humaines de Fès Saïss. Aujourd’hui, de nombreux juifs marocains, de naissance ou descendants de Taroudant, vivant au Maroc ou à l’étranger, sont à la recherche de leur mémoire.
« Faire un musée pour conserver la mémoire de la communauté juive de Taroudant et de la région du Souss est une idée partagée par plusieurs juifs descendants de la région», ajoute Sebbat.
La récupération d’écrits et de manuscrits appartenant à des rabbins marocains du 17e et 18e siècles permettrait d’assembler les puzzles d’un patrimoine enseveli par le temps.
Source L'Economiste