jeudi 20 février 2014

Pour faire connaître la résistance juive


Une résistance juive s'est-elle constituée durant la Seconde Guerre mondiale que l'historiographie aurait longtemps sous-estimée, voire niée ? Dans un intéressant ouvrage récemment publié, l'historienne Sila Cehreli démontre qu'une telle résistance s'est effectivement organisée, notamment dans les camps d'extermination d'Europe de l'Est. Les centres de mise à mort de Chelmno, Belzec, Sobibór et Treblinka avaient pour fonction d'assassiner le maximum de juifs en les gazant.

Très novateur, l'essai extrait d'une thèse, écrite en français par une historienne turque, actuellement en poste à l'université de Marmara à Istanbul, contredit l'idée de la passivité des juifs déportés, soutenue par les plus grands historiens du génocide, y compris par Raul Hilberg. L'idée s'est longtemps imposée, en effet, que la résistance juive ne s'était manifestée que par des actes individuels spontanés.
L'originalité du travail de Sila Cehreli a consisté à mettre en valeur des sources orales ou écrites, longtemps négligées. Les archives judiciaires polonaises, soviétiques ou ouest-allemandes, datant de l'après-guerre, conservent des témoignages oraux déterminants pour la connaissance de cette période particulière de l'histoire de la Shoah, spontanément désignée par les survivants, à la fin de la guerre, par le mot yiddish de "Khurbn" signifiant "destruction".
De son côté, grâce à son film Shoah, Claude Lanzmann a déjà contribué à explorer les espaces d'extermination et à recueillir les témoignages précieux des survivants, des témoins ou des assassins. Poursuivant ces recherches pionnières, en dépit des évidentes difficultés à découvrir des documents attestant de la politique génocidaire des nazis -qui ont systématiquement effacé les traces de leur entreprise de mort- Sila Cehreli prouve que des recherches universitaires sur ce sujet sensible peuvent être menées avec profit.
Ce mot de Khurbn est repris par certains historiens pour désigner le projet génocidaire nazi, entrepris en Pologne, dans les camps de Belzec, Sobibór et Treblinka, dans le cadre de l'opération Reinhard, mais aussi dans celui de Chelmno. Pour ce dernier camp, Sila Cehreli exploite d'ailleurs les informations fournies par un témoignage collectif très précieux: le Testament des derniers prisonniers de Chelmno, un carnet de dix-sept pages confié par un détenu à un fermier polonais.
Lorsqu'on évoque la résistance juive, on désigne des actions de groupes, réfléchies et planifiées, destinées à entraver la politique génocidaire des nazis. Une telle résistance est née parmi les Arbeitsjuden des camps d'extermination, c'est-à-dire, parmi les déportés provisoirement épargnés par les nazis pour leur servir de main d'œuvre.
Sila Cehreli rappelle qu'on a longtemps fait reproche aux rares survivants de ces groupes d'avoir échappé à l'horreur. Son livre s'efforce de dissiper les préjugés faisant de ces Arbeitsjuden des sortes de complices des nazis alors qu'ils étaient eux-mêmes les victimes des bourreaux, systématiquement assassinés afin que soient supprimés les témoins oculaires du génocide.


Source HuffingtonPost