Jusqu’à la fin des années 20, tourner dans un film était impensable pour les actrices indiennes, le cinéma étant alors une activité considérée comme indigne pour toute femme « vertueuse ». Les acteurs de l’époque du cinéma muet indien se travestissaient, rasant leurs moustaches et revêtant des saris. Finalement, des femmes firent leur apparition à Bollywood. Mais elles n’étaient ni hindoues ni musulmanes. Elles étaient juives.
« Shalom Bollywood », du réalisateur de documentaires australien Danny Ben-Moshe, retrace l’histoire des Juifs qui participèrent au développement de la formidable industrie cinématographique indienne. Ben-Moshe explique que « les familles juives vivant en Inde (NDLR : des communautés Bene Israeli et Baghdadi, représentant aujourd’hui environ 6000 personnes sur une population de… 1,2 milliard d’habitants) étaient libérales. Les juives indiennes, avec leur peau claire et leur type plus européen, crevèrent l’écran ! ».
Ainsi, Susan Soloman, célèbre sous son nom de scène Firoza Begum, Sulochana (née Ruby Meyers), la première Miss Inde, Pramila (née Esther Abrahams), ou encore Nadira (Florence Ezekiel). Mais la contribution juive à l’essor de Bollywood ne se limita pas à des actrices. Le scénario et les chansons du premier film indien parlant, Alam Ara (1931), furent écrits par un Juif, Joseph Penkar David. L’un des plus grands chorégraphes de Bollywood, David Herman, était Juif. Tout comme l’une des stars masculines du cinéma indien, David Abraham Cheulkar, acteur dans plus de 100 films.
Sulochana (Ruby Meyers) fut la première star féminine indienne de l’âge d’or bollywoodien, ses revenus dépassant celui du gouverneur de Bombay ! Née en 1907, elle travaillait comme standardiste avant de débuter sa carrière d’actrice, et figurera dans des films à succès tels que « Balidaan » (1927) et « Wildcat of Bombay », dans lequel elle joue huit rôles différents, dont celui d’un homme et d’une… Européenne blonde !
Dans les années 40, alors que la carrière de Sulochana s’essouffle, une autre actrice juive voit son étoile monter au firmament bollywoodien. Son nom : Esther Victoria Abrahams, qui prendra comme nom d’actrice Pramila. Elle fut en 1947 la première Miss Inde, un fait d’autant plus unique que sa fille Naqi Jahan remportera également le titre en 1967 ! Pramila apparaîtra dans de nombreux films, dont l’immense succès « Mother India », qui restera sur les écrans indiens 82 semaines. Connue pour son esprit indépendant, elle quitte sa famille, originaire de Calcutta, à l’âge de 17 ans, pour rejoindre Bombay, où elle trouve un emploi dans un cinéma itinérant, dansant pour les spectateurs pendant les 15 minutes requises pour changer les bobines durant les séances ! Pramila incarnera la vamp indienne des années 40, apparaissant dans plus de 30 films.
Mais la plus célèbre des actrices juives de Bollywood reste Nadira, née Florence Ezekeil, archétype de la femme fatale, qui dit un jour à un journaliste venu l’interviewer et visiblement très nerveux : « Ne vous asseyez pas au bord du lit, vous allez tomber ! Venez plus près de moi et mettez-vous à l’aise. Je ne vais pas vous manger ! ». L’un de ses plus célèbres rôles est celui de Maya dans « Shree 420 », de Raj Kapoor.
Danny Ben-Moshe doit encore tourner quelques scènes en Inde avant de terminer son film, qui devrait sortir sur les écrans en 2012. « C’est étrange », déclare-t-il, « A Hollywood, les Juifs sont plutôt derrière la caméra et côté production, cachant souvent leur origine. Mais en Inde, c’est tout le contraire ! Les Juifs de Bollywood assument leur judaïsme avec assurance, face à la caméra ».
Source JewPop