vendredi 28 février 2014

La symbolique du Tabernacle


La dernière section du livre de Chémoth, Pékoudé, que nous lirons shabbat, marque la fin de la série des quatre parachiyot consacrées à la construction du Tabernacle dans le désert. C’est le moment de récapituler l’ensemble de cette réalisation exceptionnelle dans sa symbolique comme dans son objectif. En commençant par celui-ci, Dieu dit Lui-même qu’Il veut « résider au milieu de Son peuple », même dans un espace limité et dans une demeure modeste, selon le Midrash Rabba. Ce qui importe pour Dieu Qui vient de Se révéler au mont Sinaï et de donner la Torah à Son peuple, c’est que celui-ci Lui montre son amour, son attachement, telle cette jeune épousée qui se lie à son époux. Israël avait pour vocation d’entrer en terre de Canaan pour la conquérir et s’y installer : qu’à cela ne tienne, Dieu la suit et S’installe dans une demeure en son sein. Rappelons que pour certains commentateurs, la recommandation de construire le Tabernacle est venue après le péché du veau d’or, précisément pour empêcher que cette faute terrible ne se reproduise. Lorsqu’Israël verra la présence divine dans le Tabernacle, il ne sera plus enclin à le trahir...


Il ne fait aucun doute que tout dans le Tabernacle, ses dimensions, ses matériaux, ses tentures et ses couleurs, est profondément empreint de symboles forts. On pourrait reprendre la réflexion du Natsiv de Wollozyn : le Sanctuaire est le monde en petit ; de même que Dieu dirige un monde parfait et sans défaut, ainsi le Tabernacle ne devait comporter aucune erreur, aucun écart par rapport au plan initial donné par Dieu en connaissance de cause, en tant que Créateur. Ainsi, il est tout à fait judicieux de penser que de même que le périmètre du Sanctuaire et du futur Temple délimite un espace de paix où la présence de Dieu se fait sentir et se rend même visible, ainsi le monde global et immense doit être un lieu de paix et de respect, un lieu où l’esprit de Dieu doit régner au point où il ne peut y avoir de place pour le péché.
Commençons donc par réaffirmer que nul n’est besoin pour Dieu de Se faire construire un palais, qui n’en est pas, des ustensiles de culte et des sacrifices : c’est l’action de l’homme qu’Il recherche et qu’Il demande, son offrande à lui ; son dépassement de soi et son élévation par un service rituel des plus complexes et des plus prenants. Si Dieu demande à Israël de faire don d’or, d’argent et de cuivre ainsi que d’étoffes et de pierres précieuses, c’est pour lui permettre de se réaliser à travers leur don, pour s’élever même à travers ce qui peut souvent les corrompre et les dévier de leur chemin : l’or et l’argent. Après l’adoration du « veau d’or », Israël sera capable de démontrer magistralement que l’or peut servir aussi des causes nobles, vouées au culte de Dieu. Quels objets du Sanctuaire étaient faits d’or massif ? Les chérubins sur le propitiatoire – le couvercle de l’Arche sainte – et la Ménorah, le chandelier à sept branches. Ces deux objets majeurs étaient en fait complémentaires : le premier contenait la Torah, le second symbolisait son rayonnement et sa diffusion spirituels vers l’extérieur. Ces deux fonctions devaient être assurées avec une pureté totale et entière : l’arche de l’Alliance était faite d’or pur à l’intérieur et à l’extérieur, même si entre les deux caissons, se trouvait un caisson en bois de chittim, pour en alléger le poids. Celui qui étudie et qui enseigne la Loi, doit être pur à l’intérieur dans son intimité, comme à l’extérieur, dans ce qu’il a de visible par les autres. Entre les deux, il y a le bois qui symbolisera l’humilité de celui qui sait et qui enseigne. L’érudition ne doit mener qu’à l’humilité. Le chandelier était éclairé par de l’huile d’olive pure et vierge, car la diffusion de la Torah doit être assurée avec ces mêmes qualités, sans mélange d’aucune sorte. De plus, l’huile n’est pas miscible, elle ne se mélange à aucun autre liquide ; ainsi Israël ne peut se mélanger à aucune nation, parce qu’il a la Torah qui le place à part des autres.
Les autres objets, tels l’autel des encens et la table des pains de proposition étaient faits de bois plaqué d’or pur. Ils représentent tous deux la Prêtrise et la Royauté, l’esprit et la matière. La fumigation de l’encens comportait un secret profond et mystérieux, rapporté par Moïse, nous dit le Midrash, de son séjour de quarante jours et quarante nuits dans les hauteurs célestes, pour y apprendre la Torah de Dieu. C’est le lien direct entre l’homme et son Créateur à travers cette fumée odorante, provoquée par la consumation de l’encens sur les braises de l’autel et sentie par Dieu comme « une odeur apaisante » quand le courroux divin s’enflamme contre Son peuple.
La table, quant à elle, comportait six étagères sur lesquelles on disposait les douze « pains de l’intérieur » de shabbat en shabbat. Elle apportait la satiété au peuple d’Israël et à travers lui, au monde entier. Le prêtre qui ne mangeait que le volume d’une fève de ce pain, était rassasié. Selon  l’explication de Rabbi Moché Alchikh, cette Table sainte symbolisait la table de chaque chef de famille autour de laquelle il ne devait y avoir ni querelles, ni violence, mais uniquement sainteté et piété, car chaque table du repas familial est comparable à l’autel du Temple. Il en est ainsi de la table des rois qui doivent donner l’exemple et nourrir le peuple, et non l’inverse. La Table représentait la richesse matérielle et était disposée au nord, selon le principe des sages : la richesse vient du nord.
Il y avait dans le Tabernacle trois objets, cités ci-dessus, qui étaient surmontés d’un « liseré d’or pur » : ce sont l’Arche sainte, l’autel de fumigation des encens et la table des pains. Ces trois objets représentent les trois couronnes par lesquelles Dieu distingua Israël : la couronne de la Torah, la couronne de la Prêtrise et la couronne de la Royauté. Selon Rabbi Chimeon bar Yohaï, une quatrième couronne est venue surmonter les trois autres : celle du bon renom. Pour dire que ces trois sphères du pouvoir en Israël, que sont la sagesse de la Torah, la Prêtrise et la Royauté, doivent elles-mêmes intégrer le bon renom. Il ne suffit pas d’être érudit dans la Loi et d’être sage : il faut être aimé et apprécié par les autres, respecté pour ses qualités d’âme autant que pour ses connaissances. Il ne suffit pas de se réclamer Prêtre de naissance pour exiger ses droits : il faut être aimé et apprécié pour ses qualités et ses vertus, tel Aharon qui aimait et recherchait la paix entre ses frères. Il ne suffit pas de se proclamer roi de droit divin : il faut être aimé de son peuple sur lequel le roi doit concentrer toutes ses pensées et ses efforts pour le guider sur les chemins de la paix et de la prospérité.
L’histoire riche d’Israël a démontré qu’il pouvait y avoir des exemples contraires, mais leur expérience malheureuse prouve bien que c’est le liseré d’or qui doit être au-dessus de toute considération de pouvoir, d’autorité et de prestige.
Selon la loi de la transitivité en mathématiques, le monde est un homme en grand et l’homme est un monde en petit ; cela veut dire que le Tabernacle était un monde en petit ; il était aussi un homme en grand. Notre rôle est de maintenir vivant en nous, dans notre foyer, ce Sanctuaire et ses merveilleux symboles


Source JerusalemPost