mercredi 26 février 2014

Il faut sauver le mont des Oliviers



Une terre d’Histoire. Le mont des Oliviers, dont le sommet dépasse les huit cents mètres, fait partie des trois montagnes constituant la frontière entre les terres habitées et le désert de Judée. Il a de tout temps servi de barrière naturelle à l’est de Jérusalem sur trois kilomètres et demi, le long de la vallée du Kidron (dite aussi de Josaphat). De nombreux liens le rattachent à la religion juive à travers ses textes fondateurs, ses fêtes et ses diverses coutumes. Nous n’en citerons ci-dessous que quelques-uns.


Le midrash relatif à la fin du séjour de Noé dans l’Arche représente la référence juive la plus ancienne du Mont, duquel proviendrait le rameau d’olivier ramené par la colombe, prouvant que le Déluge était terminé !
David s’y est caché de son fils rebelle Absalon (qui y sera enterré) et y a prié : « David montait la pente du mont des Oliviers où il devait se prosterner devant Dieu, en pleurant, la tête voilée » (II Samuel XV, 30).

Du temps du Premier Temple, le prophète Zacharie (XIV, 4) annonce en une période troublée pour Israël : « Ce jour-là, ses pieds se poseront sur la montagne des Oliviers en avant de Jérusalem, à l’est… vous fuirez comme vous l’avez fait devant le tremblement de terre, du temps d’Ouzia, roi de Juda. Toutefois Dieu interviendra et tous ses saints seront avec toi ».
Si le centre de la vie religieuse juive aux temps bibliques se situe au mont Moriah (dit mont du Temple), le mont des Oliviers garde une place importante : on y brûle les « cendres purificatrices de la Vache rousse » (Livre des Nombres), on y trouve un des relais de signaux lumineux de fumée pour signaler le nouveau mois dans la région, le bouc de Kippour en route pour « Azazel » y transite, l’huile de ses oliviers sert à oindre Rois et Grands Prêtres, le Messie doit y faire son apparition sur un âne.

Le site, d’où l’on peut apercevoir de façon unique l’ensemble du mont du Temple, est devenu de ce fait un endroit traditionnel depuis au moins six siècles pour les lamentations juives face à la destruction du Temple, notamment le jour réservé à cet effet de « Ticha Be Av ».
A « Hoshanna Rabba » (fin des fêtes de Souccot), des pèlerins effectuent depuis l’exil de Babylone le voyage vers Jérusalem pour rappeler la glorieuse époque des fêtes de pèlerinage du Second Temple, notamment en effectuant sept processions autour du mont des Oliviers. Au Xe siècle, le chef spirituel et Rav Haï Gaon effectue lui-même ce pèlerinage et dit y avoir conversé avec le prophète Elie. Cette coutume a repris de l’ampleur depuis le Moyen Age.
Les chrétiens y attachent également une importance particulière, en ayant fait un lieu de pèlerinage privilégié depuis des siècles. Le « Nouveau Testament » relate en effet divers événements de la vie de Jésus qui s’y sont produits. Pour ne citer que les Actes des Apôtres qui y décrivent son apparition après sa résurrection et son Ascension quarante jours plus tard « du mont appelé “des Oliviers” près de Jérusalem » (Actes I, 12).

Ces références clés des textes fondateurs y ont suscité le développement progressif de nombreux édifices chrétiens : la « basilique de Gethsémani » avec la roche sur laquelle Jésus aurait prié avant sa Passion, le « Dominus flevit », chapelle en forme de larme où est commémorée la lamentation de Jésus sur Jérusalem qui refuse d’accueillir son message, d’autres églises dont l’orthodoxe « Sainte-Marie-Madeleine », le monastère orthodoxe de l’Ascension, le « Carmel du Pater Noster » avec la prière du « Notre Père » en diverses langues sur ses mosaïques.

Plus de 70 000 sépultures

Depuis les temps bibliques, les Juifs ont désiré s’y faire enterrer, notamment du fait de leurs croyances en une résurrection des morts qui doit y démarrer lors de l’arrivée du Messie. Au point que les corps y sont enterrés avec les pieds face au mont du Temple pour permettre aux ressuscités de se retrouver, le moment venu, dans la bonne position… On y trouve le plus important et plus ancien cimetière de Jérusalem car, en plus de l’argument messianique, il est proche de la ville tout en restant hors de ses frontières (les coutumes antiques interdisent les enterrements au sein de la ville) et il est constitué de craie facile à tailler. Sa terre y particulièrement propice à la culture des oliviers lui a donné son nom.
Des personnages célèbres de la Torah et du sionisme y sont enterrés. Les sépultures les plus anciennes et plus connues sont celles de Zaccharie (à l’impressionnante tombe taillée dans la pierre si caractéristique du site), Haggaï et Malachie. Dans le monde religieux, citons notamment Nahmanide (XIIIe s.) et le Bartenura (XVe s.) ou les premiers rabbins sionistes Hayim Ben Attar (dit le « Ohr Hakhayim », XVIIIe s.) et Yehouda Alcalaï (XIXe s.). Plus récemment, on peut mentionner le hakham Ben Ish ?ai (XIXe s.) et les Grands Rabbins de Jérusalem Shmuel Salant (XIXe s.) et Rav Zonnenfeld (début XXe s.), le fils du Rav Kook, le Grand Rabbin Ashkénaze d’Israël Shlomo Goren qui sonna du Shofar lorsqu’Israël prit possession de la Vieille Ville en 1967, le talmudiste américain Rav Aharon Soloveitchik ou les rabbins hassidiques comme les 4e et 5e Rabbis de Gour (XXe s.).
On y trouve également les sépultures de nombreuses personnalités du monde civil. Parmi elles, Henrietta Szold, fondatrice du mouvement de femmes Hadassah, Ben Yehouda, père de l’hébreu moderne, l’écrivain Shaï Agnon, Boris Schatz, fondateur de la célèbre école d’art Betsalel, ou encore Menachem Begin et son épouse.
De nombreuses personnalités chères aux francophones y sont également enterrées (les plus connues sont citées en encadré).

Le nombre de sépultures est évalué à plus de 70 000 tombes (150 000 selon certains). La taille réglementaire est, selon la religion juive, de 120 centimètres de profondeur et de 60 centimètres de largeur. Chananya Shachor, le responsable de la Hevra Kadisha de Jérusalem (la plus importante des 13 organisations en charge des enterrements locaux) nous révèle que, d’ici moins de dix ans, il n’y aura plus aucune place pour de nouvelles sépultures aux normes. Le coût actuel d’une place au mont des Oliviers (incluant la cérémonie) est de 80 000 shekels (environ 16 000 euros).

Mobilisation civile et parlementaire…

Au milieu des années 1850, les Juifs versaient plus de 100 livres annuelles aux Arabes du Mont afin d’empêcher leur profanation des tombes. De 1948 à juin 1967, les Jordaniens prennent possession des lieux, n’hésitant pas à en détruire des zones entières comme d’innombrables sépultures, à paver de routes les plus anciennes tombes en utilisant… des pierres tombales ! Celles-ci ont aussi servi pour la construction d’aires de stationnement, de stations essence ou même de latrines pour les casernes de l’armée. Les pèlerins chrétiens non israéliens étaient autorisés à visiter le site, mais, ni les Juifs d’aucun pays ni les citoyens israéliens n’en avaient le droit.
Après la guerre des Six Jours, le gouvernement israélien a entamé un long et minutieux processus de restauration du « Har Hazeitim » (mont des Oliviers). Cependant, les Arabes habitant autour du Cimetière ont continué jour après jour à désacraliser le site jusqu’à en utiliser des zones entières comme poubelles, à poursuivre la destruction des pierres tombales, à rendre le trajet vers le site dangereux et quasi impraticable du fait de jets de pierres répétés.
Des Juifs américains ont ainsi dû se mobiliser lors de ces périodes où l’Etat d’Israël s’est montré moins actif. Parmi eux, Jeff Daube, responsable de la ZOA en Israël (« Zionist Organization of America ») codirige ce comité et déploie depuis plusieurs années une farouche énergie pour mobiliser les divers acteurs concernés et sensibiliser l’opinion en Israël et dans le monde. En créant un comité international, le ICPHH (« International Committee for the Preservation of Har Hazeitim »), son organisation a fini par obtenir l’installation de clôtures, de dispositifs de surveillance électronique ou d’un poste de police équipé de 125 caméras, et ce grâce à une incessante mobilisation de leur part et à l’oreille attentive de la Knesset comme de la mairie de Jérusalem.
Jeff Daube a déclaré lors d’une rencontre au plus haut niveau qu’il a suscitée à la Knesset que la violence vient surtout des jeunes des environs, en particulier lors de leurs trajets scolaires. Il a ajouté que « le vrai contrôle de ce site par Israël représente un véritable révélateur de sa souveraineté sur tout Jérusalem ». Harvey Schwartz, président du Comité, a, quant à lui, déclaré à la Commission des affaires intérieures de la Knesset que « la communauté juive mondiale ne sera pas silencieuse tant que la situation sur le mont des Oliviers restera anormale. Ce n’est pas la première fois que la Knesset examine cette question, mais on ne constate pas de progrès en matière de violence et la police n’est pas suffisamment active en la matière. »
Fait rare à noter, tous les partis concernés de la Knesset se sont montrés en phase quant aux actions à accomplir pour permettre à tous d’accéder au site de manière sécurisée. Les interventions des députés Likoud (Miri Regev, très active sur ce sujet), Avoda (Hilik Bar), Shas (Avraham Michaeli) ou Judaïsme Unifié de la Torah (Uri Maklev) ont été dans ce sens. Les partis Meretz (Esawi Frij) et Yesh Atid (Dov Lipman) viennent de tenter (mais sans succès) de renforcer les peines à l’égard des jeunes lanceurs de pierres. Le député travailliste Hilik Bar a déclaré : « Nous ne devons pas attendre que quelqu’un soit tué. L’importance de ce site pour le peuple juif est énorme et des milliers de personnes devraient pouvoir le visiter tous les jours si leur sécurité n’était pas en jeu comme elle l’est aujourd’hui ». Il a été rejoint par son collègue du Shas Nissim Zeev qui a déclaré avoir reçu des pierres lors de son dernier trajet vers le site. Le député JUT Uri Maklev a insisté : « C’est le travail de la police d’assurer la sécurité du site. Si elle n’y arrive pas, il faudra faire intervenir l’armée ! ». Miri Regev a conclu en prévoyant une autre réunion sur le mont des Oliviers, courant 2014, afin d’inviter toutes les autorités en charge du dossier.
De nouvelles routes ont été construites pour faciliter les visites quotidiennes de milliers de visiteurs à ce cimetière le plus visité en Israël et qui permet de relier le passé et l’avenir de sa capitale Jérusalem. Si ce site reste parmi les plus visités des pèlerinages chrétiens en Israël, il n’attire pas un nombre de visiteurs juifs en rapport avec son importance. Il devrait en effet être un lieu de pèlerinage phare pour de nombreux laïcs, sionistes-religieux et ultraorthodoxes juifs, car il est le lieu de sépulture de certaines personnalités les plus importantes d’Israël et du judaïsme. Gageons qu’avec le travail de la Knesset aussi unie, de la mairie, des autorités, de l’ICPHH et des volontaires, ce site retrouvera la sérénité et l’attrait qu’il mérite. 


Malgré les ressources investies, bien du travail reste à accomplir et les volontaires sont les bienvenus : ils peuvent se signaler en téléphonant au *6033 ou en contactant Jeff Daube via sa page Facebook : https://www.facebook.com/jeff.daube?fref=ts
Pour toutes informations sur le site ou la localisation de sépultures, il convient d’appeler le 972-2-6275050 ou le 02 6275050.
Félix Perez est ancien Secrétaire général du Bné Akiva de France et Directeur de l’Association pour l’intégration des étudiants juifs de France.
Jeff Daube est codirecteur de l’ICPHH


Source JerusalemPost