A l’origine du retour d’Israël au Conseil des droits de l’homme, Eviatar Manor quitte ses fonctions dans quelques semaines. Son passage par Genève aura clos une carrière démarrée il y a quarante-trois ans. Fin juillet, Eviatar Manor quittera ses fonctions de représentant d’Israël auprès de l’ONU et de ses agences pour prendre sa retraite....Interview...
Au cours des quatre années passées dans les enceintes onusiennes, le diplomate a affronté plusieurs crises.
Son engagement personnel a pesé lourd dans le retour d’Israël au Conseil des droits de l’homme. Un retour et un engagement qui n’ont pas toujours été simples mais qui a permis à Israël de se positionner au sein d’autres instances internationales.
Que retiendrez-vous de votre passage à Genève?
En travaillant ici, j’ai pris conscience que le monde avait changé. Auparavant, que ce soit à Londres, Philadelphie ou Stockholm, j’ai occupé des postes dédiés aux relations bilatérales.
A Genève, on s’immerge dans le multilatéral. C’est une approche des relations diplomatiques totalement différente. On comprend que, face aux tsunamis, aux tremblements de terre, aux épidémies comme Ebola ou face aux conflits armés, aucun pays ne peut agir seul. Il faut des coalitions et l’expertise d’organismes spécialisés.
Mais les relations entre Israël et les agences onusiennes sont parfois tumultueuses…
Pendant ces quatre années, j’ai essayé de lutter contre la politisation de certaines instances comme l’OMS ou le Conseil des droits de l’homme tout en m’efforçant d’inclure Israël dans les activités onusiennes que je jugeais cruciales pour la résolution des crises.
En 2016, 5,6 millions de dollars ont été demandés par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme pour des programmes dont le seul but est de nous mettre au banc des accusés?
Alors que seulement 4 millions sont sollicités pour protéger la population syrienne. Pourquoi ne pas déployer cette énergie et ces ressources financières et humaines considérables pour protéger les citoyens de ces pays qui bafouent quotidiennement et en toute impunité les droits de l’homme?
En Israël, vous n’avez pas toujours été compris, n’est-ce pas?
Compte tenu de l’intensité des attaques dont mon pays a été la cible, cela a été un défi d’expliquer aux responsables politiques israéliens que nous devions maintenir notre présence au Conseil des droits de l’homme.
Leurs doutes étaient légitimes. Mais mon rôle était de leur expliquer que lutter contre la politisation de ces enceintes tout en y participant n’était pas nécessairement incompatible. Comme pays membre de la communauté internationale, mon pays a une place à tenir en termes de solidarité. C’est même dans la tradition juive.
Nous le faisons en coopérant notamment dans les domaines de la santé globale et de la sécurité alimentaire. Par ailleurs, en quatre ans, Israël a accompli de grandes choses à Genève. Nous avons finalement rejoint le groupe WEOG (ndlr: Western European and Others Group), présenté avec succès notre Examen périodique universel (EPU), présidé la Conférence de l’ONU sur le désarmement et, en 2013, Israël est devenu le premier Etat non-européen membre à part entière du CERN.
N’y a-t-il pas une part d’hypocrisie dans le jeu des Etats?
C’est vrai. Certaines postures sont artificielles. C’est ce que j’appelle le monde virtuel. On le voit à travers les alliances qui se nouent contre Israël dans les enceintes onusiennes. Et puis, il y a le monde réel. Là, les relations sont différentes. Des intérêts plus essentiels aux Etats et leurs citoyens prennent le pas.
Les relations personnelles que peuvent nouer les diplomates entre eux peuvent-elles influer sur certaines décisions?
Les diplomates sont des humains, ils ont des pensées, des sentiments. Il m’est arrivé d’avoir de mauvaises relations avec les représentants de pays amis et d’excellentes relations avec les représentants de pays hostiles. Ces bonnes relations aident parfois à régler les problèmes. J’ai reçu des soutiens inattendus mais je ne veux pas citer de diplomates ou de pays en particulier. Le rôle des diplomates dans le monde moderne est de faciliter la communication.
Comment avez-vous réagi à l’accord sur le nucléaire iranien négocié en partie à Genève?
La question du nucléaire n’est que l’un des aspects d’une problématique beaucoup plus complexe. On a peut-être bloqué le développement de la force nucléaire iranienne pour 15 ans mais le processus de légitimation de l’Iran, lui, va troubler le monde. On le voit déjà avec ce qui se passe en Syrie, en Irak, au Yémen et à Gaza. Et le processus de paix en Syrie…
Je crois qu’il est impossible de reconstruire la Syrie telle qu’elle était auparavant. Il y a 6 millions de réfugiés et l’intelligentsia a quitté le pays. Maintenant les Kurdes, les Alaouites, les sunnites mais aussi des groupes comme Daech portent des revendications d’autonomie. Je ne vois pas quelle peut être la solution.
Source Tribune de Geneve