mercredi 6 mars 2013

Holyland : mort du témoin clef



Coup de tonnerre dans l’affaire Holyland. Le principal témoin assermenté dans le procès attenté contre l’ancien Premier ministre Ehoud Olmert et 15 autres accusés est décédé le vendredi 1er mars au matin.
 
Connu sous les initiales de S.D., il était dans sa 70e année et avait déjà été hospitalisé trois fois depuis l’ouverture du procès à la Haute Cour de Tel-Aviv. Sa mort pourrait avoir un impact énorme sur l’affaire, mais les conséquences exactes sont encore floues. Olmert est accusé de corruption, pour avoir accepté des pots-de-vin dans le scandale immobilier de Holyland dans le sud-ouest de Jérusalem. Constructions qui ont dépassé de beaucoup les limites autorisées.

Le procès continue 

Le ministre de la Justice a confirmé que toutes les charges retenues contre les accusés seraient maintenues. S.D. a témoigné pendant 75 jours d’audience sur une période de 8 mois. Son témoignage, ainsi que les contre-interrogatoires, étaient suffisamment détaillés au moment de sa disparition, à la fois pour la défense et pour l’accusation. Outre ses révélations, les charges reposent également sur des documents et d’autres sources. Il n’y aurait donc pas lieu de clore l’affaire.

Le porte-parole d’Ehoud Olmert n’a fait ni commentaire, ni demande d’annulation du procès pour vice de forme. Un vice de procédure est requis dans le cas où l’impossibilité de mener à terme les interrogatoires du témoin à charge prive l’accusé d’un procès équitable.

L’Etat a exprimé sa tristesse à la mort du témoin S.D. et fait savoir qu’il partageait la peine de la famille, tout en réclamant que l’anonymat du témoin soit maintenu. Son avocat, Amnon Itzhak, a déclaré sur les ondes de l’armée que l’affaire constituait « un fardeau émotionnel et physique pour le témoin, un homme âgé et malade ». Il a confié que son client avait été victime d’un malaise durant la nuit, et qu’il était décédé à 4 h 30, malgré les efforts des médecins pour le réanimer.

S.D. aurait-il menti ?

Lors d’une audience la veille de sa mort, Roi Belcher, l’avocat d’Olmert, avait tenté de confondre le témoin sur de nombreux détails apparus dans l’affaire et accusé le témoin d’être un menteur patenté. Au cours de la semaine écoulée, l’équipe de juristes de l’ancien Premier ministre avait acculé le témoin pour lui faire admettre qu’il avait falsifié les pièces à conviction qu’il avait remises au tribunal. Au tout début de l’affaire, S.D avait en effet reconnu la falsification de certains documents et fait des fausses déclarations à la défense.

Mais affirmé que toutes ses déclarations faites sous serment au tribunal étaient vraies. Au cours des interrogatoires et contre-interrogatoires suivants, il avait cependant été prouvé qu’il avait falsifié des documents utilisés dans la présente procédure pénale.

Mardi 26 février, les avocats d’Olmert avaient notamment réussi à prouver la falsification d’un document censé prouver la participation active de l’ancien politicien dans cette affaire de corruption. S.D. a déclaré que le document prouvait qu’Olmert avait fait entrer le cabinet d’expertise comptable Barzilai dans le projet Holyland en 1994. Or, l’équipe de juristes a mis en évidence que S.D. avait falsifié le document.

Pour preuve, le numéro de téléphone qui y figure n’aurait existé qu’en 1996, au plus tôt. S.D. a d’abord voulu faire croire que, lors de la photocopie, il avait par erreur surimprimé une autre page datée ultérieurement. Pour ensuite revenir sur ses dires et déclarer avoir tout oublié de ces événements.

Et réalisant combien sa crédibilité était mise à mal, il avait fini par avouer au tribunal : « Je falsifiais les documents, mais pas systématiquement ». Sautant sur l’occasion que lui offrait cet aveu, Belcher a voulu enfoncer le clou. Et demandé à S.D. s’il avait falsifié des documents « dans le but d’induire les autorités en erreur », jouant sur le fait que l’intention de fourvoyer le tribunal constituait en soi un délit. Le témoin avait alors admis que c’était son intention.

Plus tard, à l’audience, le juge David Rozen était sorti de son devoir de réserve et les avocats d’Olmert avaient pu constater qu’ils avaient réussi à semer le doute dans son esprit quant à la validité des charges retenues contre l’accusé. Rozen a également laissé entendre à Belcher que les preuves retenues contre Olmert avaient perdu de leur crédit. Le tribunal s’est alors concentré sur d’autres accusés faisant face à des charges beaucoup plus lourdes.

L’émotion était grande tout au long de l’audience, au vu des échanges assez vifs entre S.D. et Belcher, se traitant mutuellement « menteur » à plusieurs reprises. A tel point que la cour avait dû intervenir plusieurs fois pour demander aux deux parties de s’abstenir d’« attaques personnelles ».

Dimanche 24 février, les avocats d’Olmert ont aussi produit une page du journal de S.D. sur laquelle figure la liste des personnes ayant perçu des pots-de-vin. Le nom d’Olmert ne figurait pas. Ce document pourrait amener le juge à mettre en doute la véracité de tous les documents produits par S.D.

afin de prouver la culpabilité de l’accusé. Belcher a également attiré l’attention de la cour sur les oublis possiblement opportunistes du témoin. Il a notamment voulu lui rafraîchir la mémoire et rappelé qu’Olmert avait appuyé le projet Holyland publiquement, lors de conférences de presse avec l’ancien ministre du Tourisme Baram Ouzi, bien avant que S.D. ait soi-disant soudoyé Olmert pour obtenir son soutien.

Lors des funérailles de S.D., sa fille a exprimé sa colère contre les avocats d’Ehoud Olmert, les accusant d’avoir épuisé son père et d’avoir littéralement « bu son sang ». Lundi 4 mars, le tribunal a annoncé qu’il n’y aurait pas de délai supplémentaire suite au décès du témoin, délai réclamé par l’Etat pour préparer ses autres témoins aux audiences.