Le Premier ministre turc Recep Tayyip a confirmé l'apparent effet de machine arrière sur le règlement de la brouille entre son pays et Israël. Selon lui, la normalisation entre les deux pays n'interviendrait que si l'état hébreu respectait sa part d'engagement - ou ce qui semble etre un nouvel engagement pris par les dirigeants israéliens à l'égard du blocus de Gaza.
" Nous avons dit : des excuses doivent être faites, des indemnités doivent être payées aux familles des victimes et le blocus de Gaza doit être levé" a martelé Erdogan ajoutant que son pays n'avait aucunement l'intention de renvoyer un ambassadeur en Israël : "la normalisation se produira lorsqu'il y aura une mise en œuvre de cet accord; et nous disons clairement sans mise en œuvre de ces mesures, pas de normalisation".
Or dans la bouche des dirigeants israéliens – au contraire, plusieurs ministres l'ont précisé -, la question du blocus de Gaza n'avait pas été évoquée.
Réagissant à la déclaration du Premier ministre turc, Tsipi Livni, ministre de la Justice a estimé qu'Israël " n'était pas obligé d'avaler de telles déclarations pour aller à un renforcement des liens avec la Turquie."
Les déclarations d'Erdogan allaient déjà dans ce sens samedi, après un surprenant appel du Premier ministre israélien à son homologue turc, un geste qui résultait directement de la visite de Barack Obama en Israël.
Erdogan a par ailleurs confirmé dimanche qu'il était "trop tôt pour interrompre les procédures judiciaires visant des officiers supérieurs de Tsahal, dont l'ancien chef d'Etat major Gabi Ashkenazi.
Le Cabinet de Benjamin Netanyahu avait publié un communiqué annonçant que les deux dirigeants étaient parvenus à un accord "de normalisation entre Israël et la Turquie, incluant le retour des ambassadeurs".
Netanyahou aurait exprimé clairement que les "résultats tragiques de l'arraisonnement du Mavi Marmara n'étaient pas intentionnels, Israël exprimant ses regrets pour les pertes en vies humaines".
Le communiqué énonce que les investigations sur l'arraisonnement "auraient démontré des erreurs opérationnelles; le Premier ministre Netanyahou présente ses excuses au peuple turc pour ces erreurs qui ont conduit à des pertes humaines et a donné son accord pour l'indemnisation des familles."
Il paraît peu probable que Netanyahou ait donné son accord à une levée du blocus de Gaza, d'autant que le communiqué de son cabinet met en exergue le fait qu'Israël "a déjà levé de nombreuses restrictions sur la circulation des personnes et des marchandises dans tous les territoires palestiniens, y compris Gaza".
Erdogan a par ailleurs confirmé son intention de se rendre à Gaza – et peut être dans les territoires de l'Autorité palestinienne, qu'il a totalement ignorée jusqu'à présent – le mois prochain.
Pour le Premier ministre de Gaza, Ismaïl Hanyeh, "les excuses d'Israël sont une importante victoire de la Turquie"; confirmant la prochaine visite d'Erdogan, il a annoncé que selon lui, "cette visite officielle sera une étape importante pour la fin de l'isolement politique et diplomatique" de la bande de Gaza.
Le communiqué du Premier ministre israélien n'est pas si éloigné des positions traditionnelles israéliennes : les pertes en vies humaines n'étaient pas intentionnelles – la Turquie demandait des excuses pour une action militaire volontaire", le Benjamin Netanyahou n'a présenté aucune excuse au gouvernement turc, mais au peuple turc.
L'indemnisation des familles avait été rapidement proposée par Israël.
L'intervention de Barack Obama dans le dossier aura certainement été déterminante, même si on ne sait pas si des contreparties à cette diplomatie des petits pas ont été données aux deux pays.
Ce que le Président américain n'a pas compris – ou n'a pas voulu comprendre – c'est que la dégradation des relations entre la Turquie et Israël avait débuté bien avant l'affaire du Mavi Marmara.
Le Mavi Marmara – un navire affrété et financé par l'IHH, une pseudo organisation humanitaire islamiste turque, classée terroriste par plusieurs pays européens, en fait liée à l'AKP, le parti islamiste dont est issu Erdogan - était déjà un geste inamical à l'égard d'Israël, une provocation – le navire n'avait rien d'humanitaire – directement issue des mauvaises relations entre les deux pays.
Car Erdogan est un islamiste, et un islamiste porteur d'une profonde détestation d'Israël.
Peu importe si les intérêts stratégique de la Turquie sont d'entretenir une relation forte avec l'état hébreu; comme souvent pour les islamistes, l'idéologie prime.
Depuis son accession au pouvoir en 2003, Erdogan n'a que deux objectif : conquérir le leadership du monde musulman régional, et, à tire personnel, devenir le leader des peuples arabes de la région.
Une stratégie mise en difficultés ces derniers mois : l'Iran, comme l'Arabie saoudite ou le Qatar n'ont nulle intention de "lâcher" à la Turquie un leadership qu'ils se disputent âprement, et sur les deux derniers conflits régionaux (la guerre Israël-Gaza; la guerre civile en Syrie), la Turquie s'est trouvée diplomatiquement marginalisée, réduisant Erdogan à jouer le "Napoléon aux petit pieds".
Gageons que ces échanges de déclarations de principe seront probablement, rangées sur les étagères de l'inutilité : la Turquie n'a probablement aucune intention de revenir volontairement au niveau de ses relations antérieures avec Israël.
De leur côté, plusieurs soldats impliqués dans l'opération militaire, dont certains ont été blessés par "les pacifistes" présents sur le Mavi Marmara confiaient leur amertume aux médias israéliens, estimant "qu'il n'y avait pas d'excuses à présenter", certains acceptant l'idée au nom de l'intérêt national.
Le 27 février, au cours d'un forum de l'ONU à Vienne, Erdogan a déclaré que " le sionisme était un crime contre l'Humanité".
Source Israel Infos