Sir Nicholas Winton pourrait bien être le prochain à recevoir le prestigieux Prix Nobel de la paix. C’est en tout cas ce qu’espère le collectif d’élèves de l’école Open Gate dans la banlieue de Prague et leur professeur, dont la campagne de soutien à la nomination de Nicholas Winton auprès du comité Nobel attire à nouveau les projecteurs sur l’histoire de ce Britannique qui a sauvé 669 enfants tchécoslovaques en leur trouvant un refuge en Grande-Bretagne.
Nicholas Winton avait une carrière toute tracée et tranquille dans le secteur bancaire londonien. Pourtant, en 1938, il préfère se rendre à Prague prêter main forte à un ami, volontaire dans une association pour réfugiés juifs. Anticipant sur les évènements, il installe un bureau dans la salle à manger de son appartement sur la place Venceslas et travaille immédiatement à l’affrètement de convois de trains à destination de Londres pour évacuer les enfants tchécoslovaques. En tout, huit trains, huit « Kindertransport » partent ainsi de la gare de Prague. Le neuvième, préparé pour le 1er septembre 1939 avec, à son bord, 250 enfants, ne quitte pas le quai : la Seconde Guerre mondiale vient de commencer.
Cette histoire a bien failli rester inconnue de tous, s’il n’y avait eu Greta, la femme de Nicholas Winton, qui découvre dans une valise rangée au grenier de vieux documents faisant état des activités de son mari à Prague en 1938 et 1939. C’est ensuite la BBC qui dévoile les faits dans l’émission That’s life ! en 1988, à l’occasion de laquelle est organisée une réunion surprise entre Nicholas Winton et une trentaine de ces « enfants », retrouvés grâce aux documents apportés par Greta.
Des retrouvailles qui émeuvent le monde entier et particulièrement le réalisateur slovaque Matěj Mináč qui voit dans cette histoire une nouvelle inspiration pour la jeunesse. Il tourne alors trois films inspirés de cette histoire : le film de fiction Všichni moji blízcí (« tous mes proches »), le documentaire Nicholas Winton, Síla lidskosti (« Nicholas Winton, la force d’un juste ») récompensé par un Emmy Award en 2002 et enfin Nicky’s family (« la famille de Nicky ») qui mélange fiction et documentaire. Trois films motivés par l’intérêt soulevé dans le monde entier par la découverte de cette histoire, et particulièrement chez les jeunes. Leurs encouragements poussent Matěj Mináč à continuer à développer ce thème de la bonne action et de l’abnégation autour de l’histoire de Nicholas Winton.
« Des millions d’enfants, principalement des Etats-Unis, du Canada, de France, d’Allemagne, mais aussi d’autres pays, ont vu mon premier film dans le cadre de séances scolaires. Ils ont décidé qu’ils devaient, eux-aussi, faire une bonne action, comme Sir Winton et ils m’ont écrit à ce sujet. Ça nous a encouragés et nous avons tourné encore un troisième film avec cette thématique. »
Un troisième film qui mêle archives, documentaires et fiction retrace le parcours de Nicholas Winton, « Nicky », et des enfants, « ses » enfants. Présenté officiellement au Sénat tchèque le 13 janvier 2012, ce film multi-genre a également servi de base à un projet interactif et pédagogique mené par Matěj Mináč avec plusieurs écoles tchèques pour faire découvrir l’histoire de Nicholas Winton aux jeunes enfants.
« C’était en quelque sorte une aventure de travailler là-dessus, car cette histoire se révèle au fur et à mesure. Aujourd’hui encore, nous ne savons pas où vivent quatre cents de ces enfants sauvés, personne ne sait où ils sont. Il y a toujours de nouveaux documents qui apparaissent ou qui sont découverts. Et puis Sir Nicholas Winton est toujours vivant, il mène une vie très riche ! Alors nous nous sommes sentis pousser à faire ce film. »
Le succès en République tchèque est immédiat. Nicholas Winton est recommandé deux fois pour le Prix Nobel de la paix en 2008 et 2011 par Přemysl Sobotka puis Miroslava Němcová, en tant que présidents des deux chambres du Parlement tchèque. Ces deux échecs n’ont pas découragé un collectif d’élèves de l’école privée Open Gate qui s’est lancé dans une vaste campagne de recueil de signatures pour soutenir une nouvelle proposition de nomination. Au cœur de la motivation de ces jeunes : la volonté que le monde n’oublie pas cette histoire, ni le geste courageux d’un homme qui a permis de sauver les vies de ces enfants. Jiří Kostečka est leur professeur et le coordinateur du projet.
Il nous en dit plus :
« C’est avant tout l’aspiration très grande de ces jeunes qui veulent montrer qu’ils connaissent l’histoire de Nicholas Winton et des enfants qu’il a sauvés, qu’ils n’oublient pas et surtout qu’ils ont conscience de la grandeur de cette action. Pour ma part, je connais très bien l’histoire de Nicholas Winton, et je me suis engagé dans ce projet car l’année dernière c’est l’Union Européenne qui a reçu le prix et j’ai réalisé qu’elle aurait pu attendre quelques années, alors que Sir Winton a déjà 103 ans, et qu’il mérite véritablement d’être récompensé. Je tiens à souligner que ce projet est réalisé à 90% par les élèves. Nous les avons un peu aidé pour l’organisation de base et avec quelques documents importants mais le reste, toute la stratégie, l’initiative de récolter des signatures de soutien, tout a été le travail de ces jeunes et c’est ce qui est magnifique. »
Tomáš Titěra a 18 ans et il est l’un des organisateurs de l’ « Initiative pour la nomination de Nicholas Winton au Prix Nobel de la paix ». Pour lui, il s’agit de faire perdurer l’héritage de Nicholas Winton et de faire en sorte que ses actes ne soient pas oubliés :
« Nous avons connu l’histoire de Nicholas Winton grâce à un programme sonore diffusé dans notre école et nous avons assisté à la première du film de Matěj Mináč « La famille de Nicky ». L’évènement déclencheur pour nous a ensuite été quand deux femmes sont venues à l’école, deux femmes que Nicholas Winton a sauvées quand elles étaient enfants. Nous nous sommes dit qu’il devait être reconnu pour ses actes et qu’il méritait le Prix Nobel, c’est pour ça que nous avons lancé cette initiative. »
Campagnes de pétitions en ligne, sites internet, stands de signatures… Les participants de cette initiative n’ont pas ménagé leurs efforts pour attirer l’attention sur leur projet, avec succès puisque les médias tchèques ont largement participé à la promotion de cette action et Miroslava Němcová en sa qualité de présidente de la Chambre basse du Parlement a une nouvelle fois proposé cette nomination au comité Nobel, afin de soutenir leur projet. Un succès qui s’est également exprimé à l’étranger puisque d’autres organisations de jeunes à l’étranger ont lancé des initiatives similaires. Jiří Kostečka et Tomáš Titěra s’en félicitent et espèrent que cela contribuera à convaincre le comité Nobel.
« Des pays étrangers s’inscrivent au fur et à mesure dans notre projet. Nous avons d’abord reçu un grand soutien aux Etats-Unis, mais j’ai été informé qu’il y a aussi des actions en France et que le Parlement d’Israël a exprimé son soutien. Maintenant nous préparons de grandes conférences de presse avec l’assistance des ambassades dans plusieurs pays dans lesquelles nous plaiderons pour un travail commun sur les pétitions, afin que le soutien que nous recevons s’exprime dans le monde entier. »
« Nous espérons recevoir un soutien du monde entier, nous travaillons pour créer des initiatives semblable à la nôtre à l’étranger. Grâce à ce soutien, nous espérons nous rapprocher de notre but et que le comité Nobel examinera sérieusement cette nomination. »
Le Prix Nobel de la paix récompense chaque année « la personnalité ou la communauté de personnes ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix », selon le testament d’Alfred Nobel.
A 103 ans, c’est peut-être la dernière chance pour le « Schindler britannique » de recevoir ce prix.
Décorés plusieurs fois, Nicholas Winton a été fait chevalier en 2002 par la reine Elizabeth II pour services rendus à l’humanité. Une planète mineure porte même son nom. Ce n’est donc pas le prix en lui-même qui est important, mais la consécration de l’héritage qu’il représente.
La proposition de nomination est parvenue au comité Nobel accompagné de 170 000 signatures de soutien, et ce pour la seule République tchèque. Reste encore la deuxième étape : atteindre le demi-million de signatures dans le monde entier pour convaincre les membres du comité de l’importance de cette nomination.
Jiří Kostečka a déclaré : « La deuxième phase se déroulera jusqu’en juin, au début des vacances d’été. Le but est de rassembler le maximum de signatures en République tchèque et dans le monde entier, donc il faut étendre l’initiative. Nous voulons recueillir au moins un demi-million de signatures. Ensuite, nous voulons organiser des évènements dans les ambassades tchèques des pays où vivent les enfants sauvés par Nicholas Winton et avec leur aide faire connaître davantage leur histoire. Enfin, nous rassemblerons toutes ces signatures et nous les enverrons au comité Nobel à Oslo afin d’appuyer notre demande d’examiner la possibilité de décerner le Prix Nobel de la paix à Nicholas Winton. »
Un projet ambitieux pour un petit groupe d’élèves âgés entre 16 et 19 ans, mais qui semble en bonne voie au vu du retentissement mondial déjà soulevé. Le comité Nobel doit à présent retenir 199 propositions parmi toutes celles reçues, puis voter l’attribution du prix.
Réponse en octobre 2013.
Source Lemondejuif.info