L'écrivain était l'invité de Boomerang à l'occasion de la sortie de son tout dernier roman "Le crépuscule des fauves", le second tome de sa trilogie 9, où espionnage et thriller font la pair. Au micro d'Augustin Trapenard, pour sa carte blanche, Marc Levy a souhaité rendre hommage à son père.........Détails........
Aux côtés d'Augustin Trapenard, le célèbre romancier confiait les raisons de son goût si singulier pour la création romanesque, conditionné par l'amour des autres ; évoquant en même temps sa fascination pour les lieux insolites et poétiques que sont, à ses yeux, les librairies ; et sa conception du livre comme élément essentiel de préservation de la démocratie.
Nous vous proposons de (re)lire et de réécouter ce texte poignant que Marc Lévy a choisi de lire au micro de Boomerang, pour sa carte blanche.
Un texte qu'il avait écrit dans Les Enfants de la liberté", son septième roman paru en 2007, où il rend hommage à son père en y racontant son histoire, son passé en tant que juif-résistant, membre de la brigade Marcel Langer et des MOI toulousains.
S'ils ont toujours tout partagé, son père n'a jamais voulu raconter à son fils son passé.
Car, pour lui, raconte l'auteur, "la victoire était dans la dignité de vivre, la victoire était venue bien longtemps après la guerre, c'est pourquoi il avait envie que nos vies se tournent vers le futur et non vers le passé.
Hommage de Marc Levy à son père
Un petit texte qui commence par les mots du ministre de la Défense, au moment d'une remise de médailles à Toulouse en septembre 1984 :
En Novembre 1942, la main d'œuvre immigrée du Sud-Ouest se constituait en mouvement de résistance militaire pour former la 35e brigade FTP-MOI.
Juifs, ouvriers et paysans, pour la plupart immigrés, Hongrois, Tchèques, Polonais, Roumains, Italiens, Yougoslaves, ils étaient plusieurs centaines à participer à la Libération de Toulouse, de Montauban ou encore d'Agen ; ils étaient de tous les combats pour bouter l'ennemi hors de la Haute-Garonne, du Tarn, du Tarn-et-Garonne, de l'Ariège, du Gers, des Basses et Hautes-Pyrénées.
Nombre d'entre eux ont été déportés ou ont laissé leur vie, à l'image de leur chef, Marcel Langer… Traqués, misérables, sortis de l'oubli, ils étaient le symbole de la fraternité forgée dans le tourment né de la division, mais aussi symbole de l'engagement des femmes, des enfants et des hommes qui contribuèrent à ce que notre pays, livré en otage aux nazis, sortit lentement de son silence pour renaître enfin à la vie…
Ce combat, condamné par les lois alors en vigueur, fut glorieux. Il fut le temps où l'individu dépasse sa propre condition en connaissant le mépris des blessures, les tortures, la déportation et la mort.
Il est de notre devoir d'enseigner à nos enfants combien il était porteur de valeurs essentielles, combien il mérite, en raison du lourd tribut payé à la liberté, d'être inscrit dans la mémoire de la République française.
Le ministre accrocha une médaille au revers de leurs vestes [...] À peine descendu de l'estrade, mon père a ôté sa médaille et l'a rangée dans la poche de sa veste.
Il est venu vers moi, m'a pris sous son épaule et a murmuré : "Viens, il faut que je te présente aux copains et puis nous rentrons à la maison".
Le soir, dans ce train qui nous ramenait vers Paris, je l'ai surpris, regardant défiler la campagne, muré dans son silence.
Sa main traînait sur la tablette qui nous séparait, je l'ai recouverte de la mienne, cela n'était pas rien.
Il n'a pas détourné la tête, mais j'ai pu voir dans la fenêtre les reflets de son sourire. Je lui ai demandé pourquoi il ne m'avait pas raconté tout cela plus tôt, pourquoi avoir attendu tout ce temps ?
Il a haussé les épaules et a dit : "Qu'est-ce que tu voulais que je te dise ?"
Moi, je pensais que j'aurais voulu savoir qu'il était Jeannot ; j'aurais voulu porter son histoire sous mon habit d'école.
Beaucoup de copains sont tombés sous ces rails. Plus tard, je veux juste que tu te souviennes que je suis ton père.
Sous cette terre de France, reposent ses copains.
Chaque fois qu'ici ou là, j'entends quelqu'un exprimer ses idées au milieu d'un monde libre, je pense à eux.
Alors je me souviens que le mot "Étranger" est une des plus belles promesses du monde, une promesse en couleurs, belle comme la Liberté".
Vous nous aimez, prouvez-le....