lundi 22 mars 2021

Bibi l’insubmersible


Depuis mercredi dernier, la photo d’une statue en bronze érigée par un artiste inconnu sur la place Habima Square à Tel-Aviv et retirée depuis fait le tour des réseaux sociaux israéliens. Baptisée « Héros israélien », elle représente le Premier ministre sortant, nu et accroupi comme pour faire ses besoins. Si, pour les uns, cette statue a été érigée pour nuire à l’image de Benjamin Netanyahu quelques jours avant la tenue des élections législatives de demain, d’autres y voient un moyen de réveiller le Likoud, le parti du Premier ministre donné favori de ce scrutin, et ses soutiens volant au secours de leur héros humilié.........Détails........

Fort de ses victoires politiques, celui qui a ravi en 2019 au père fondateur d’Israël David Ben Gourion le record de longévité à la tête du pays ne manque pas de détracteurs. Malgré son avance confortable, le Likoud – et avec lui son chef – pourrait être en difficulté à l’issue des élections législatives alors que le score s’annonce serré. Pour beaucoup d’observateurs, l’un des principaux enjeux de cette quatrième consultation électorale en moins de deux ans est l’avenir politique de Benjamin Netanyahu lui-même qui, pour la première fois depuis 2009, affronte deux adversaires issus des rangs de son parti. Mais même en cas d’échec, beaucoup d’éléments laissent penser que le « roi Bibi » – surnom donné par ses partisans aussi bien que par ses critiques l’accusant de dérive monarchique – n’a pas l’intention de renoncer au pouvoir et compte bien occuper le devant de la scène politique à la faveur des stratégies qu’il a développées au cours de son expérience.
« Il est le politicien le plus stratégique d’Israël. Personne ne semble en mesure de rivaliser avec son expérience et sa tactique », commente Dahlia Scheindlin, consultante en politique internationale à la Century Foundation. 
Premier ministre depuis plus de 12 années consécutives après avoir brigué un premier mandat en 1996, M. Netanyahu semble avoir fracassé l’unité du pays pour mieux régner. 
« Il crée toujours une sorte de compétition binaire entre la droite et la gauche, les Juifs et les Arabes, ou encore lui et ses adversaires politiques », poursuit la spécialiste. 
Ainsi, lors des élections législatives de 2015, le Premier ministre avertissait, pour mobiliser son électorat, que « la droite est en danger » et que « les électeurs arabes arrivent en masse pour voter » avec des groupes de gauche les amenant en bus. 
Ayant attisé les divisions entre Juifs et Arabes, Benjamin Netanyahu a fait voter en juillet 2018 la loi sur « l’État-nation juif », marginalisant la place des citoyens non juifs en Israël et lui assurant le soutien de sa base politique conservatrice. Il semble vouloir appliquer la même stratégie de division au sein de la classe politique du pays. 
Ayant récemment multiplié les attaques à l’encontre de Yaïr Lapid, leader du parti centriste Yesh atid (Il y a un futur) et rival le plus sérieux de M. Netanyahu à l’approche des élections législatives, le Premier ministre place volontairement son concurrent à gauche dans l’objectif de séparer la classe politique en deux camps. « Lorsqu’il attaque Lapid, il dit à tous ceux qui sont de droite en Israël : si vous ne votez pas pour moi, vous obtiendrez Lapid et vous aurez alors un gouvernement de gauche. 
Il fait croire que le vote est très simple : c’est soit moi, soit Lapid », observe Dahlia Scheindlin. « En parallèle, il fait tout pour flétrir ses autres rivaux à droite et au centre. Ce n’est pas une coïncidence s’il ne fait pas de cette élection un combat du type moi contre Benett (chef du parti Yamina) ou moi contre Saar (chef du parti Nouvel espoir). 
Netanyahu ne veut pas que ces derniers soient des concurrents potentiels dans l’esprit des électeurs », ajoute t-elle.
Si Benjamin Netanyahu a pris soin de discréditer ses adversaires, il a en parallèle cherché à faire de ses rivaux des alliés. 
« Le Premier ministre a réussi à attirer vers lui des personnes qu’il a trahies au fil du temps. L’exemple le plus récent a été l’alliance conclue dans son gouvernement précédent avec Benny Gantz qui a pourtant gagné en se positionnant comme anti-Bibi », note Paul Scham, directeur exécutif du Gildenhorn Institute for Israel Studies à l’Université de Maryland. 
Le 20 avril dernier, l’ex-chef d’état-major de l’armée qui conduisait la coalition centriste Bleu-Blanc aux élections législatives face à M. Netanyahu décide finalement de signer un accord de coalition avec son rival. L’accord prévoit une rotation au pouvoir : le Premier ministre devait rester à son poste 18 mois avant de laisser la place à Benny Gantz. 
Ce gouvernement d’union nationale échoue cependant en décembre alors que la Knesset est dissoute faute d’accord sur le budget. Benjamin Netanyahu peut toutefois se réjouir de l’implosion de la liste centriste conduite par Benny Gantz. Plusieurs électeurs ont préféré partir, dénonçant la trahison de leur leader qui avait promis de ne pas s’allier au Premier ministre tant que ses démêlés judiciaires n’étaient pas réglés. 
« Pour M. Netanyahu, chaque jour est une campagne. Le Premier ministre a ainsi beaucoup d’autres tactiques, comme mettre ses concurrents à des postes d’ambassadeur à l’ONU afin de faire en sorte qu’ils ne soient pas présents sur la scène publique israélienne », note Dahlia Scheindlin.
Ce fin stratège, habitué aux manigances en coulisses, se donne une tout autre image dans la sphère publique. 
En janvier dernier, le Premier ministre tentait pour la première fois une opération séduction auprès des Arabes israéliens lors d’une visite à Nazareth, plus grande ville arabe du pays. Benjamin Netanyahu avait alors présenté des excuses pour ses déclarations offensantes à l’égard de cette communauté qui représente environ 20 % de la population. 
Comme à chaque fois, il a occupé l’espace central de la campagne électorale en multipliant les déplacements sur le terrain et en donnant des interviews à la presse. 
« C’est un maître de la communication. Il pratique cela et perfectionne sa maîtrise des outils de communications depuis le début de sa carrière », explique Dahlia Scheindlin. 
En 1982, le Premier ministre est nommé collaborateur au sein de l’ambassade israélienne à Washington puis, en 1984, ambassadeur de l’État hébreu auprès des Nations unies à New York. 
« M. Netanyahu a commencé comme porte-parole et n’a jamais abandonné son obsession pour les médias. 
Il aime parler personnellement avec les journalistes, mais accorde rarement des interviews à la presse israélienne. Alors, quand il le fait, cela fait sensation, comme ces dernières semaines », poursuit la spécialiste. Maîtrisant la télévision comme aucun autre leader en Israël, M. Netanyahu semble privilégier les réseaux sociaux. 
Particulièrement actif sur Instagram, Facebook ou encore Twitter, le Premier ministre s’adresse alors directement à la population sans faire face aux journalistes qui chercheraient à le déstabiliser, et à évoquer les trois affaires pour corruption, fraude et abus de confiance dans lesquelles il est jugé. « Pour s’en sortir, le Premier ministre convoque le récit selon lequel il est victime du même type de forces obscures au sein de l’État qui a marginalisé ses électeurs au fil des années », analyse Dahlia Scheindlin. 
« Tout comme Trump, il parvient à projeter l’image d’un complot orchestré contre lui par les élites culturelles, éducatives et scientifiques du pays », commente à son tour Paul Scham. Une stratégie qui permet notamment au Premier ministre de concentrer une grande partie des votes des juifs séfarades du pays, se sentant discriminés par les juifs ashkénazes originaires d’Europe et plus aisés financièrement.
Malgré les accusations qui pèsent sur lui, le Premier ministre sortant est parvenu à convaincre une partie de l’opinion de sa gestion efficace de l’économie et de son image de meilleur garant de la sécurité d’Israël. Sans oublier la réouverture progressive du pays après une campagne de vaccination très efficace qui a permis à la moitié de la population de recevoir au moins une dose de vaccin contre le Covid-19. 
« Benjamin Netanyahu est parvenu à faire de l’État d’Israël un pays plus accepté dans le monde, en particulier dans certaines parties du monde arabe », note Paul Scham. En témoignent les accords de normalisation signés entre Israël et plusieurs pays arabes, à l’instar des Émirats arabes unis. Si l’issue du scrutin de demain est incertaine, les analystes s’accordent à dire que Bibi n’est pas encore décidé à céder le pouvoir. 
« M. Netanyahu est un politicien né. Il aime le jeu politique et la stratégie, et sait rebondir dans les situations d’attaque. Alors qu’il voit le monde comme une sorte de jeu d’échecs, il est toujours de retour avec des réponses et des triomphes », résume Dahlia Scheindlin.

Source L'orient le jour
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